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mardi 12 mai 2015

Éléphant

« La magnifique bête ! s'écria Kennedy. Quelle masse ! Je n'ai jamais vu dans l'Inde un éléphant de cette taille !
— Cela n'a rien d'étonnant, mon cher Dick ; les éléphants du centre de l'Afrique sont les plus beaux. Les Anderson, les Cumming les ont tellement chassés aux environs du Cap, qu'ils émigrent vers l'équateur, où nous les rencontrons souvent en troupes nombreuses.
— En attendant, répondit Joe, j'espère que nous goûterons un peu de celui-là ! Je m'engage à vous procurer un repas succulent aux dépens de cet animal. M. Kennedy va chasser pendant une heure ou deux, M. Samuel va passer l'inspection du Victoria et, pendant ce temps, je vais faire la cuisine.
— Voilà qui est bien ordonné, répondit le docteur. Fais à ta guise.
— Pour moi, dit le chasseur, je vais prendre les deux heures de liberté que Joe a daigné m'octroyer.
— Va, mon ami ; mais pas d'imprudence. Ne t'éloigne pas.
— Sois tranquille.
Et Dick, armé de son fusil, s'enfonça dans le bois.
Alors Joe s'occupa de ses fonctions. Il fit d'abord dans la terre un trou profond de deux pieds ; il le remplit de branches sèches qui couvraient le sol, et provenaient des trouées faites dans le bois par les éléphants dont on voyait les traces. Le trou rempli, il entassa au-dessus un bûcher haut de deux pieds, et il y mit le feu.
Ensuite, il retourna vers le cadavre de l'éléphant, tombé à dix toises du bois à peine ; il détacha adroitement la trompe qui mesurait près de deux pieds de largeur à sa naissance ; il en choisit la partie la plus délicate, et y joignit un des pieds spongieux de l'animal ; ce sont en effet les morceaux par excellence, comme la bosse du bison, la patte de l'ours ou la hure du sanglier.
Lorsque le bûcher fut entièrement consumé à l'intérieur et à l'extérieur, le trou, débarrassé des cendres et des charbons, offrit une température très élevée ; les morceaux de l'éléphant, entourés de feuilles aromatiques, furent déposés au fond de ce four improvisé, et recouvert de cendres chaudes ; puis, Joe éleva un second bûcher sur le tout, et quand le bois fut consumé, la viande était cuite à point.
Alors Joe retira le dîner de la fournaise ; il déposa cette viande appétissante sur des feuilles vertes, et disposa son repas au milieu d'une magnifique pelouse ; il apporta des biscuits, de l'eau-de-vie, du café, et puisa une eau fraîche et limpide à un ruisseau voisin.
Ce festin ainsi dressé faisait plaisir à voir, et Joe pensait, sans être trop fier, qu'il ferait encore plus de plaisir à manger.
« Un voyage sans fatigue et sans danger ! répétait-il. un repas à ses heures ! un hamac perpétuel ! qu'est-ce que l'on peut demander de plus ? Et ce bon M. Kennedy qui ne voulait pas venir ! »
De son côté, le docteur Fergusson se livrait à un examen sérieux de l'aérostat. Celui-ci ne paraissait pas avoir souffert de la tourmente ; le taffetas et la gutta-percha avaient merveilleusement résisté ; en prenant la hauteur actuelle du sol, et en calculant la force ascensionnelle du ballon, il vit avec satisfaction que l'hydrogène était en même quantité ; l'enveloppe jusque-là demeurait entièrement imperméable.
Depuis cinq jours seulement, les voyageurs avaient quitté Zanzibar ; le pemmican n'était pas encore entamé ; les provisions de biscuit et de viande conservée suffisaient pour un long voyage ; il n'y eut donc que la réserve d'eau à renouveler.
Les tuyaux et le serpentin paraissaient être en parfait état ; grâce à leurs articulations en caoutchouc, ils s'étaient prêtés à toutes les oscillations de l'aérostat.
Son examen terminé, le docteur s'occupa de mettre ses notes en ordre. il fit une esquisse très réussie de la campagne environnante, avec la longue prairie à perte de vue, la forêt de camaldores, et le ballon immobile sur le corps du monstrueux éléphant.
Au bout de deux heures, Kennedy revenait avec un chapelet de perdrix grasses, et un cuisseau d'oryx, sorte de gembok, appartenant à l'espèce la plus agile des antilopes. Joe se chargea de préparer ce surcroît de provisions.
« Le dîner est servi » s'écria-t-il bientôt de sa plus belle voix.
Et les trois voyageurs n'eurent qu'à s'asseoir sur la pelouse verte ; les pieds et la trmompe d'éléphant furent déclaré exquis ; on but à l'Angleterre comme toujours, et de délicieux havanes parfumèrent pour la première fois cette contrée charmante.
Kennedy mangeait, buvait et causait comme quatre ; il était enivré ; il proposa sérieusement à son ami le docteur de s'établir dans cette forêt, d'y construire une cabane de feuillage et d'y commencer la dynastie des Robinsons africains.
La suite n'eut pas autrement de suite, bien que Joe se fût proposé pour remplir le rôle de Vendredi. »
 
