mercredi 17 juin 2020

Une historiette de Béatrice

« Houlala tu as vu tous ces livres je me demande comment il s'y retrouve dis donc ».
(Il classe madame, il classe).

mardi 16 juin 2020

Une promenade


Un passage superficiel pourrait faire accroire à quatre illustrations insérées dans des cases. Un examen plus attentif n’en décompte plus que trois, puisque les deux inférieurs ne font qu’une. Comment pourrait-on intituler, d’ailleurs ce motif ? « Tigre dans les bambous au bord d’une rivière » ? La facture reste brouillonne. Divers indices persistent à nous faire penser à de la xylogravure (les cadres, le dessin des animaux, les idéogrammes) mêlé de technique au pochoir (on aperçoit quelques débords) et la peinture à main levée. Il s’agit bien d’un livre artisanal. Le motif animalier se précise, avec une mise en abyme : le dessin sur éventail…

mardi 9 juin 2020

Antif, Antiffe, Antiffer

Antif (Battre l') : Marcher. Mot à mot : battre le grand chemin. — Antif est un vieux mot qui signifie antique et se rencontre souvent dans dans les textes du moyen âge uni à celui de chemin. — Un chemin antif était un chemin ancien, c'est-à-dire frayé.

Antiffe : Marchez (Grandval.) Mot à mot : action de battre l'antif.

Antiffer : Entrer (Rabasse)

Antiffer (s') : Se marier (Rabasse.) — Forme moderne d'antifler. — Se dit aussi pour être séduit, se laisser circonvenir.

Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881

(Index)

dimanche 7 juin 2020

Nouveaux venus & vieilles ficelles

Affaire Jaubert : Comment démolir un homme
 
Le 29 mai 1971, vers 17h30, le journaliste Alain Jaubert monte dans un car de Police-Secours pour accompagner un blessé à l’hôpital. Passé à tabac à l’intérieur et à l’extérieur du car de police, Alain Jaubert sera « livré » à l’hôpital Lariboisière couvert de sang à 18h15. Une commission d’enquête a depuis prouvé les responsabilités des policiers et établi les mensonges de ceux de leurs chefs qui ont jugé nécessaire de prendre position.
Mais l’affaire Jaubert n’est pas une simple affaire de police. Dès que Jaubert est admis à l’hôpital et placé en garde à vue — et surtout dès qu’il est libéré — il y a bien plus grave que le simple passage à tabac. Le caractère policier de l’État apparaît alors nettement. On surveille le journaliste, ses amis, les témoins. On cherche aussi à démolir Jaubert et tous les moyens sont bons.
 
I. TÉMOINS MUETS1
 
Quelles pressions ont subi les habitants des immeubles nos 50, 52, 54, et 57, 59, rue de Clignancourt. Beaucoup ont été vus par des témoins à leurs fenêtres, pendant que les policiers tabassaient, dans la rue, Alain Jaubert qui venait d’être éjecté du premier car. Aujourd’hui, ceux qui acceptent d’ouvrir leur porte affirment qu’ils étaient absents le samedi 29 mai.
 
II. COUPS CRASSEUX2
 
On a mis beaucoup de monde sur l’affaire Jaubert. Des dizaines de flics et autre fonctionnaires. Objectif : démolir le journaliste et, si possible, le coincer ; saper le coefficient de sympathie de Jaubert auprès des autres journalistes et renverser l’opinion en brouillant le plus de cartes possibles. Pas ragoûtant comme méthode, mais l’enjeu vaut bien quelques coups crasseux. Quelques bonnes manières dignes du panier à salade dont Jaubert sortit couvert de sang le 29 mai, après son passage à tabac. Tout se passe en coulisse, bien sûr, et, normalement, rien ne devrait filtrer.
 
