« Parmi tant de réponses prestigieuses à la gloire de l'imprimerie, je
crains bien que détonnent les quelques lignes que vous me faites
l'honneur de me demander. Enfin, ces lignes seront-elles à leur place
dans le Bulletin des Maîtres Imprimeurs
? Jugez s'il y a de quoi hésiter... J'ai vu de mes yeux un petit
appareil devant lequel il est difficile de ne point penser qu'un jour
viendra où l'imprimerie ne sera plus qu'un souvenir magnifique, mais un
souvenir, une étape de l'histoire humaine... Qu'un jour viendra où,
entre le cerveau qui crée et le cerveau qui accueille, un mode de
communication sera réalisé qui supprimera le Livre et l'imprimerie elle-même.
L'appareil que j'ai vu est une petite lampe électrique dans laquelle on
insère une bande pelliculaire d'un mètre de long, d'un centimètre de
hauteur. Cette bande peut contenir cinquante pages, qui se déroulent une
à une lorsque, au lieu de tourner le feuillet, on presse sur une
molette de la lampe. Chaque page est projetée sur n'importe quelle
feuille blanche, formant écran, que l'on dresse devant soi. Deux bandes
reproduisant cent pages tiennent dans une minuscule boîte cylindrique
d'un demi-centimètre de diamètre, d'un centimètre de hauteur... Un jour,
à la place des livres splendides, dans les bibliothèques futures, on
verra ces rangées de tous petits étuis, ces capsules où seront contenues
le Dante, le Shakespeare ou le Gustave Doré de l'avenir.
Un seul exemplaire de l'œuvre d'un écrivain, un seul exemplaire dactylographié, dessiné, enfin tracé sous quelque forme lisible que ce soit, et puis la reproduction photographique pelliculaire, à tirage illimité, de cet exemplaire, tel sera le livre futur.
Non plus que l'écrivain, le peintre des images qui illustreront l'œuvre, ni le dessinateur des lettres ne seront atteints. Mais... je ne puis achever, ô Maîtres imprimeurs. »
Un seul exemplaire de l'œuvre d'un écrivain, un seul exemplaire dactylographié, dessiné, enfin tracé sous quelque forme lisible que ce soit, et puis la reproduction photographique pelliculaire, à tirage illimité, de cet exemplaire, tel sera le livre futur.
Non plus que l'écrivain, le peintre des images qui illustreront l'œuvre, ni le dessinateur des lettres ne seront atteints. Mais... je ne puis achever, ô Maîtres imprimeurs. »
André Arnyvelde
Texte paru dans le Bulletin de l'Union Syndicale des Maîtres Imprimeurs, numéro de Noël 1928 : « L'imprimerie et la pensée moderne ». Chapitre XI : « Après l'imprimerie »... et déjà diffusé sur le blog Feuilles d'automne en mai 2009.
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