Jules Verne : Cinq semaines en ballon (1862) — Chapitre XVII 
(Sommaire)

 

(Source de l'image The Illustrated Jules Verne)

vendredi 3 avril 2015

Mbenbu

Les cartes indiquaient de vastes mares sur le versant occidental de Jihoue-la-Mkoa. Joe s'y rendit seul avec un baril, qui pouvait contenir une dizaine de gallons ; il trouva sans peine l'endroit indiqué, non loin d'un petit village désert, fit sa provision d'eau, et revint en moins de trois quarts d'heure ; il n'avait rien vu de particulier, si ce n'est d'immenses trappes à éléphants ; il faillit même choir dans l'une d'elles, où gisait une carcasse à demi rongée.
Il rapporta de son excursion une sorte de nèfle, que des singes mangeaient avidement. Le docteur reconnut le fruit du « mbenbu », abres très abondant dans la partie occidentale de Jihoue-la-Mkoa. Fergusson attendait Joe avec une certaine impatience, car un séjour même rapide sur cette terre inhospitalière lui inspirait toujours des craintes.
L'eau fut embarquée sans difficulté, car la nacelle descendit presque au niveau du sol ; Joe put arracher l'ancre, et remonta lentement auprès de son maître. Aussitôt celui-ci raviva sa flamme, et le Victoria reprit la route des airs.

Jules Verne : Cinq semaines en ballon (1862) — Chapitre XIV
(Sommaire)


(Source de l'image The Illustrated Jules Verne)

lundi 9 mars 2015

Antilope

Kennedy fit signe à son compagnon de se taire et de s’arrêter. Il fallait savoir se passer de chien, et, quelle que fût l’agilité de Joe, il ne pouvait avoir le nez d’un braque ou d’un lévrier.
Dans le lit d’un torrent où stagnaient encore quelques mares, se désaltéraient une troupe d’une dizaine d’antilopes. Ces gracieux animaux, flairant un danger, paraissaient inquiets ; entre chaque lampée, leur jolie tête se redressait avec vivacité, humant de ses narines mobiles l’air au vent des chasseurs.
Kennedy contourna quelques massifs, tandis que Joe demeurait immobile. ; il parvint à portée de fusil et fit feu. La troupe disparut en un clin d’œil ; seule une antilope mâle, frappée au défaut de l’épaule, tombait foudroyée. Kennedy se précipita sur sa proie.
C’était un blawe-bock, un magnifique animal d’un bleu pâle tirant sur le gris avec le ventre et l’intérieur des jambes d’une blancheur de neige.
« Le beau coup de fusil ! s’écria le chasseur. C’est une espèce très rare d’antilope, et j’espère bien préparer sa peau de manière à la conserver.
— Par exemple ! y pensez-vous, monsieur Dick ?
— Sans doute ! Regarde donc ce splendide pelage.
— Mais le docteur Fergusson n’admettra jamais une pareille surcharge.
— Tu as raison, Joe ! Il est pourtant fâcheux d’abandonner tout entier un si bel animal !
— Tout entier ! non pas, monsieur Dick ; nous allons en tirer tous les avantages nutritifs qu’il possède, et si vous le permettez, je vais m’en acquitter aussi bien que le syndic de l’honorable corporation des bouchers de Londres.
— A ton aise, mon ami ; tu sais pourtant qu’en ma qualité de chasseur, je ne suis pas plus embarrassé de dépouiller une pièce de gibier que de l’abattre.
— J’en suis sûr, monsieur Dick ; alors ne vous gênez pas pour établir un fourneau sur trois pierres ; vous aurez du bois mort en quantité, et je ne vous demande que quelques minutes pour utiliser vos charbons ardents.
— Ce ne sera pas long », répliqua Kennedy.
Il procéda aussitôt à la construction de son foyer, qui flambait quelques instants plus tard.
Joe avait retiré du corps de l’antilope une douzaine de côtelettes et les morceaux les plus tendres du filet, qui se transformèrent bientôt en grillades savoureuses.