Les premiers jours, Jaubert encore détenu, on surveille sa femme et l’appartement du couple. Une fois le journaliste sorti de l’hôpital et relâché, on le prend en filature. On enquête auprès de ses voisins — des fois qu’on trouverait quelque chose de pas bien ; on branche son téléphone sur table d’écoute.
Noblesse oblige, c’est le ministère de l’Intérieur qui centralise l’opération. Des flics fouillent le passé de Jaubert — un coup d’œil aux archives ; ils font l’inventaire de ses relations, de celles de sa famille. On cherche, on cherche. Jaubert a beaucoup voyagé avant d’être journaliste. En Amérique du Sud, à l’Est, presque partout. Alors on fait l’inventaire de ses ressources — un coup d’œil sur ses dépenses et sur son compte en banque. On cherche. Trouver quelque chose, pouvoir dire que Jaubert est un malfrat ou — pourquoi pas ? — un agent de l’étranger et ce sera tout bon.
On passe ensuite la balle aux gens de la Direction Générale des Impôts. À charge pour eux d’enquêter et de rendre compte aux hommes de Marcellin. Ses impôts, est-ce que Jaubert les paie ? Il ne fraude pas un peu, non ? Pas de ressources un peu bizarres ? Quelques jours après son passage à tabac, Jaubert reçoit coup sur coup, deux lettres de son percepteur qui réclame une déclaration de revenus déjà envoyée puis demande — réponse sous huit jours — des renseignements sur ses gains en 1969 et 1970. Pure coïncidence, bien sûr.
On s’agite autour des journaux. Certains flics et quelques collaborateurs de Marcellin courent les rédactions et glissent à l’oreille de journalistes : Jaubert n’a pas droit à sa carte de presse. Ce n’est pas un vrai journaliste…
Mieux encore : les notes confidentielles à en-tête du ministère de l’Intérieur. La première, envoyée dès le début de l’affaire à certains journaux — mais pas au Canard — comporte trois feuillets. On donne maladroitement la version policière des faits, on accuse Jaubert d’être un cogneur, on tronque les déclarations des témoins pour mieux l’enfoncer. La semaine dernière, les services de Marcellin ont remis ça — toujours dans le style note confidentielle. Avec l’espoir de faire un peu baisser le ton des journaux.
 
L’affaire Jaubert révèle bien le caractère policier des pratiques politiques. Ce n’est plus une affaire de police. On donne des ordres, on lance des flics ou d’autres fonctionnaires sur le renseignement, on flaire, on cherche, on veut savoir des choses pour empêcher un scandale d’éclater, on prend des habitudes. C’est cela le fondement policier d’un État. Le reste — quadrillage d’un quartier ou d’une ville par des hommes casqués — n’est jamais que la vitrine.
Après, on peut toujours se dire indigné de la campagne systématique de diffamation qui est menée contre nos forces de police, comme Pompidou l’a fait à la télévision. Ou éructer contre la presse — encore du Pompidou. Jeudi 10 juin, il recevait à l’Élysée des journalistes spécialistes des questions agricoles. Le ton aigre, Pompidou parla de l’affaire Jaubert, puis de l’affaire Bolo et des journalistes qui en profitent chaque fois pour se payer la tête du gouvernement.
Malheur à ceux par qui le scandale arrive… à la connaissance du public.
 
1. Extrait d’une enquête de René BACHMANN parue le 14 juin 1971 dans le Nouvel Observateur.
2. Article de Claude ANGELI, paru le 30 juin 1971 dans le Canard enchaîné.

René Bachmann — Claude Angeli : Les polices de la Nouvelle Société (1971) — Chap. V : Attention police !

Anse

Anse : Bras. L'anse est le bras du vase. V. Arque pincer. — Offrir son Anse, offrir son bras.

Anses : Oreilles — Comparaison de la tête au pot.

Anses (une paire d') : Une paire de grandes oreilles écartées. Vues de face, elles ressemblent aux anses d'un pot.

Anses (panier à deux) : Homme ayant une femme à chaque bras.

Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881

(Index)

samedi 6 juin 2020

10/18 — René d'Anjou : Le livre du cuer d'amours espris




René d'Anjou

Le livre du cuer d'amours espris

Édité et présenté par Susan WHARTON

n° 1385

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « Bibliothèque médiévale »
Dirigée par Paul Zumthor
Volume quintuple

223 pages (224 pages)
Dépôt légal : 2e trimestre 1980
Achevé d'imprimer 23 avril 1980


(Contribution du Tenancier)
Index

vendredi 5 juin 2020

10/18 — Guy de Maupassant : Chroniques — 1




Guy de Maupassant

Chroniques — 1

22 octobre 1876 — 23 février 1882

n° 1382

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « Fins de siècles »
Dirigée par Hubert Juin
Volume sextuple

437 pages (446 pages)
Dépôt légal : 2e trimestre 1980
Achevé d'imprimer 23 mai 1980


