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Affichage des articles dont le libellé est Catalogues. Afficher tous les articles
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mardi 26 octobre 2021
lundi 6 septembre 2021
mardi 10 août 2021
Abréviations : Lettre F
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dimanche 23 mai 2021
Abréviations : Lettre E
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samedi 17 avril 2021
Abréviations : Lettre D
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dimanche 14 mars 2021
Abréviations : Lettre C
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dimanche 28 février 2021
Abréviations : Lettre B
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lundi 22 février 2021
Abréviations : Lettre A
La généralisation de la vente des livres sur internet a
provoqué un abandon progressif de certaines abréviations en usage dans
les catalogues de librairie. La raison tient au souci de rendre les
descriptifs compréhensibles à des personnes peu au fait des usages de
la bibliophilie et aussi aux moindres restrictions d'espace que procure
une page électronique, alors que le fascicule impose des contraintes de
place. On remet ici quelques abréviations plus ou moins courantes que
l'on retrouve parfois dans des catalogues et même chez certains
libraires en ligne. Cette petite liste reste inachevée et,
évidemment, si vous avez des suggestions, l'on se fera un plaisir de la
compléter...
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ps : Une liste analogue avait été publiée ici même en 2016. Il était temps de la rafraîchir.
mardi 1 septembre 2015
Abréviations
Ce petit
répertoire des abréviations n’est pas complet, loin s’en faut. En effet,
on pourrait allègrement en doubler les entrées… Cette pratique utilisée
par les rédacteurs de catalogues en papier obéissait à une volonté
d’économiser de la place. Éditer un catalogue coûtait cher.
Désormais,
l’internet a quelque peu révolutionné la pratique du catalogage et l’on
écrit plus volontiers en toutes lettres les parties descriptives d’un
ouvrage. Reste que, les habitudes aidant, certains libraires — dont moi —
perdurent à mettre des abréviations dans leurs descriptifs. Et puis,
sans doute quelques lecteurs de ce blog consultent encore des «
catalogues papier »… on espère alors que ceci leur sera utile.
(Cette liste fut publiée entre novembre et avril 2009 sur le blog Feuilles d'automne.)
(Cette liste fut publiée entre novembre et avril 2009 sur le blog Feuilles d'automne.)
A anc. --- ancien ant. --- antique aq., aquar. --- aquarelle atl. --- atlas auto., autogr. --- autographe B bas. --- basane biblogr. --- bibliographie, bibliographique br. --- broché brad. --- bradel C cart. --- cartonné, cartonnage coll. --- collection collab. --- collaboration corresp. --- correspondance coul. --- couleurs crit. --- critique col. --- colonnes collect. --- collective correct. --- correction couv. --- couverture couv. cons. --- couverture conservée couv. ill. --- couverture illustrée couv. impr. --- couverture imprimée couv. orig. --- couverture originale D ded. --- dédicace dess. --- dessins dépl. --- dépliant dérel. --- dérelié d-b. --- demi-basane (également : ½ bas.) d-ch. --- demi-chagrin (également : ½ chagr.) d-m. --- demi-maroquin (également : ½ mar.) d-v. --- demi-veau (également : ½ veau) dir. --- direction (sous la direction de) dor. --- doré dos fr. --- dos frotté E éd., ed. --- édité, édition édit., edit. --- éditeur elz. --- elzévirien e.o., ed. orig. --- édition originale emb. --- emboîtage ens. --- ensemble env. autog. --- envoi autographe épr. --- épreuve ex. exempl. --- exemplaire F f. --- feuille ff. --- feuillets fasc. --- fascicule fers à fr. --- fers à froid front. --- frontispice fig. --- figure fil. --- filets fx. tit. --- faux titre FORMATS f, f°, in-f, in-f° --- in-folio 4, 4°, in-4, in-4° --- in-quarto 8, 8°, in-8, in-8° --- in-octavo 12, 12°, in-12, in-12° --- in-douze 16, 16°, in-16, in-16° --- in-seize etc. H h.c. --- hors commerce h.-t. --- hors texte héliogr. --- héliogravure Holl. --- Hollande I ill., illust. --- illustrations, illustré introd. --- introduction impr. --- imprimé inc. --- incomplet int. --- intérieur ital. --- italique J jans. --- janséniste (reliure) |
L L.A. --- lettre autographe L.A.S. --- lettre autographe signée L.S. --- lettre signée lith., lithogr. --- lithographie M marb. --- marbré maroq. --- maroquin miniat. --- miniature mod. --- moderne mouch. --- moucheté mouill. --- mouillures mq., mque. --- manque ms. --- manuscrit N n.c. --- non coupé n. rog. --- non rogné nmbr. --- nombreux not. --- notice nouv. --- nouvelle nomin. --- nominatif num. --- numéroté O orig. --- originale obl. --- oblong ord. --- ordinaire ouvr. --- ouvrage P p. --- page pp. --- pages pap. --- papier parch. --- parchemin pet. --- petit perc. --- percaline piq. de v. --- piqûres de vers pl. --- planches, ou : plats (selon le contexte) pl. rel. --- pleine reliure plaq. --- plaquette port., ptr., portr. --- portrait préf. --- préface prélim. --- préliminaire pub., publ. --- publié pseud. --- pseudonyme Q qq. --- quelques R r. --- recto rac. --- raciné réimp. --- réimposé réimpr. --- réimpression / réimprimé rem. --- remarque rép. --- réparé reprod. --- reproduction rest. --- restauration / restauré rog. --- rogné romant. --- romantique rouss. --- rousseurs S s. --- siècle s.d. --- sans date s.l. --- sans lieu s.l.n.d. --- sans lieu ni date s.n. --- sans nom sup. --- supérieur suppl. --- supplément T t. --- toile T., tom. --- tome tabl. généal. --- tableau généalogique tir. --- tiré / tirage tit. gr. --- titre gravé tr. --- tranche trag. --- tragédie trad. --- traduit (e) typ. --- typographié V v. --- voir v. --- veau v. --- verso vél. --- vélin vign. --- vignette vol. --- volume |
A la suite de cet exercice odieusement pratique, Christian Laucou, tenancier de Fornax concocta sa propre liste, désopilante. Comme on est fâché(*)
avec cet individu on ne pouvait décemment lui demander de la reproduire
à nouveau. Il se trouve qu'il la publia en manière de carte de vœux,
comme à son habitude. Elle est donc visible ici et on vous souhaite de vous amuser autant que votre Tenancier quand il mettait cela en ligne sur son blog.
