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mercredi 14 septembre 2016

Deux paragraphes tirés de « Livres dépravés », de Gilbert Lascault

L’ordre biblioclaste
 
Il est heureux que cette résistance du livre existe. Car la bibliocastie, la volonté d’abolir les livres est bien rarement un acte transgressif, subversif. Bien plus souvent c’est une politique du pouvoir, un coup de l’État, un maintien de l’ordre. Les empereurs (et, par exemple, Chi Hoang Ti), les fascistes (en Allemagne, au Chili), les Églises établies (l’Inquisition) adorent mettre les livres au feu et les écrivains au milieu. La biblioclastie s’organise alors souvent au nom d’un livre unique : Mein Kampf par exemple. On dit que la Bibliothèque d’Alexandrie fut incendiée par l’ordre de César (général et écrivain) ou, du moins, qu’il ne fit pas grand effort pour la sauver. Plus que d’autres, certains livres sont persécutés ; le manuscrit de Sade, les Journées de Florbelle, a été brûlé sur l’ordre du préfet de police Delavau.
Dans les pays les plus « civilisés », l’État et ses appareils répressifs et idéologiques n’ont que rarement besoin de brûler spectaculairement des livres. Ils préfèrent empêcher, par des contraintes économiques et avec la complicité tacite de bien des éditeurs, la publication et surtout la grande diffusion des ouvrages qu’ils jugent dangereux pour la classe dominante. Les éditeurs courageux qui veulent passer outre son souvent ruinés par des procès divers.
 
Contre la vénération du livre
 
Il convient donc de lutter pour la libre diffusion des livres contre les censures économiques et politiques, contre les autodafés. Mais, à l’intérieur même de ce combat, il n’est pas nécessaire de considérer n’importe quel livre avec une vénération fétichiste.
Regarder les librairies et bibliotèques comme des temples n’est nullement souhaitable. Il nous faut, au contraire, comprendre que la forme habituelle de nos livres est, dans une certaine mesure, liée à certains impératifs de ceux qui sont nos ennemis. Nous sommes en même temps hostiles à toute censure et irrespectueux à l’égard du livre tel qu’il existe.
Les producteurs de livres autres mettent le livre à l’épreuve ; ils le pervertissent et le faussent ; ils en font des usages contre-nature. Ils tentent de le libérer de sa forme traditionnelle. Ils sont avec le livre, pour lui.
S’ils jouent dangereusement avec sa structure, ils ne souhaitent nullement, pour la plupart, détruire les livres des autres. Ils n’en ont d’ailleurs pas le pouvoir et ne souhaitent pas le posséder. Leur biblioclastie est sans rapport avec celle des défenseurs de l’ordre.
Ils ne veulent pas, en général, changer un ordre contre un autre. Consciemment ou inconsciemment, ils sont les adversaires de tout ordre stable et c’est contre la stabilité des formes du livre que fonctionne leur pratique.
 


Titres des paragraphes de l’article
 :
 
— La muraille fragile et la résistance des livres
— L’ordre bibloclaste
— Contre la vénération du livre
— Les livres impénétrables
— Livres pourrissant, livres torturés
— Livres blancs et livres raturés
— A humument de Tom Philips
— La pagination en jeu
— Échapper au rectangle
— La forme du livre conservée et détournée
— À l’horizon

Gilbert Lascault : Livres dépravés, in : Écrits timides sur le visible — UGE, 10/18 (1978)
(Voir ici.)

mardi 13 septembre 2016

10/18 — Gilbert Lascault : Écrits timides sur le visible




Gilbert Lascault

Écrits timides sur le visible

n° 1306

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « Esthétique »
Volume sextuple

398 pages (400 pages)
Couverture de Pierre Bernard
Dépôt légal : 2e trimestre 1979
ISBN 2.264-00986-1

TABLE DES MATIÈRES

Sommaire [7 — 8]

Pour une esthétique dispersée [9 — ...]
Contrepoint n° 1 : Événements de 1906
Sept petites vues sur la vue
Anecdotes de l'œil
Éléments d'un dossier sur le gris
Contrepoint n° 2 : « Le bout de l'horribulaire »
Aventures d'une horizontale
Contrepoint n° 3 : Potirons et champignons du saint
Tableaux-tables de Steinberg
Contrepoint n° 4 : Les yeux noisette
Livres dépravés
Contrepoint n° 5 : Une sorte d'anéantissement général
Rideaux et spectacles
Contrepoint n° 6 : La fureur d'un enfant
De quelques problèmes formels posés par certains objets
Contrepoint n° 7 : Un chiffre
« L'usage du nécessaire »
Contrepoint n° 8 : Krishnamurti ; un ivrogne
Un peintre kleptomane
Contrepoint n° 9 : L'oreille coupée d'Arras
La pensée sauvage en acte
Contrepoint n° 10 : Éloge de la taupe
Villes miniaturisées
Contrepoint n° 11 Le troupeau de l'ethnologue
L'Égypte des égarements
Contrepont n° 12 : Le discours de l'Annoncier
Fernand Léger et l'anti-récit
Contrepoint n° 13 : Les peurs du lion
Lettres figurées : alphabet fou
Contrepoint n° 14 : Sucre de pastèque
Le cuisinier, l'art et la mort
Contrepoint n°15 : Un texte, pour moi, incompréhensible
Art Ensor / Hareng saur
Contrepoint n° 16 : Les enflures de l'écriture
L'alimentaire dans l'art américain récent
Ratatouille de mots et d'images
Sucres d'art
Contrepoint n° 17 : Comptines
Onze figures de la mort
Contrepoint ,° 18 : Fantômas, évidemment
De « L'empire des sens »
Contrepoint n° 19 : Le secret de la femme 100 têtes
Corps marqués
N + 1 banalités sur le maquillage
Contrepoint n° 20 : La peinture et ses comptes
Petit abécédaire du vêtement
Gnoli : peinture et vêtement
Contrepoint n° 21 : Au dos d'une « série noire »
La fête foraine
Contrepoint n° 22 : Dariole et fanchonettes
Machines assez peu célibataires
Contrepoint n° 23 : « ... qui vient de Trébizonde »
Elle est rouge, la petite fleur bleue
L'automne des cerfs-volants
Nuage
Le jaune d'œuf et le soleil
Contrepoint n° 24 : République La Pas D'erreur
Onze bribes de bestiaires à peu près contemporains
Contrepoint n° 23 : Le billet de Gustave
Les petites énergies et la puissance timide
Poubelle blues
Notes [... — 398]


(Contribution du Tenancier)
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