Une tendance naturelle voudrait que
nous attribuions aux
effets de la nouveauté certains travers bien plus anciens. C’est le cas
des
« Fake News » dont la forme
anglomaniaque semble garantir la novation, alors que nous nous trouvons
confrontés à une vieille lune de la connerie humaine. En effet, dès
l’apparition du papier et de celle de l’imprimerie, une production
abondante de
littérature de colportage et de canards va se diffuser dans les
villages
d’Europe. À ce titre d’ailleurs, une historienne comme Elizabeth L.
Eiseinstein
nous rappelle dans son ouvrage La
révolution de l’imprimé, que nous ne devons pas sous-évaluer
l’alphabétisation de la population aux xive
et xve
siècles, au
moment de la révolution de l’imprimerie. Canards et almanachs (qui
contiennent
souvent des nouvelles très exagérées) nous content des événements
extraordinaires : apparitions de comètes, prodiges, monstres et
contes
moraux sont reproduits sur des brochures, voire des placards, dont les
illustrations sont souvent des réemplois d’autres documents (Il en va
de même
avec la production de livres à la même époque, comme le souligne encore
Eiseinstein…) La pratique du canard perdure jusqu’au xixe siècle.
L’éditeur Pierre Horay a publié en
1969 un recueil in-folio (Canards du
siècle passé) pour cette époque. Bien entendu de tels documents
originaux
sont d’une rareté insigne, car leur fragilité et leur nature éphémère
ne
garantit pas leur pérennité.
Nous faisions allusion à la terrible connerie humaine au début de ce billet. Atténuons notre jugement au sujet du lectorat ancien, pas encore intégré à notre vision du monde, inspirée de Descartes (*). La pensée magique y règne et ne se révèle pas choquante. De même la pénétration d’idées nouvelles poursuit toujours un cheminement lent, d’autant que le livre reste également un média lent…
La pensée magique perdure dans notre société, ce qui nous pousse de ce côté de l’écran à songer que la faute ne provient pas d’un média trop prompt à fasciner mais bel et bien de l’inculture crasse et de la sottise de nos contemporains. Et de cela, aucune raison et aucun média ne peut y remédier. Le Tenancier est misanthrope aujourd’hui. Il fatigue. On reviendra un jour sur ces publications.
Pour le plaisir de la documentation et par perversité aussi, on se reportera à la page de Gallica pour approfondir ses connaissances sur le sujet.
(*) Lisons Descartes et soyons surpris par la « banalité » du raisonnement, pour une simple raison : nous l’avons intégré dans notre système de pensée, ce qui n’est pas le cas de la plupart de ses contemporains.