(*) Avoir l'affront d'être aussi tête de con que votre Tenancier quand il s'y met (et il s'y est mis aussi à cette occasion) c'est trop fort !
(*) Avoir l'affront d'être aussi tête de con que votre Tenancier quand il s'y met (et il s'y est mis aussi à cette occasion) c'est trop fort !
jeudi 11 juin 2015
Où l'on perçoit le travail du libraire...
Pourquoi est-on libraire ? On ne répondra pas pour les
autres, mais il est au moins un des aspects du métier — je parle pour les
libraires d’occasions et bibliophiles — qui vous confirme et même vous relance
dans la passion de son exercice : c’est la recherche bibliographique.
Certes, l’acte serait décevant s’il se cantonnait à la recension bête des
indications résidant dans les ouvrages de référence. Ces recherches vont plus
loin, elle font appel à une somme de connaissance qui met en cause la
compétence du chercheur. Hors l’aspect technique du livre, les connaissances
spécifiques à l’histoire de la littérature en général, un mouvement particulier
ou plus spécifiquement à la biographie d’un auteur, à part l’habileté et
parfois l’opiniâtreté à retrouver des sources bibliographiques, c’est la
capacité à articuler cette somme d’informations qui fait le métier et le
plaisir du libraire. Cela se traduit par la présence — facultative, toutefois —
de notices dans les catalogues de vente.
Ces notices surviennent souvent en conclusion du descriptif de l’ouvrage (voyez les billets précédents sur le sujet) et se rapportent tantôt aux attributs spécifiques de l’exemplaire (un envoi autographe, un ex-libris, un exemplaire nominatif, par exemple), tantôt aux circonstances de publication (rescapé du pilon ou de la censure, etc.)
Si les renseignement apposés jusque-là dans le catalogue avaient valeur d’objectivité et répondaient à quelques standard précis, la notice devient le champ d’expression de la personnalité du libraire. On a déjà évoqué antérieurement les notices abondantes, humoristiques et fort bien documentée de Pierre Saunier dont les catalogues se conservent autant pour les sources de renseignement autour de livres rares que pour le plaisir de leur relecture. D’autres professionnels sont plus succincts voire muets. Ce silence n’implique pas que le libraire n’a rien à dire. La raison se trouve sans doute dans le fait que nous avons affaire à un bon exemplaire — on veut entendre par là qu’il n’est pas si spécial que cela par rapport à un exemplaire qui aurait un envoi — et qu’il est inutile de gloser dessus, d’autant que, rappelons-le, la place est comptée dans la mise en page d’un catalogue. En fait, la nécessité du recours à une notice développée est à la mesure de l’importance de l’ouvrage : plus l’exemplaire sera précieux, prestigieux, exceptionnel, plus sa notice aura de l’importance. Entre l’absence complète de commentaire sur un ouvrage sur pur fil de Claudel et un notice de trois pages autour d’un rare exemplaire en circulation de l’éditeur Genonceaux (nous pensons ici au Tutu de la Princesse Sapho), c’est une question de rareté, d’exception et bien entendu de valeur (le pur fil vaudrait une vingtaine ou une trentaine d’euros, Le Tutu a été proposé à 8 000 F. à l’époque ce qui permettait que l’on s’étale un peu à son sujet).