(Contribution du Tenancier)
Index

jeudi 4 juin 2020

Une historiette de Béatrice

Bonjour, je dois donner des cours de français à un groupe, je voudrais savoir ce que vous avez en grammaires d’occasion ? Enfin, le moins cher possible, il ne faut pas exagérer quand même, eux aussi ils peuvent s'offrir des livres, hein.

mercredi 3 juin 2020

Et il ne faut absolument pas faire confiance aux livres de papier

Il ne faut pas non plus que tu trouves étrange que je ne recommande à personne des livres de papier pour y apprendre le début de la médecine. Car la cause en est qu’il n’est pas besoin des les prendre en considération. Les bons et les méchants écrivent pêle-mêle, les gens épineux et les rêveurs, pêle-mêle, à la fois du bon et du mauvais ; ils falsifient le bon par le mauvais ; ils trouvent et prônent plutôt le mauvais que le bon ; et ils font pêle-mêle une telle panade qu’on se trouve tout désorienté et qu’on ne peut plus trouver la paix. Et chacun veut distinguer son nom des autres plumes et apporter quelque chose de neuf. Et la médecine a été totalement brisée par de tels écrivailleurs. Et il ne faut absolument pas faire confiance aux livres de papier. Et bien que tel ou tel ait eu une expérience et de l’expérience, etc., cela s’est produit pour lui, et au fond il a été lui-même égaré. Car le style indique qu’une grande simplicité a régné avec l’ignorance dans la médecine.

Paracelse, extrait de : Labyrinthus medicorum errantium, 1538

Exergue à La lumière et la clef, d’Adolf Muschg (1984)

mardi 2 juin 2020

Holmes sweet Holmes

Puisque l'été approche, qu'il fait beau, que les mouches pètent, voici un petit jeu auquel nous nous étions déjà prêtés jadis. Mais qu'aurait pu dire par les message ci-dessous un Holmes grossier à Moriarty ?
Vos supputations en commentaire, merci...

Bon pour la circulation ?

lundi 1 juin 2020

Lecture du Tenancier

Rien de récent (ou si peu), et comme ça lui chante.


Un catalogue de vente de libraire... oui, eh bien quoi ? On ne répétera jamais assez combien ces publications recèlent de trésors et de livres exceptionnels, même si on ne pourra jamais les posséder. Celui-ci est d'autant plus alléchant que son titre est Crimes et légendes et se consacre à toute la littérature criminelle : fictions, ouvrages de criminalistique, bertillonnage et photos de « convicts », beaucoup d'ouvrages du XIXe et de provenance anglo-saxonne. Le charme de ce catalogue tient également au choix des illustrations monochromes en sépia. 1000 références sur le crime et ses à-côtés...
Un catalogue qu'il m'arrive de feuilleter encore avec le même plaisir...

dimanche 31 mai 2020

Une historiette de Béatrice

Devant la boutique, je les entends arriver.
— Pourquoi tu veux y aller, tu cherches un livre ou quoi ?
— Non, rien de particulier, pour le plaisir.
Mais entrez mesdames, je vous aime déjà.

samedi 30 mai 2020

Un sou la coquille !


[…] le Marais a gardé son aspect, ses traditions et, si l’on ose dire, sa faune. À côté des gros commerces qui emplissent les rues du tapage de leurs fardiers, c’est le pays des artisans. Les imprimeries de labeur y sont nombreuses, noires et sordides. Les compositeurs et les protes, coiffés du professionnel bicorne de papier, besognent sous de chiches becs de gaz. Les placards, revus par les correcteurs, sont affichés tout humides à la porte ; soumis à l’examen des passants : chaque faute relevée est payée un sou, parfois deux. Il est des habitués, paraît-il, qui ne vivent que de ça.

Robert Burnand : Paris 1900 (1951)

mardi 26 mai 2020

La presse est morte !