Jules Verne : Cinq semaines en ballon (1862) — Chapitre XIV
(Sommaire)

mercredi 4 mars 2015

Café

« [...] Kennedy était enfin devenu aussi loquace que Joe ; ils se renvoyaient mutuellement leurs phrases admiratives.
— Fi des diligences ! disait l'un.
— Fi des steamers ! disait l'autre.
— Fi des chemins de fer ! ripostait Kennedy, avec lesquels on traverse les pays sans les voir !
— Parlez-moi d'un ballon ! reprenait Joe ; on ne se sent pas marcher, et la nature prend la peine de se dérouler à vos yeux !
— Quel spectacle ! quelle admiration ! quelle extase ! un rêve dans un hamac !
— Si nous déjeunions ? fit Joe, que le grand air mettait en appétit.
— C'est une idée, mon garçon.
— Oh ! la cuisine ne sera pas longue à faire ! du biscuit et de la viande conservée.
— Et du café à discrétion, ajouta le docteur. Je te permets d'emprunter un peu de chaleur à mon chalumeau ; il en a de reste. Et de cette façon nous n'aurons point à craindre d'incendie.
— Ce serait terrible reprit Kennedy. C'est comme une poudrière que nous avons au-dessus de nous.
— Pas tout à fait, répondit Fergusson ; mais enfin, si le gaz s'enflammait, il se consumerait peu à peu, et nous descendrions à terre, ce qui nous désobligerait ; mais soyez sans crainte, notre aérostat est hermétiquement clos.
— Mangeons donc, fit Kennedy.
— Voilà, messieurs, dit Joe, et, tout en vous imitant, je vais confectionner un café dont vous me direz des nouvelles.
— Le fait est, repris le docteur, que Joe entre mille vertus, a un talent remarquable pour préparer ce délicieux breuvage ; il le compose d'un mélange de diverses provenances, qu'il n'a jamais voulu me faire connaître.
— Eh bien ! mon maître, puisque nous sommes en plein air, je peux bien vous confier ma recette. C'est tout bonnement un mélange en parties égales de moka, de bourbon et de rio-nunez. »
 
Jules Verne : Cinq semaines en ballon (1862) — Chapitre XII 
(Sommaire)
 

(Source de l'image The Illustrated Jules Verne)

lundi 23 février 2015

Tembo & Togwa

Les nègres se livrent alors à de furieuses orgies, s'enivrant du « tembo », liqueur ardente tirée du cocotier ou d'une bière extrêmement capiteuse, appelée « togwa ». Leus chants, sans mélodie appréciable, mais dont le rythme est très juste, se poursuivirent fort avant dans la nuit.
 
Jules Verne : Cinq semaines en ballon (1862) — Chapitre XI

vendredi 30 janvier 2015

Toasts

Le 20, un grand dîner d’adieu fut donné au docteur Fergusson et à Kennedy par la Société Royale de Géographie. Le commandant Pennet et ses officiers assistaient à ce repas, qui fut très animé et très fourni en libations flatteuses ; les santés y  furent portées en assez grand nombre pour assurer à tous les convives une existence de centenaires. Sir Francis M… présidait avec une émotion contenue, mais pleine de dignité.
A sa grande confusion, Dick Kennedy eut une large part dans les félicitations bachiques. Après avoir bu « à l’intrépide Fergusson, la gloire de l’Angleterre », on dut boire « au non moins courageux Kennedy, son audacieux compagnon ».
Dick rougit beaucoup, ce qui passa pour de la modestie : les applaudissements redoublèrent. Dick rougit encore davantage.
Un message de la reine arriva au dessert ; elle présentait ses compliments aux deux voyageurs et faisait des vœux pour la réussite de l’entreprise.
Ce qui nécessita de nouveaux toasts « à sa Très Gracieuse Majesté ».
A minuit, après des adieux émouvants et de chaleureuses poignées de main, les convives se séparèrent.

Jules Verne : Cinq semaines en ballon (1862) — Chapitre VIII
(Sommaire) 

lundi 8 décembre 2014

Vivres

Il calcula également le poids exact de ses vivres ; ils consistèrent en thé, en café, en biscuits, en viande salée et en pemmican, préparation qui, sous un mince volume, renferme beaucoup d’éléments nutritifs. Indépendamment d’une suffisante réserve d’eau-de-vie, il disposa deux caisses à eau qui contenaient chacune vingt-deux gallons1.
La consommation de ces divers aliments devait peu à peu diminuer le poids enlevé par l’aérostat. Car il faut savoir que l’équilibre d’un ballon est d’une extrême sensibilité. La perte d’un poids presque insignifiant suffit pour produire un déplacement très appréciable.
Le docteur n’oublia ni une tente qui devait recouvrir une partie de la nacelle, ni les couvertures qui composait toute la literie du voyage, ni les fusils du chasseur, ni ses provisions de poudre et de balles.
Voici le résumé de ces différents calculs :
Ferguson.....................................135 livres
Kennedy......................................153  —
Joe..........................................120  —