Une notice est souvent explicative, elle articule — on se répète — divers éléments pour donner l’explication de la présence de l’ouvrage dans le catalogue et bien entendu celle de son prix. Parfois, la chose est implicite. L’ouvrage est recherché et il n’est pas besoin de s’en expliquer plus avant. Le prix confirme tacitement l’importance de celui-ci. En réalité, ces notices ne s’imposent bien souvent que dans le cadre d’exemplaires ayant une provenance ou bien dans des catalogues spécialisés. Il est en effet important de devoir expliquer la nature particulière de quelques ouvrages très rares dans un domaine qui touche peu de monde. On a sous les yeux un catalogue de Serge Plantureux datant de 1991 et consacré à la criminalistique et à la criminologie. Si Le miracle de la rose de Genet n’a nul besoin d’indication hormis le descriptif physique, Colonie agricole et pénitentiaire de Mettray (circa 1840) mérite une notice de 500 signes environ. Le Genet — simple édition originale — a été proposé à 3 000 F. tandis que l’ouvrage sur Mettray en faisait 2 000 de plus… Il va de soi que la rareté fait la différence. Mais il y a un autre facteur que nous n’avons pas abordé, c’est l’importance de l’ouvrage dans un contexte donné. Ainsi dans la notice consacré à la colonie pénitentiaire du Mettray, nous apprenons que Michel Foucault a analysé le contenu de cet in-4° oblong dans Surveiller et punir. Nous arrivons donc à une autre dimension de l’ouvrage et une ample justification de son intérêt, fait qui nous aurait sans doute échappé s’il n’y avait eu cette notice.
Les notices comportent, outre des références intellectuelles indispensables, une indication qui peut paraître abstruse au néophyte… Des noms ainsi qu’un chiffre apparaissent parfois. ce sont en réalité des références bibliographiques couramment utilisées et que l’usage a consacré par la mention de leur auteur. Par exemple la mention BRUNET suivi d’un chiffre indique que le libraire à été farfouiller dans le Manuel du libraire et de l’amateur de livres de Jacques-Charles Brunet (1860) consacré principalement aux livres anciens, le chiffre indiquant la page où il a prélevé certaines information pour rédiger sa notice où bien pour justifier, par exemple, le fait que nous avons affaire à une originale. On vous citera un de ces jours quelques bibliographies régulièrement citées.
Cet aspect particulier du catalogue, le plus passionnant à mon sens tant du point de vue du lecteur que du rédacteur, contribue à la réputation du libraire. C’est également un accessoire indispensable à la formation de l’amateur et du bibliophile. Nul besoin de rechercher fébrilement des catalogues pour s’en apercevoir puisque quelques libraires prestigieux mettent en ligne les invendus de leurs catalogues papier (on vous invite à chercher sur le site Livre-Rare-Book). Bien évidemment, on rencontre plus rarement des notices pour des livres mineurs, même en ligne, car ces recherches prennent parfois du temps et de l’énergie.
On a conscience d’avoir oublié pas mal de choses dans cette évocation. tant pis. Le Tenancier évoque, il ne balance pas.
Ces notices surviennent souvent en conclusion du descriptif de l’ouvrage (voyez les billets précédents sur le sujet) et se rapportent tantôt aux attributs spécifiques de l’exemplaire (un envoi autographe, un ex-libris, un exemplaire nominatif, par exemple), tantôt aux circonstances de publication (rescapé du pilon ou de la censure, etc.)
Si les renseignement apposés jusque-là dans le catalogue avaient valeur d’objectivité et répondaient à quelques standard précis, la notice devient le champ d’expression de la personnalité du libraire. On a déjà évoqué antérieurement les notices abondantes, humoristiques et fort bien documentée de Pierre Saunier dont les catalogues se conservent autant pour les sources de renseignement autour de livres rares que pour le plaisir de leur relecture. D’autres professionnels sont plus succincts voire muets. Ce silence n’implique pas que le libraire n’a rien à dire. La raison se trouve sans doute dans le fait que nous avons affaire à un bon exemplaire — on veut entendre par là qu’il n’est pas si spécial que cela par rapport à un exemplaire qui aurait un envoi — et qu’il est inutile de gloser dessus, d’autant que, rappelons-le, la place est comptée dans la mise en page d’un catalogue. En fait, la nécessité du recours à une notice développée est à la mesure de l’importance de l’ouvrage : plus l’exemplaire sera précieux, prestigieux, exceptionnel, plus sa notice aura de l’importance. Entre l’absence complète de commentaire sur un ouvrage sur pur fil de Claudel et un notice de trois pages autour d’un rare exemplaire en circulation de l’éditeur Genonceaux (nous pensons ici au Tutu de la Princesse Sapho), c’est une question de rareté, d’exception et bien entendu de valeur (le pur fil vaudrait une vingtaine ou une trentaine d’euros, Le Tutu a été proposé à 8 000 F. à l’époque ce qui permettait que l’on s’étale un peu à son sujet).