Ami lecteur, si tu parcours ces lignes, c’est que tu as été accroché par ce titre délibérément racoleur. Et, en outre, auquel l’auteur de ces lignes ne souscrit pas. Ne pars pas de suite, je vais t’expliquer.
Aujourd’hui, la presse va mal, très mal. Outre le déclin qu’elle connaît depuis déjà plusieurs décennies, les circonstances actuelles ne sont guère à son avantage : crise du coronavirus « aidant », les quotidiens et périodiques ont du mal à remplir leurs pages (imaginez la presse sportive, notamment…), les éventuels lecteurs rechignent à aller se frotter aux autres chez les marchands de journaux, les possibles annonceurs commencent à regarder de près leurs dépenses publicitaires. En sus, comme si cela ne suffisait pas pour mettre en péril tout le secteur, le principal distributeur de presse français, Presstalis, est au bord du gouffre. Le tribunal de commerce a déjà prononcé la liquidation judiciaire de ses filiales régionales et l’entité elle-même (qui a succédé aux NMPP, Nouvelles Messageries de Presse Parisienne) est au plus mal. D’autant que, dans un concentré de ce que l’humanité sait faire de « mieux », tous les acteurs du marché (Presstalis est un organisme paritaire, détenu et géré en grande partie par les éditeurs de presse, une autre partie étant administrée par la CGT) s’entre-déchirent : éditeurs de quotidiens et éditeurs de magazines se combattent les uns contre les autres pour tenter de conserver les meilleures « miettes » du gâteau alors que la CGT a entamé depuis plusieurs semaines déjà une grève qui bloque la diffusion de la plupart des titres (hors PQR, presse quotidienne régionale) dans bon nombre de régions du pays. Bref, plutôt que de s’unifier pour tenter de répondre de façon unie à la crise, chacun tire ce qu’il reste de la couverture à soi, sur l’air du « mieux vaut mourir seul que vivre avec les autres ». Humain, disais-je…
Partant de là, et en revenant sur la baisse continue de la diffusion et des recettes publicitaires qui plombe le secteur depuis des années, comment ne pas penser que, oui, « la presse est morte » ? Certes, si tous les acteurs concernés continuent dans la voie où ils se sont engagés, ils arriveront bien, effectivement, à « tuer » la presse. Mais cela n’a rien d’inéluctable.
Sans se prendre pour un « expert », ce qu’il n’est pas, l’auteur de ces lignes travaille depuis déjà plus de 35 ans dans la presse « papier », un univers qu’il aime mais qu’il voit se dégrader au fil du temps, à son grand regret. Regret, parce qu’il considère que la presse pourrait aller mieux, pour peu que l’on ait la volonté et l’imagination de la faire vivre.
D’aucuns se retranchent derrière le classique « Internet a tué la presse » pour classer l’affaire. L’auteur de ces lignes ne souscrit pas à cette affirmation. Certes, Internet a cette capacité à relayer une information quasi-instantanément qu’aucun journal, même quotidien, ne peut avoir. Et draine de ce fait une bonne part des recettes publicitaires.
L’auteur de ces lignes a vécu de près la mutation de la presse lorsqu’Internet a commencé à émerger. Dans de nombreux groupes de presse, il a alors été investi de grandes sommes pour créer des sites, avec rédactions pléthoriques et autres dépenses pas toujours justifiées. En espérant tirer les marrons du feu sur ce nouveau média tout en ne faisant plus rien pour leurs titres « papier ». Résultat : les sites se sont révélés des gouffres financiers (la pub rapportait très peu à l’époque) et les magazines ou journaux dépérissaient. La situation n’a guère changé depuis, si ce n’est que les recettes publicitaires sur Internet ont augmenté, sans toutefois rendre la plupart des sites d’information rentables.
En fait, il faut revenir encore quelques années en arrière pour comprendre comment cette évolution a été rendue possible. Lorsque l’auteur de ces lignes a commencé à travailler dans la presse, au mitan des années 1980, la plupart des groupes de presse étaient détenus par des sociétés plus ou moins familiales, en tout cas par des dirigeants-actionnaires issus du monde de la presse, souvent passionnés par ce secteur. Et donc connaisseurs des schémas économiques d’icelui : on peut (très) bien vivre de la presse mais ce n’est certainement pas le secteur le plus rentable de l’économie. Mais, pour de multiples raisons, l’ère des « patrons de presse » s’est terminée, ils ont été au fil du temps remplacés à la tête des groupes de presse par des sociétés ayant pour seul horizon le bilan comptable et pour seul objectif les fameux « 15 % de rentabilité ». À la clé, ils ont évidemment commencé par tailler dans les coûts, en premier lieu en ciblant le poste de dépenses le plus évident, le personnel. Les rédactions se sont donc recroquevillées comme peau de chagrin, avec comme conséquence une baisse évidente de la qualité des contenus : comment mener une enquête fouillée alors qu’on est censé « produire », comment vérifier des informations lorsque l’on a X articles à finir dans les délais, comment assurer la bonne tenue grammaticale et orthographique des articles alors que la correctrice a été remplacée par le logiciel de correction de Word et ses innombrables approximations, comment faire correctement le métier alors qu’on n’est plus que trois pour remplir le journal qu’on faisait à six il y a encore peu ?
