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vendredi 17 février 2023

Une blagounette de Pif-gadget

« Un collectionneur de trou découvre un trou, alors il demande à un transporteur de trous de transporter le trou sur le camion. On charge le trou et on l’emmène chez le collectionneur de trou. Un cahot : le trou tombe ; le collectionneur de trous s’écrie « reculez ! Nous avons perdu le trou ! »
Ils reculent et ils tombent dans le trou. »
 Je sais, c’était peut-être mieux raconté dans le Pif-gadget de mon enfance, mais c’est la seule histoire dont je me souvienne à peu près parce quelle me fait encore rire, raison pour laquelle je n’entreprendrai jamais de retrouver le texte exact…
Et je trouve à cette blagounette une saveur littéraire en diable.

dimanche 31 mars 2019

Se laisser faire

Le Tenancier aime, malgré ses dénégations vigoureuses, ces petits coups du destin qui le font mentir. Ainsi, déclarant il y a quelque temps qu’il ne se livrerait pas à la réparation d’une nostalgie, voulant rester sur une saveur d’enfance, voici qu’il se trouve confronté à un artefact l’y renvoyant. Sans faire d’effort particulier, une histoire liée à la jeunesse du Tenancier resurgit. Il a cédé et l'a pris.
On conclura de notre côté que, dans ce temps imparti qui passe, nous presse et nous pousse, nous l’occupons à nous leurrer. La leçon vaut parfois le coup.

dimanche 8 janvier 2017

Mystérieuse matin, midi et soir...



J’avais dix ou onze ans, je traversais alors un monde neuf dans lequel mon meilleur ami d’enfance, Vincent, venait de faire son intrusion en s’installant dans le bâtiment d’à côté. Je sautais par la fenêtre du rez-de-chaussée pour cavaler à en perdre haleine entre l’odeur de l’herbe coupée, celle des feuilles mortes encloses dans du grillage et dans lesquels nous prenions nos bains de saveurs sèches. L’automne lui-même vivifiait nos aventures ; il n’y avait nulle saison qui tenait notre perpétuelle mobilité. Seule une maladie de gosse, Zorro à la téloche le jeudi après-midi et la lecture savaient suspendre nos va-et-viens en biclou et nos écorchages de genoux. Et l’école ? L’école n’existait pas, c’était un hiatus fâcheux, une sorte de stase entre deux aventures, comme pour des astronautes dans un coma artificiel qui vivraient un rêve épouvantablement chiatique. La livraison de nos journaux de mômes suspendait également la frénésie. Vincent était abonné à Mickey. Je n’aimais pas trop, même si Guy Léclair m’aurait enchanté... mais le moyen de se plonger dans l’enchantement sur deux planches qui s’arrêtaient net. Le tourné de la page avait autant d’importance que maintenant. Vincent fut à l’école de la patience, il lisait assidûment et hebdomadairement ces aventures-là, progressant pas à pas. Non loin, Onc’ Picsou nageait sempiternellement dans sa réserve d’or sur plusieurs pages. J’étais sans doute assez cancre pour ne pas savoir attendre. Mon père rapportait un numéro de Pilote pratiquement toute les semaines, tout cela traînait au large de ma curiosité que je n’hésitais pas à rassasier... mais pour moi, c’était Pif gadget, évidemment pour le gadget d’abord, mais ceci est une autre histoire. J’y trouvais des aventures complètes, des histoires de guerre et puis les Pionniers de l’Espérance, qui ne finissait pas au bout de deux planches, et puis d’autres trucs encore qu’on se racontait à l’heure de la récré au même titre que le feuilleton qui passait la veille et que certains — dont moi — avaient pu regarder. Crevé le lendemain, rêveur près de la fenêtre, dans la forme des nuages... Et puis un jour déboula sous mes yeux Mystérieuse, matin midi et soir de Jean-Claude Forest. J’avais dix ou onze ans. J’appris par la suite que l’histoire était adaptée de l’Île mystérieuse, de Verne. J’avais été captivé par l’étrange atmosphère de ce récit de naufragés résidant dans un arbre géant. La suite n’est pas venue. Je sus bien plus tard que la rédaction de Pif en avait arrêté la publication. Restait cet inachèvement, longtemps, jusqu’à maintenant, à vrai dire. Verne faisait partie déjà de mes lectures. En fait je vivais une liberté totale dans mes choix. Pas de sourcilleux pédagogue pour me dicter ce que je devais lire, pas d’écrivains pour la jeunesse ou pour ado ! Alors Verne, malgré mes dix ans et puis l’Étoile du néant de Pierre Barbet dans un volume « à la fusée » de la collection Anticipation et puis des lectures de mômes et d’un peu moins môme que je ne lisais même pas en cachette, des livres oubliés, ou que je croise encore du coin de l’œil... Tout m’allait. Ce qui m’importait, c’était que l’histoire se termine, c’était d’arriver à bout autant qu’au bout du récit, de l’épuiser sous moi, comme un canasson rétif, comme pour racheter les remords de ne jamais avoir pu achever cette île mystérieuse et dont le roman original paraissait un succédané. Pourtant j’aimais Verne, j’aime Verne, mais le dessin de Forest, mais la magie du trait...
Le temps passa. Dix ans plus tard, à peu près, animant une émission de radio sur la SF, je rencontrai André Ruellan. Nous nous fréquentâmes ensuite de loin en loin... Et puis, à la librairie où je travaillais, qui, avant internet, recherchait des livres épuisés, je croisai Jean-Claude Forest, client de passage. Je fus sans doute trop timide et puis il y avait la crainte de proférer une niaiserie, je ne parlai pas de cela, de cette île inachevée. Dix ans s'écoulèrent encore et voici qu’André au détour d’une conversation me révèla que le titre était de lui : une prescription de toubib, en somme — ce qu’il avait été — : Mystérieuse, matin, midi et soir...
Et puis en 1997, j’édite du Jean-Claude Forest grâce à André : une autre histoire que celle qui me l’avait fait connaître, mais avec le texte d’André Ruellan. Ce fut un moment exceptionnel pour moi, détaché des contingences de l’enfance, pourtant. L’île s’estompait, curieusement, comme si au contact des deux hommes, toute espèce de nostalgie était bannie. La photo d’un billet récent ne montre rien que quatre personnes attablées à une besogne assez sommaire. C’était pourtant un moment heureux. En évoquant ce passage fugace revient à la pratique fuligineuse de cette nostalgie qui avait semblé me fuir lorsque je la vivais. L’enfance et puis ce moment-là... et je réalise que je ne lui avais jamais parlé de cette lecture inachevée, alors que peu à peu, au cours de ces années, les faits et les livres convergeaient à cette rencontre, à partir de  quelques planches publiées en 1971. J’avais dix ou onze ans... Je suis nettement plus vieux, maintenant, et je sais que je ne pourrai pas revenir en arrière, prendre le temps de dire à André, ou à Jean-Claude tout ce que j’aurais dû dire, comme il arrive pour tous ceux que l’on regrette. Qu’importe, les regrets valent mieux que les remords.
Et puis, j’ai lu, j’ai lu encore et toujours. Et, bien évidemment, je n’ai jamais repris la lecture de Mystérieuse matin, midi et soir.
Il y a bien des façons d’avoir dix ou onze ans...