Une notice est souvent explicative, elle articule — on se répète — divers éléments pour donner l’explication de la présence de l’ouvrage dans le catalogue et bien entendu celle de son prix. Parfois, la chose est implicite. L’ouvrage est recherché et il n’est pas besoin de s’en expliquer plus avant. Le prix confirme tacitement l’importance de celui-ci. En réalité, ces notices ne s’imposent bien souvent que dans le cadre d’exemplaires ayant une provenance ou bien dans des catalogues spécialisés. Il est en effet important de devoir expliquer la nature particulière de quelques ouvrages très rares dans un domaine qui touche peu de monde. On a sous les yeux un catalogue de Serge Plantureux datant de 1991 et consacré à la criminalistique et à la criminologie. Si Le miracle de la rose de Genet n’a nul besoin d’indication hormis le descriptif physique, Colonie agricole et pénitentiaire de Mettray (circa 1840) mérite une notice de 500 signes environ. Le Genet — simple édition originale — a été proposé à 3 000 F. tandis que l’ouvrage sur Mettray en faisait 2 000 de plus… Il va de soi que la rareté fait la différence. Mais il y a un autre facteur que nous n’avons pas abordé, c’est l’importance de l’ouvrage dans un contexte donné. Ainsi dans la notice consacré à la colonie pénitentiaire du Mettray, nous apprenons que Michel Foucault a analysé le contenu de cet in-4° oblong dans Surveiller et punir. Nous arrivons donc à une autre dimension de l’ouvrage et une ample justification de son intérêt, fait qui nous aurait sans doute échappé s’il n’y avait eu cette notice.
Les notices comportent, outre des références intellectuelles indispensables, une indication qui peut paraître abstruse au néophyte… Des noms ainsi qu’un chiffre apparaissent parfois. ce sont en réalité des références bibliographiques couramment utilisées et que l’usage a consacré par la mention de leur auteur. Par exemple la mention BRUNET suivi d’un chiffre indique que le libraire à été farfouiller dans le Manuel du libraire et de l’amateur de livres de Jacques-Charles Brunet (1860) consacré principalement aux livres anciens, le chiffre indiquant la page où il a prélevé certaines information pour rédiger sa notice où bien pour justifier, par exemple, le fait que nous avons affaire à une originale. On vous citera un de ces jours quelques bibliographies régulièrement citées.
Cet aspect particulier du catalogue, le plus passionnant à mon sens tant du point de vue du lecteur que du rédacteur, contribue à la réputation du libraire. C’est également un accessoire indispensable à la formation de l’amateur et du bibliophile. Nul besoin de rechercher fébrilement des catalogues pour s’en apercevoir puisque quelques libraires prestigieux mettent en ligne les invendus de leurs catalogues papier (on vous invite à chercher sur le site Livre-Rare-Book). Bien évidemment, on rencontre plus rarement des notices pour des livres mineurs, même en ligne, car ces recherches prennent parfois du temps et de l’énergie.
On a conscience d’avoir oublié pas mal de choses dans cette évocation. tant pis. Le Tenancier évoque, il ne balance pas.
mardi 2 juin 2015
La description matérielle des livres dans les catalogues
Nous avons fait connaissance avec la nature du livre
proposé, maintenant, si vous le voulez bien, nous allons descendre dans le
local technique. Un livre, de bibliophilie ou d’occasion, diffère du livre neuf
par le fait qu’il possède une histoire personnelle. Si la description d’un
livre sorti à peine de chez l’imprimeur ne mérite que la mention « neuf »,
les autres ont pu subir des vicissitudes ou des enrichissements. Pourtant,
beaucoup de catalogues ne donnent pas l’état des ouvrages. Cela signifie
simplement que l’ouvrage est en très bonne condition. Quand un libraire édite
un catalogue, les ouvrages qu’il propose sont réputés en excellent état, sauf
mention contraire… On peut donc dans la rédaction abandonner les mention Très bon état ou, pire, tbe (qui donne l’impression de lire une
annonce pour club échangiste). On sait très bien que cette omission volontaire
n’est plus d’usage dans certains catalogues (surtout en ligne) car les amateurs
ne seraient pas rassurés s’il ne trouvait pas confirmation de ce fait allant de
soi. Le fait est que cette omission est le plus souvent pratiquée par les
libraires bibliophiles dont la clientèle est habituée aux usages. Le métier de
libraire d’occasion s’est quelque peu dévalorisé en ne suivant pas l’éthique de
ses confrères et a dû adopter le mode de description de la brocante, encouragé
en cela par les bazars en ligne et sites dont « livre » et « produit »
sont à peu près synonymes. Quand on parle d’arasement par le bas, cela arrive
également dans les pratiques professionnelles.
Certes, qu’est-ce que cela peut faire qu’on mentionne ou non le bon état implicite de l’ouvrage ? C’est que dans le catalogue papier, chaque ligne compte, voire chaque signe. Cette section vouée à la description matérielle du livre est sous le régime de la contrainte de place, c’est l'endroit où règne l’abréviation qui permet de gagner une ligne par item proposé et donc à terme d’ajouter un peu plus de livres. Ainsi un
se transforme bien souvent en
Un autre aspect de la question tient à ce que le libraire garantit l’état des ouvrages, alors à quoi bon le souligner ? Nous évoluons encore dans une pratique marchande désuète ou il y a encore peu, le client payait à réception de sa commande…
On reviendra un de ces jours — comme nous l’avions fait dans notre précédent blog — sur les abréviations qui ont plus ou moins cours entre les pages des catalogues.
