Roland C. Wagner vu par Fabrice Le Minier
(circa 1995)
Donald Warren : Les prodiges dans le ciel en France dans la deuxième moitié du xvie siècle, in : Monstres et prodiges au temps de la Renaissance — Paris-Sorbonne (1980)
Phil : Oh...ô tenancier..voir ce dimanche mes quatre lettres imparfaites voisiner avec les puissances de Huysmans, quel doux venin vous m'infligez là !
De l'or qui saure aux oranges qui s'adultèrent, la première rencontre avec Huysmans ("hoïssmannss" dit-on dans les pays d'en-deçà à digues fracturées..où je recherche encore quel paysage flamando-hollandais corrompu a bien pu lui inoculer ce goût de la corruption des chair(e)s... mais il est né en France, à Paris !) donc la première décharge de ce Karl-Joris de Paris oblige à faire péter le dictionnaire de la charogne parfumée... édité par Montesquiou, bien sûr.
Ensuite, avaler plusieurs siècles de littérature. Désordre indispensable et passer de Céline à Huysamns aide à saisir Chateaubriand. A rebours, donc. La préface de Fumaroli chez folio m'a aidé aussi... et ce n'est pas fini. Mais aucun critique ne nous explique ce qu'est une reliure en "peau du Cap"... rassurez-nous, Tenancier, et dites-nous qu'il ne s'agit point de citoyens d'Afrique du Sud tannés par ces gros colons de bataves, aussi en avance sur leurs temps tragiques à venir que l'auteur le fut sur ses contemporains en littérature...
Le Tenancier : Il semble, cher Phil (quel plaisir de vous relire ici !) que la peau du Cap soit un maroquin à grain long. Le maroquin est fait d'après la peau de chèvre. J'espère que celle-ci était bien préparée, car la bibliothèque de Des Esseintes risquait d'avoir une saveur odorante prononcée ! Mais après tout, n'est-ce pas un rappel encore une fois de la corruption ? [...]
Trantor avait été une cité de taille planétaire, une cité caparaçonnée de métal. Pelorat en avait lu la description dans les œuvres de Gaal Dornick qui l’avait visitée du temps d’Hari Seldon lui-même. L’ouvrage de Dornick était épuisé et l’exemplaire que détenait Pelorat aurait pu être revendu la moitié du salaire annuel de l’historien. Lequel aurait été horrifié à l’idée qu’il pût s’en dessaisir.
Ce qui sur Trantor intéressait Pelorat, c’était bien évidemment la bibliothèque galactique qui, du temps de l’Empire (c’était alors la bibliothèque impériale), avait été la plus grande de toute la Galaxie. Trantor était la capitale de l’empire le plus vaste et le plus peuplé que l’humanité ait connu. Ville unique recouvrant une planète entière et peuplée de plus de quarante milliards d’habitants, sa bibliothèque avait réuni l’ensemble des œuvres (plus ou moins) créatives de l’humanité, recueilli la somme intégrale de ses connaissance. Le tout numérisé de manière si complexe qu’il fallait des experts en informatique pour en manipuler les ordinateurs.
Qui plus est, cette bibliothèque avait survécu. Pour Pelorat, c’était bien là le plus surprenant de la chose. Lors de la chute et du sac de Trantor, près de deux siècles et demi plus tôt, la planète avait subi d’épouvantables ravages et sa population souffert au-delà de toute description — et pourtant la bibliothèque avait survécu, protégée (racontait-on) par les étudiants de l’université, équipés d’armes ingénieusement conçues. (D’aucuns pensaient toutefois que la relation de cette défense par les étudiants pouvait bien avoir été entièrement romancée.)
Quoi qu’il en soit, la bibliothèque avait travers » la période de dévastation. C’est dans une bibliothèque intacte, au milieu d’un monde en ruine, qu’avait travaillé Ebling Mis lorsqu’il avait failli localiser la Seconde Fondation (selon la légende à laquelle les fondateurs croyaient encore bien que les historiens l’eussent toujours considérée avec réserve). Les trois génération de Darell — Bayta, Toran et Arkady — étaient chacune, à un moment ou à un autre, allées sur Trantor. Arkady toutefois n’avait pas visité la bibliothèque et, depuis cette époque, ce lieu ne s’était plus immiscé dans l’histoire galactique.
Aucun membre de la Fondation n’était retourné sur Trantor en cent vingt ans mais rien ne permettait de croire que la bibliothèque ne fût pas toujours là. Quelque ne se fût pas fait remarquer était la plus sûre preuve de sa pérennité : sa destruction aurait très certainement fait du bruit.
La bibliothèque de Trantor était archaïque et démodée — elle l’était déjà du temps d’Ebling Mis — mais ce n’en était que mieux pour Pelorat qui se frottait toujours les mains d’excitation à l’idée d’une bibliothèque à la fois vieille et démodée. Plus elle l’était, vieille et démodée, et plus il aurait de chances d’y trouver ce qu’il cherchait. Dans ses rêves, il se voyait entrer dans l’édifice et demander, haletant d’inquiétude : « La bibliothèque a-t-elle été modernisée ? Avez-vous jeté les vieilles bandes et les anciennes mémoires ? » Et toujours il s’imaginait la réponse d’antiques et poussiéreux bibliothécaires : « Telle qu’elle fut, Professeur, telle vous la trouvez. »