samedi 7 mars 2015

Astérix et le temps des barils

Est-ce que vous vous souvenez des barils de lessive ? C’étaient des grands cylindres de cartons qui contenaient une quantité invraisemblable de poudre à laver, obturés par un couvercle en plastique. On récupérait le couvercle après usage, souvent pour jouer au frisbee. Ça ne marchait pas aussi bien que les vrais, d’ailleurs, et à moi ça me raclait l’intérieur du pouce droit, à cause des rebords un peu aigus, quand on le lançait. Mais c’était bien. Sinon, on utilisait le baril lui-même comme coffre à jouets, ou plutôt comme réservoir à saloperies en plastiques souvent cassées mais dont l’utilité était avérée dans notre imaginaire. On trouvait même dans certains canards pour mômes des conseils pour les décorer — je me demande après coup si je n’avais pas vu ça dans un Pif Gadget... Le baril de lessive était un élément de notre mômerie et il arrivait — merci Bonux — qu’on y trouve un gadget pas trop nul. Il m’est même arrivé d’y trouver un Astérix. J’étais très jeune, mais le souvenir est vif : c’était Astérix et Cléopâtre, avec ses coloris chaudement cuivrés, sa parodie de générique à grand spectacle sur la couverture que je prenais alors au sérieux, et ce nez, par Jupiter, ce nez… Est-il vrai, ce souvenir d’ailleurs ? C’est une chose tellement forte encore que j’y crois. Des Cléopâtre, on en a vu d’autres avant et depuis. Ma préférée est bien Claudette Colbert, tiens, lorsqu’elle émerge du tapis dans le film de 1934… Revenons à nos moutons : Claud… euh, Cléopâtre dans un baril de lessive, est-ce bien raisonnable ? On trouvait bien des médailles antiques dans les stations service, des livres de poche pour un plein (dont Verne, offert par les stations Total), des queues de tigre, des gloups, des figurines de chez Mokarex, du trivial en sachet, et du commémoratif en présentoir, un flot prodigieux et ininterrompu de merdouilles et de machin promotionnels dans les paquets, les barils, les cornets — et dans Pif Gadget, bien sûr. Ça côtoyait nos jouets ordinaires, les pistolets qui tiraient de minuscules billes en plastique rouge, les pistolets à fléchettes dont on enlevait l’embout et caoutchouc pour que ça aille plus loin (étonnant qu'il n'y ait pas eu d’œil crevé dans l'affaire !), les minus (et vous, vous avez aussi « tiqué les minus » ?), les fusées à pétard, les Globos et les Malabars. Il y avait des moments de grâce comme cet Astérix dans le baril de lessive. Je suis sûr qu’on peut vérifier sur le net si c’est avéré. Je m’en fous, après tout. Je me souviens de cette lecture-là, je m’en souviens !
Quand je lisais Astérix et Cléopâtre, ça sentait la lessive…

mardi 14 octobre 2014

A la mémoire de H.M.B. Wharfinger


Parce que Brauquier est inextricablement lié à Marseille et parce que l'ombre de Conrad s'y profila également en des temps à peine plus reculés...


(l'édition originale)