Nous l’avons écrit au début, le souci est de rendre compte efficacement du vécu d’un livre, de mentionner le défaut éventuel ou les enrichissements qui peuvent l’accompagner : envois, reliures, lettre autographe ou autres truffe, etc. C’est évidemment cette partie qui fixe le prix de l’ouvrage parmi les autres exemplaires de ce titre. Elle est donc indispensable.
On ne va pas s’amuser ici à donner un cours de description physique de livre. Cela nous emmènerait assez loin parfois dans les réflexions et nous en aborderons quelques aspects un de ces jours également. On ne va cependant pas se priver de donner un exemple :
Que vaut-il mieux ? Donner d’entrée le nombre réel de pages, mentionner la pagination (sachant que les titres, faux titres, gardes etc. ne sont pas numérotés) ou décomposer patiemment chaque partie de l’ouvrage ? Une de ces solution n’est en tout cas pas satisfaisante à mes yeux. Le nombre réel de page donne — lié au format — le nombre de cahiers composant le livre, indication bibliophilique supplémentaire fort utile pour un éventuel relieur ou pour les maniaques (ce qui dans le livre, est un pléonasme, je sais…) Débat un peu byzantin pour les néophytes mais dont on n’épuise pas la substance d’un coup.
C’est arbitrairement que l’on a placé la description physique d’un livre en deuxième position, on la retrouve parfois en queue de notice, au bon plaisir du libraire. Et pour le nôtre. Ce n’est pas une science exacte, au grand dam des créateurs de base de données qui voudraient tout normer. Peut être est-ce une forme de résistance…
Certes, qu’est-ce que cela peut faire qu’on mentionne ou non le bon état implicite de l’ouvrage ? C’est que dans le catalogue papier, chaque ligne compte, voire chaque signe. Cette section vouée à la description matérielle du livre est sous le régime de la contrainte de place, c’est l'endroit où règne l’abréviation qui permet de gagner une ligne par item proposé et donc à terme d’ajouter un peu plus de livres. Ainsi un
in-douze broché, couverture illustrée, 228 pages — Édition originale |
se transforme bien souvent en
in-12 br., couv. ill., 288 pp — E.O. |
Un autre aspect de la question tient à ce que le libraire garantit l’état des ouvrages, alors à quoi bon le souligner ? Nous évoluons encore dans une pratique marchande désuète ou il y a encore peu, le client payait à réception de sa commande…
On reviendra un de ces jours — comme nous l’avions fait dans notre précédent blog — sur les abréviations qui ont plus ou moins cours entre les pages des catalogues.
Nous l’avons écrit au début, le souci est de rendre compte efficacement du vécu d’un livre, de mentionner le défaut éventuel ou les enrichissements qui peuvent l’accompagner : envois, reliures, lettre autographe ou autres truffe, etc. C’est évidemment cette partie qui fixe le prix de l’ouvrage parmi les autres exemplaires de ce titre. Elle est donc indispensable.
On ne va pas s’amuser ici à donner un cours de description physique de livre. Cela nous emmènerait assez loin parfois dans les réflexions et nous en aborderons quelques aspects un de ces jours également. On ne va cependant pas se priver de donner un exemple :
Que vaut-il mieux ? Donner d’entrée le nombre réel de pages, mentionner la pagination (sachant que les titres, faux titres, gardes etc. ne sont pas numérotés) ou décomposer patiemment chaque partie de l’ouvrage ? Une de ces solution n’est en tout cas pas satisfaisante à mes yeux. Le nombre réel de page donne — lié au format — le nombre de cahiers composant le livre, indication bibliophilique supplémentaire fort utile pour un éventuel relieur ou pour les maniaques (ce qui dans le livre, est un pléonasme, je sais…) Débat un peu byzantin pour les néophytes mais dont on n’épuise pas la substance d’un coup.
C’est arbitrairement que l’on a placé la description physique d’un livre en deuxième position, on la retrouve parfois en queue de notice, au bon plaisir du libraire. Et pour le nôtre. Ce n’est pas une science exacte, au grand dam des créateurs de base de données qui voudraient tout normer. Peut être est-ce une forme de résistance…
jeudi 28 mai 2015
La première partie des notices de catalogues
Si l’évocation de l’existence de
numéros à chaque entrée de
catalogue tenait quelque peu de l’enfonçage de porte ouverte, la suite
l’est
moins, malgré les apparences. Quoi de plus naturel que de commencer la
description d’un livre par le nom de l’auteur, le titre, etc. ? Ce
qui
rend cette idée moins rebattue se situe dans la source des
informations, à
savoir la fiche bibliographique du libraire avant élaboration.
Contrairement à
une habitude assez ancrée dans les sites de ventes lorsque ce sont des
amateurs
qui s’y collent, par exemple, ces informations sont prélevées sur la
page de
titre et non la couverture. Ainsi, nom
d’auteur, titre de l’ouvrage, sous-titre,
traducteur ou préfacier
éventuels, nature de l’écrit (roman,
essai, poésie…), éditeur, date
d’édition et on en passe se situent sur cette page et non sur
la couverture comme il m’arrive bien souvent de le constater. Il suffit
à
chacun de nous d’ouvrir un bouquin dans sa bibliothèque pour constater
la
différence entre les informations consignées sur une couverture en
général et
cette fameuse page de titre. La somme de ces indications permet un
premier
repérage du livre que propose le libraire, parmi les trois éléments
importants
le concernant (on verra les autres plus tard) qui constituent le corps
de la
notice. C’est également la partie qui nécessite le moins de compétences
puisque
cela consiste à copier les éléments qui figurent dans l’ouvrage
lui-même. Pas
de recherche spécifique à effectuer. Il suffit d’avoir de bons yeux.