Bien plus qu’Internet, c’est cela qui a conduit au déclin de la presse « papier », tout comme l’imprévoyance et le manque de vision des dirigeants de presse. Oui, on ne peut nier qu’Internet a pris tout un pan de l’activité traditionnelle de la presse, l’information brute. Mais la plupart des groupes de presse sont montés dans le train du Web sans réfléchir une seconde à ce qu’il fallait faire pour maintenir la presse « papier » dans une bonne santé économique. Ce qui est malheureusement toujours vrai aujourd’hui : avez-vous constaté une évolution du contenu et de la présentation des quotidiens et magazines depuis l’avènement d’Internet ? Hormis, pour certains titres, une baisse de qualité (aux raisons déjà expliquées…) notable, et un moins grand nombre de pages de pub, ce ne doit pas être l’impression de grand-monde…
Pourtant, si l’on souhaite pérenniser cette presse « papier » aujourd’hui mal en point, il est évident qu’il faut songer à la « réinventer ». Certes, cela ne peut se faire d’un coup de baguette magique, et l’auteur de ces lignes ne prétend évidemment pas avoir « LA solution ». Pour autant, ne rien faire si ce n’est se lamenter sur la baisse des revenus, sur la grève, sur la mort de Presstalis ou quelqu’autre avanie ne mènera nulle part.
Alors, comment « réinventer » la presse ? Certes, le monde actuel est ce qu’il est, avec des lecteurs devenus des consommateurs d’Internet, de plus en plus habitués à lire sur un smartphone des contenus lapidaires envoyés à jets continus sans aucune hiérarchisation, la nouvelle la plus anodine ayant le même impact que la « news » la plus importante – sachant par ailleurs que les « chiens écrasés » et les articles « people » ou « à sensation » font généralement bien plus de vues sur un site d’information que des informations cruciales. Mais, pour autant, la presse « papier » peut encore avoir de beaux jours devant elle. Pour preuve un hebdomadaire comme le Canard Enchaîné, qui se porte très bien, merci pour lui, et ce sans un centime de revenus publicitaires. Comment est-ce possible ? Sans spécialement innover, le Canard a su maintenir au long des années la qualité de ses informations, a su continuer à intéresser ses lecteurs, à leur proposer des contenus inédits par ailleurs. On me rétorquera qu’il s’agit d’un cas particulier oeuvrant sur un secteur tout aussi spécifique. Ce n’est pas complètement vrai. D’autres titres, peut-être pas assez nombreux, se maintiennent à de très bons niveaux de diffusion (et par voie de conséquence économiques) dans de multiples secteurs de l’édition de presse. Le plus souvent parce qu’ils proposent un contenu de qualité répondant aux aspirations d’une cible de lectorat. C’est ce principe qui est transposable à n’importe quel organe de presse « papier ».
Mais, aujourd’hui, avec les bouleversements économiques en cours, cela ne suffira sans doute pas à pérenniser une bonne partie des titres existants. Cela va être aux acteurs du secteur de prendre les choses en main, d’arriver, répétons-nous, à se « réinventer ». À la fois dans ce qu’ils vont proposer comme contenus (et je parle là d’informations, pas de « contenus publicitaires » ainsi que voudraient les mettre en avant certains groupes « de presse », qui ne méritent pas ce qualificatif), dans leurs modes de distribution (sans les délaisser, les marchands de journaux et les grandes surfaces doivent-ils rester les seuls circuits de diffusion ?) et dans leurs rapports avec les potentiels lecteurs. Sur ce dernier point, c’est à ces acteurs de comprendre l’intérêt d’Internet. Plutôt que de se lamenter sur le fait que de plus en plus de monde délaisse la presse au profit du Web, il serait plus intéressant d’imaginer des solutions passant par Internet et/ou les smartphones incitant ces personnes (j’allais écrire « consommateurs » et puis brrr, nous sommes tous bien plus que simplement des portefeuilles sur pattes !) à s’intéresser à un titre de presse et à aller l’acheter.
Certes, cela ne peut se faire sans investissements. Mais quelle entreprise, tous secteurs confondus, peut se pérenniser sans investir ? Il ne s’agit pas de défendre la « croissance à tout prix », simplement de rendre une activité rentable. En ce sens, tout est possible. Il n’existe pas une solution unique qui conviendrait à tous les groupes de presse. Chacun doit examiner sa situation, se poser les bonnes questions, trouver les solutions adéquates, investir de manière avisée, utiliser les outils correspondant à sa situation. En bref, c’est à chaque acteur du monde de la presse de déterminer comment il va réinventer le secteur. Ce ne sera pas aisé, ce ne sera pas immédiat, tout le monde n’y réussira pas, mais, sans volonté d’aller de l’avant, l’on sait déjà comment tout cela se terminera.
Pour finir, une note d’espoir pour la presse, et une information qui permet de « raccrocher » ce billet au sujet principal du blog de ce cher Tenancier, le livre : lorsque les premiers livres électroniques sont apparus au tournant des années 2000, beaucoup prédisaient la fin rapide du livre « papier ». Vingt ans plus tard, force est de constater que cela n’est pas vraiment le cas. Selon une étude GfK parue l’année dernière, si l’on comptait en 2018 (en France) 2,3 millions d’acheteurs de livres numériques, ils ne représentaient même pas 10 % de ceux qui achetaient des livres « papier », se comptant 28,9 millions. L’édition de livres a su « résister » à l’impact du numérique. Et s’adapter à son avènement. Rien n’empêche la presse d’en faire de même. Si la volonté et la créativité sont au rendez-vous…
 