Poids du premier ballon......................650  —

Poids du second ballon.......................510  —
Nacelle et filet.............................280  —
Ancres, instruments,
Fusils, couvertures,        }................190  —
Tente, ustensiles divers,
Viande, pemmican,
Biscuits, thé,              }................386  —
Café, eau-de-vie,
Eau..........................................400  —
Appareil.....................................700  —
Poids de l’hydrogène.........................276  —
Lest.........................................200  —
                               Total........4000 Livres
Tel était le décompte des quatre mille livres que le docteur Ferguson se proposait d’enlever ; il n’emportait que deux cent livres de lest, « pour les cas imprévus seulement », disait-il, car il comptait bien ne pas en user grâce à son appareil.
 
1 : Cent litres à peu près. Le gallon qui contient 8 pintes vaut quatre litres 453
 
Jules Verne : Cinq semaines en ballon (1862) — Chapitre VII
(Sommaire)

vendredi 28 novembre 2014

Privations

Ils se rendirent tous les trois à l’atelier de MM. Mittchell, où l’une de ces balances dites romaines avait été préparée. Il fallait effectivement que le docteur connût le poids de ses compagnons pour établir l’équilibre de son aérostat. Il fit donc monter Dick sur la plate-forme de la balance ; celui-ci, sans faire de résistance, disait à mi-voix :
« C’est bon ! c’est bon ! cela n’engage à rien.
— Cent cinquante-trois livres, dit le docteur, en inscrivant ce nombre sur son carnet.
— Suis-je trop lourd ?
— Mais non monsieur Kennedy, répliqua Joe ; d’ailleurs, je suis léger, cela fera compensation. »
Et ce disant, Joe prit avec enthousiasme la place du chasseur ; il faillit même renverser la balance dans son emportement ; il se posa dans l’attitude du Wellington qui singe Achille à l’entrée d’Hyde-Park, et ce fut magnifique, même sans bouclier.
« Cent vingt livres, inscrivit le docteur
— Eh ! eh ! » fit Joe avec un sourire de satisfaction. Pourquoi souriait-il ? Il n’eût jamais pu le dire.
« A mon tour », dit Fergusson, et il inscrivit cent trente-cinq livres pour son propre compte.
« A nous trois, dit-il, nous ne pesons pas plus de quatre cent livres.
— Mais, mon maître, reprit Joe, si cela était nécessaire pour votre expérience, je pourrais bien me faire maigrir d’une vingtaine de livres en ne mangeant pas.
— C’est inutile, mon garçon, répondit le docteur ; tu peux manger à ton aise, et voilà une demi-couronne pour te lester à ta fantaisie. »
 
Jules Verne : Cinq semaines en ballon (1862) — Chapitre VI
(Sommaire)

(Source de l'image The Illustrated Jules Verne)

lundi 24 novembre 2014

Sandwich

« Quand tu m'auras écouté pendant dix minutes, répondit tranquillement le docteur, tu me remercieras.
— Tu parles sérieusement ?
— Très sérieusement.
— Et si je refuse de t'accompagner ?
— Tu ne refuseras pas.
— Mais enfin, si je refuse ?
— Je partirai seul.
— Asseyons-nous, dit le chasseur, et parlons sans passion. Du moment que tu ne plaisantes pas, cela vaut la peine que l'on discute.
— Discutons en déjeunant, si tu n'y vois pas d'obstacle, mon cher Dick. »
Les deux amis se placèrent l'un en face de l'autre devant une petite table, entre une pile de sandwiches et une théière énorme.
 
Jules Verne : Cinq semaines en ballon (1862) — Chapitre III
(Sommaire)

vendredi 21 novembre 2014

Esturgeon

« Après la séance, le docteur fut conduit au Traveller’s club dans Pall Mall ; un superbe festin s’y trouvait dressé à son intention ; la dimension des pièces servies fut en rapport avec l’importance du personnage, et l’esturgeon qui figura dans ce splendide repas n’avait pas trois pouces de moins en longueur que Samuel Fergusson lui-même. »
 
Jules Verne : Cinq semaines en ballon (1862) — Chapitre I
(Sommaire)
(Source de l'image The Illustrated Jules Verne)