Cette partie ouvre la description de l’ouvrage, ce sont des données objectives mises en évidence, souvent en graissant les caractères, en alinéa et en tout cas placées en début de notice. Il serait du reste assez ballot de mettre ces informations en queue de peloton, nous sommes bien d’accord. En apparence, rien de bien captivant dans cet énoncé. Pourtant, ces données sont souvent négligées par les amateurs, comme nous le disions plus haut, et peuvent induire de fâcheuses méprises. L’image d’une couverture ne suffit pas toujours à dissiper le doute quant à la nature d’une édition.
La première partie de la notice est donc la plus « mécanique », dans le sens où elle ne prête à aucune interprétation de la part du libraire. Elle est cependant la plus nécessaire.
Cette partie ouvre la description de l’ouvrage, ce sont des données objectives mises en évidence, souvent en graissant les caractères, en alinéa et en tout cas placées en début de notice. Il serait du reste assez ballot de mettre ces informations en queue de peloton, nous sommes bien d’accord. En apparence, rien de bien captivant dans cet énoncé. Pourtant, ces données sont souvent négligées par les amateurs, comme nous le disions plus haut, et peuvent induire de fâcheuses méprises. L’image d’une couverture ne suffit pas toujours à dissiper le doute quant à la nature d’une édition.
La première partie de la notice est donc la plus « mécanique », dans le sens où elle ne prête à aucune interprétation de la part du libraire. Elle est cependant la plus nécessaire.
mercredi 20 mai 2015
La numérotation des notices de catalogues
Est-il besoin de parler du numéro de
chaque entrée d’un
catalogue, tant sa fonction paraît prosaïquement implicite — ou
implicitement
prosaïque ?… Quatre-vingt dix-neuf pour cent des libraires
utilisent des
numéros pour chaque notice de catalogue. Je pense être le seul à a voir
travailler dans une librairie qui faisait des notices sans numéros. On
en a
déjà parlé d’ailleurs. Tant il est vrai qu’entendre citer un titre et
un auteur
était préférable bien souvent à l’énoncé de numéro lorsque l’on avait
un client
au téléphone, le côté pratique n’était pas forcément au rendez-vous. En
effet,
les ouvrages d’un catalogue sont souvent classés par ordre alphabétique
et la
théorie voudrait qu’Abellio ou Audiberti se trouvent en haut à gauche
du
rayonnage tandis que Valéry et Vanderem se situent en bas à droite, en
vertu de cette succession alphabétique et du sens du rangement. Seulement, c’est
sans
compter avec les rubriques qui peuvent parsemer le dit catalogue.
Ainsi, le bon
sens veut que l’on regroupe sur le même espace les ouvrages consacrés
au
Surréalisme puisqu’ils sont classés ainsi dans le catalogue… Mais
alors, qu’un
client nous demande un ouvrage d’Aragon sans nous mentionner sa place
dans la
rubrique ad hoc et pour peux que l’on
soit court sur la bibliographie de l’auteur, on risque fort de le
rechercher au
tout début du rangement, c'est-à-dire dans sa partie stalinienne
(j’adore me
faire des potes). On jugera alors qu’une numérotations des exemplaires
en vente
fait grâce de toute hésitation, de quiproquos et d’atermoiements
fâcheux.
Ce recours à la numérotation est également pratique pour le
libraire qui veut repérer certaines ventes intéressantes. Tel numéro
dans le
catalogue — numéroté lui aussi — peut faire l’objet d’une mention dans
la fiche
bibliographique pour la préparation du livre avant la mise en vente. Ce
repère
peut être parfois un apport bibliographique, une indication de prix,
etc.
Tout cela, on le sait ou on le pressent. On ne vous a pas
indiqué que cette suite de petits billets serait forcément originale…
Cette numérotation est éphémère, elle n’est pas liée au livre mais liée à sa place dans le catalogue. Un livre qui n’a pas été vendu sur celui-là peut tout aussi bien se retrouver un numéro différent dans un autre du même libraire quelques années après.
Il n’en va pas forcément de même avec le catalogage électronique. Les premières bases de données ont numérotés les lignes de leurs entrées, celles destinées à la vente en ligne exigent également une numérotation liées à l’entrée de chaque ligne de la liste. Ce numéro se retrouve dans les bons de commande transmis aux libraires. C’est généralement ce numéro de références qui est le plus important pour ces sites et nom l’identité du livre. A la limite, on se fout assez du « produit » pourvu qu’il corresponde à la référence… Tout cela est bien éloigné de la pratique du catalogage papier et atteint presque les conditions de la distribution industrielle, ou automatisée. Accessoirement, si l’on suit le libraire sur le net, on verra que les plus anciens numéros des listes proposés par celui-ci sont logiquement ceux qui traînent depuis un certain temps, l’invendable, le brol, la merdouille. Ce n’est pas une règle, le professionnel avisé pouvant revitaliser ces ouvrages-là en leur offrant un numéro plus récent. Astuce toute bête qui a ses limitations : un « habit neuf » ne change guère le contenu.