Otto Naumme
 
PS : pour ceux qui s’intéresseraient à la crise de Presstalis, les intéressants commentaires d’Éric Fottorino, directeur de la publication de l’hebdomadaire « Le 1 » : https://le1hebdo.fr/journal/actualite/le1-presstalis-74.html#

lundi 25 mai 2020

Une promenade


Même si l’ouvrage est largement débroché, ce qui se révèle une aubaine pour montrer son contenu, quelques fils subsistent qui nous empêchent une exposition bien alignée et qui expliquent ainsi le négligé de notre présentation. La page de droite suscite une interrogation sur sa conception. En effet, le verso, vu dans notre précédent billet sur le sujet, montre le motif de rivage occupé par la végétation (du moins est-ce l’interprétation qu’on en tire) mais il se trouve ici exposé en miroir. Le texte sur ce recto semble différent, ce qui nous amène à nous interroger sur l’impression. On en déduit qu’il s’agit peut-être d’une technique mixte, mêlant la xylogravure, le pochoir (expliquant l’inversion du motif d’une page à l’autre) et même la peinture à main levée. La page de gauche représente assez bien le reste du contenu du livre : images de la nature et exceptionnelle scène de la vie quotidienne. 
L’humain, hormis celui qui occupe cette barque de pêcheur, a (presque) déserté ce recueil…

jeudi 21 mai 2020

Une promenade


D’emblée, pour quelqu’un qui n’y connaît rien, le livre est-il japonais ou chinois ? On a quand même une petite idée que l’on développera plus tard, peut-être, en croisant un des dessins. Sa nationalité a du reste relativement peu d’importance tant il ajoute à l’énigme, au point que l’on a plus envie de se douter de quelque chose que de le savoir. Il ne s’agit pas de se complaire dans une bienheureuse ignorance, mais d’alimenter la rêverie. La page de gauche (où se situe donc la « bonne page » sachant que les livre s’ouvre à l’inverse de nos habitudes ?) représenterait un rivage occupé par de la végétation qui s’agripperait médiocrement, le tout au soleil couchant. Voit-on vraiment cela ?
Et si l’on se trompe (ô, spécialiste des langues orientales), est-ce que cela a de l’importance ?
Ne dites rien, s'il vous plaît, pas tout de suite.

mercredi 20 mai 2020

L'art de couper les livres selon Auguste de Villiers de L'Isle Adam


Sous les galeries de l’Odéon, toutes voisines, les courants d’air ne font pas peur aux amateurs de lecture, dont quelques uns passent des heures entières, debout, à lire ou à deviner ce qu’ils ne peuvent pas lire. On pense au livre dont rêvait Mallarmé, qui eut présenté plusieurs sens différents, suivant qu’on le lirait sans couper les pages, ou après les avoir coupées ; Lucien Descaves se rappelait avoir vu, « sous l’Odéon », Villiers de L’Isle Adam, absorbé dans sa lecture, et qui coupait les pages non pas avec une liseuse, ni un couteau, ni même avec ses doigts, mais avec le bout de son parapluie ; après quoi il reposait les restes déchiquetés du livre sur la pile. Les vendeurs ne disaient rien, affectaient de ne pas voir le massacre. Que ne pardonnait-on à l’auteur, désargenté, de L’Ève future ?

