« En
une mer, tendrement folle, alliciante et berceuse combien ! de menues
exquisités s’irradie
et s’irise la fantaisie du présent Aède. Libre à la plèbe littéraire,
adoratrice du banal déjà vu, de nazilloter à loisir son grossier
ronron.
Ceux-là en effet qui somnolent en l’idéal béat d’autrefois, à tout
jamais
exilés des multicolores nuances du rêve auroral, il les faut déplorer
et
abandonner à leur ânerie séculaire, non sans quelque haussement
d’épaules et
mépris. Mais l’Initié épris de la bonne chanson bleue et grise, d’un
gris si
bleu et d’un bleu si gris, si vaguement obscure et pourtant si claire,
le
melliflu décadent dont l’intime perversité, comme une vierge enfouie
emmi la
boue, confine au miracle, celui-là saura bien, — on
suppose, — où
rafraîchir l’or immaculé de ses Dolences. Qu’il vienne et regarde.
C’est avec,
sur un rien de lait, un peu, oh !
très peu de rose, la verte à peine phosphorescence des nuits opalines,
c’est
les limbes de la conceptualité, l’âme sans gouvernail vaguant, sous
l’éther astral,
en des terres de rêve, et puis, ainsi qu’une barque trouée,
délicieusement
fluant toute, dégoulinant, faisant ploc ploc, vidée goutte par goutte
au
gouffre innommé ;
c’est
la très douce et très chère musique des cœurs à demi décomposés,
l’agonie de la
lune, le divin, l’exquis émiettement des soleils perdus. Oh ! combien
suave et câlin,
ce : bonsoir, m’en vais, l’ultime farewel de tout l’être en
déliquescence,
fondu, subtilisé, vaporisé en la caresse infinie des choses ! Combien
épuisé cet
Angelus de Minuit aux désolées tintinnabulances, combien adorable cette
mort de
tout !
Et maintenant, angoissé lecteur, voici s’ouvrir la maison de miséricorde, le refuge dernier, la basilique parfumée d’ylang-ylang et d’opoponax, le mauvais lieu saturé d’encens. Avance, frère ; fais tes dévotions. » |
Les Déliquescences, poèmes décadents d’Adoré Floupette, 1885