Cette numérotation est éphémère, elle n’est pas liée au livre mais liée à sa place dans le catalogue. Un livre qui n’a pas été vendu sur celui-là peut tout aussi bien se retrouver un numéro différent dans un autre du même libraire quelques années après.
Il n’en va pas forcément de même avec le catalogage électronique. Les premières bases de données ont numérotés les lignes de leurs entrées, celles destinées à la vente en ligne exigent également une numérotation liées à l’entrée de chaque ligne de la liste. Ce numéro se retrouve dans les bons de commande transmis aux libraires. C’est généralement ce numéro de références qui est le plus important pour ces sites et nom l’identité du livre. A la limite, on se fout assez du « produit » pourvu qu’il corresponde à la référence… Tout cela est bien éloigné de la pratique du catalogage papier et atteint presque les conditions de la distribution industrielle, ou automatisée. Accessoirement, si l’on suit le libraire sur le net, on verra que les plus anciens numéros des listes proposés par celui-ci sont logiquement ceux qui traînent depuis un certain temps, l’invendable, le brol, la merdouille. Ce n’est pas une règle, le professionnel avisé pouvant revitaliser ces ouvrages-là en leur offrant un numéro plus récent. Astuce toute bête qui a ses limitations : un « habit neuf » ne change guère le contenu.
dimanche 17 mai 2015
Les notices de catalogues.
Une notice de livre, dans un catalogue se construit selon
une architecture particulière et peut se diviser en plusieurs sections :
— Le numéro d’entrée dans le catalogue.
— L’identification de l’ouvrage et ses mentions d’édition, c'est-à-dire, concrètement, le nom de l’auteur, le titre de l’ouvrage, l’éditeur, la collection, la date d’édition, tout élément imprimé que l’on trouve généralement sur la page de titre du livre.
— La description physique du livre qui englobe son format, sa pagination et toute particularité liée soit au tirage (originale sur beau papier, service de presse, etc.) soit à l’ouvrage lui-même (défaut, comme des réparations sur la couverture) ou des améliorations (reliure de luxe, envoi autographe, etc.).
— Les indications bibliophiliques : citation de la source bibliophilique, particularités éventuelles de l’ouvrage dans l’histoire de l’auteur ou l’histoire littéraire, etc.
— Le prix
Ces éléments peuvent s’interpénétrer, s’imbriquer ou ne pas exister pour certains d’entre eux, ou alors être considérablement lapidaires, au choix du libraire qui rédige ces notices. On reviendra ultérieurement sur le contenu de ces sections.
En général, chacune de ces parties fait l’objet d’une mise en page spécifique : Titres en italique, noms d’auteur en gras — ce qui peut aussi être le cas pour des mentions d’envoi autographe, par exemple.
Il n’y aucune règle officielle, comme c’est le cas pour les bibliothécaires, qui régit les fiches bibliographiques et la rédaction des catalogues. Ce sont généralement des usages entérinés par la pratique. Certes, l’influence des bibliographies consultées par le rédacteur, les règles instituées par les bibliothécaires ne sont pas méconnues et sont volontiers utilisées. Reste qu’il demeure une grande latitude dans la présentation et même l’esprit de chaque brochure, à l’image de celui qui les rédige. Pour peu qu’on veuille se pencher sur chaque détail (ce que nous ferons un peu sommairement pour ne pas vous barber, dans nos prochains billets) on s’apercevra que la philosophie du livre de chaque libraire peut différer.
Si ces notices peuvent apparaîtrent comme disparates dans leur présentation, elles se sont donné pour mission d’informer les clients sur les ouvrages rassemblés par le libraire à l’occasion de ce catalogue. Il faut vendre, donc être précis et même alléchant. Cela n’empêche pas le jansénisme de certains : aucune mention sinon que le strict nécessaire. Tout acheteur de ce librairie-là sachant pertinemment que les ouvrages présentés sont comme neufs et qu’il n’y a vraiment pas besoin de faire de la glose sur les auteurs vendus. D’autres ont besoin de se répandre, de conjecturer, parfois au détriment de la place pour d’autres livres…
On vient une nouvelle fois d’enfoncer une porte ouverte en vous affirmant que chaque notice diffère à chaque libraire, à l’instar des catalogues.
Il va de soi qu’à l’heure actuelle les notices des livres qui n’ont pas été vendus se retrouvent sur le net et trouvent un lectorat plus élargi que les lecteurs habituels des catalogues.