Robert Burnand : Paris 1900 (1951)

mardi 19 mai 2020

10/18 — Roger Stéphane : Portrait de l'aventurier




Roger Stéphane

Portrait de l'aventurier


n° 669

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Volume triple

316 pages (320 pages)
Dépôt légal : 1er trimestre 1972
Achevé d'imprimer 25 janvier 1972


(Contribution du Tenancier)
Index

lundi 18 mai 2020

Une promenade




Réside dans la bibliothèque personnelle de votre Tenancier un petit ouvrage plus très frais et qui, à cause de son état, a pu justement être acquis et conservé. On s’aperçoit en effet que les plats ne présentent pas une fraîcheur exemplaire et que la reliure« à la chinoise » a vu presque tous ses fils disparaître, ce qui rend la cohésion de l’ouvrage plutôt symbolique. On se propose ici de vous diffuser le contenu en épisodes. L’ouvrage est essentiellement constitué d’images médiocrement imprimées, hélas. Les quelques idéogrammes qui ouvrent et ferment ce recueil sont indéchiffrables pour votre serviteur. Il se risque à prétendre que c’est tant mieux, ou que ce n’est pas grave, ou que c’est tant pis. Ajoutons que le support s’harmonise avec le fond, puisque les images que nous découvrirons ont été reproduites sur papier de Chine. Vu l’état du brochage, on émet des doutes sur la complétude du livre, mais l’objet blessé comble tout de même notre jouissance…
(À suivre...)

dimanche 17 mai 2020

Les aventures du petit Proudhon contre le judéo-bolchevisme


On s’est permis de reprendre cette image qui circule sur des réseaux sociaux et que l’on attribue à coup sûr à Michel Onfray, préfaçant le livre sur Proudhon par Thibault Isabel (le « philosophe bisontin » est apprécié par nos amis les fascistes). Si l’on concevait quelques doutes sur les fidélités politiques de l’homoncule médiatique, on s’en affranchit désormais avec aisance à la lecture de cette petite ignominie. Rien ne l’excuse. Même un imbécile possède encore la ressource de se taire…

vendredi 15 mai 2020

Une historiette de Béatrice

« Je n'ai pas l'habitude de marchander et je déteste les gens qui le font, et puis je ne vous connais pas, mais tout de même, c'est pour offrir à une dame qui se bat contre le cancer. Je connais bien ce livre et il est en très bon état, je le reconnais, je n'aime pas du tout faire cela, mais vous ne pourriez pas me le laisser à 3 euros ? »

mercredi 13 mai 2020

L'Imprimerie nationale en 1900


Rue Vieille-du-Temple, l’Imprimerie nationale continue d’occuper, d’encrasser, le noble hôtel de Rohan. Les chevaux du Soleil, sculptés à la façade, s’ébrouent dans une décor de ballots, de vieux papiers, dans une atmosphère d’encre et de poussière. En 1925 seulement, elle émigrera rue de la Convention.
Elle imprime de tout, en dehors des paperasses officielles. Et, de ces locaux sordides, naissent de merveilleuses harmonies en noir et blanc, des modèles de clarté et d’équilibre. Le même soin est apporté à une affiche de ministère qu’à une impression de luxe. Cette année, précisément, pour d’éclectiques bibliophiles, L’imprimerie nationale a tiré l’Imitation de Jésus-Christ en même temps que deux ouvrages dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’ont aucun caractère mystique : Le Jardin des Supplices, de Mirbeau, et Parallèlement, de Verlaine. Trio assez singulier pour que s’en émeuve l’administration. Pudiquement, le ministère de la Justice, dont dépend l’Imprimerie, refusa son visa. Du coup, Arthur Christian, le directeur, sentit, bien que vieux routier de la politique, le sol céder sous ses pieds. Tout, d’ailleurs, finit par s’arranger. Les trois volumes parurent, sans la signature de l’Imprimerie nationale. Mais pourra-t-on empêcher que la marque en soit perceptible aux connaisseurs, ce mince trait, à peine visible, accolant la hampe des l minuscules, et qui est l’indicatif de la maison.

Robert Burnand : Paris 1900 (1951)