A propos du net on s’apercevra que les sites de vente de livres ont emprunté la structure des notices de catalogue. Ce n’est pas par hasard. Les libraires d’occasion et d’anciens, nettement moins pusillanimes et timorés que leurs confrères de la librairie de neuf, furent des pionniers dans l’exploitation des listes à destination des bases de données. Pour notre part, il nous a été donné de contempler des catalogues extrêmement bien structurés sur logiciel dBase III élaborés au début des années 90 et même peut être avant, cas extrême mais qui donne une idée de la perméabilité de la corporation aux idées susceptibles d’améliorer la gestion de stocks pléthoriques. Parfois à regret, les prédateurs de la librairie (i.e. : les intermédiaires de vente que sont ces sites) ont entériné cet agencement non sans réticence. Les informaticiens ou donnés lieu comme tels eurent un peu de mal avec ces structures-là, par manque évident de culture bibliophilique. Le marché du livre d’occasion en pleine mutation (l’ancien, lui, semble suivre une tangente et revenir à une niche spécifique) voit tout une partie de son fonds mise à l’écart par l’obligation faite de ne plus utiliser que les codes barre (EAN 13) et ISBN imposée par les sites de vente… Sur ce plan-là, c’est toute une partie du fonds de la librairie d’occasion qui se voit marginalisé. On reviendra également sur ce sujet qui nous semble important.
Revenons une ultime fois sur la mis en page des notices. Si votre serviteur fut le dernier, sans doute, à utiliser une offset de bureau pour l’impression de catalogues, pas mal de libraires utilisaient depuis longtemps le traitement de texte et les possibilités offertes par ceux-ci, pour la mise en forme des notices. Enfin, les catalogues purent être produits sans l’intermédiaire coûteux d’un imprimeur pour la question de la mise en page ou à se résoudre à des feuilles chichement dactylographiées. La possibilité d’utiliser plusieurs corps et donc de caser plus de textes par page améliora la lisibilité et l’abondance du contenu.
Un jour, il faudra bien q’un historien de la librairie se penche sur l’évolution des catalogues…
— Le numéro d’entrée dans le catalogue.
— L’identification de l’ouvrage et ses mentions d’édition, c'est-à-dire, concrètement, le nom de l’auteur, le titre de l’ouvrage, l’éditeur, la collection, la date d’édition, tout élément imprimé que l’on trouve généralement sur la page de titre du livre.
— La description physique du livre qui englobe son format, sa pagination et toute particularité liée soit au tirage (originale sur beau papier, service de presse, etc.) soit à l’ouvrage lui-même (défaut, comme des réparations sur la couverture) ou des améliorations (reliure de luxe, envoi autographe, etc.).
— Les indications bibliophiliques : citation de la source bibliophilique, particularités éventuelles de l’ouvrage dans l’histoire de l’auteur ou l’histoire littéraire, etc.
— Le prix
Ces éléments peuvent s’interpénétrer, s’imbriquer ou ne pas exister pour certains d’entre eux, ou alors être considérablement lapidaires, au choix du libraire qui rédige ces notices. On reviendra ultérieurement sur le contenu de ces sections.
En général, chacune de ces parties fait l’objet d’une mise en page spécifique : Titres en italique, noms d’auteur en gras — ce qui peut aussi être le cas pour des mentions d’envoi autographe, par exemple.
Il n’y aucune règle officielle, comme c’est le cas pour les bibliothécaires, qui régit les fiches bibliographiques et la rédaction des catalogues. Ce sont généralement des usages entérinés par la pratique. Certes, l’influence des bibliographies consultées par le rédacteur, les règles instituées par les bibliothécaires ne sont pas méconnues et sont volontiers utilisées. Reste qu’il demeure une grande latitude dans la présentation et même l’esprit de chaque brochure, à l’image de celui qui les rédige. Pour peu qu’on veuille se pencher sur chaque détail (ce que nous ferons un peu sommairement pour ne pas vous barber, dans nos prochains billets) on s’apercevra que la philosophie du livre de chaque libraire peut différer.
Si ces notices peuvent apparaîtrent comme disparates dans leur présentation, elles se sont donné pour mission d’informer les clients sur les ouvrages rassemblés par le libraire à l’occasion de ce catalogue. Il faut vendre, donc être précis et même alléchant. Cela n’empêche pas le jansénisme de certains : aucune mention sinon que le strict nécessaire. Tout acheteur de ce librairie-là sachant pertinemment que les ouvrages présentés sont comme neufs et qu’il n’y a vraiment pas besoin de faire de la glose sur les auteurs vendus. D’autres ont besoin de se répandre, de conjecturer, parfois au détriment de la place pour d’autres livres…
On vient une nouvelle fois d’enfoncer une porte ouverte en vous affirmant que chaque notice diffère à chaque libraire, à l’instar des catalogues.
Il va de soi qu’à l’heure actuelle les notices des livres qui n’ont pas été vendus se retrouvent sur le net et trouvent un lectorat plus élargi que les lecteurs habituels des catalogues.
A propos du net on s’apercevra que les sites de vente de livres ont emprunté la structure des notices de catalogue. Ce n’est pas par hasard. Les libraires d’occasion et d’anciens, nettement moins pusillanimes et timorés que leurs confrères de la librairie de neuf, furent des pionniers dans l’exploitation des listes à destination des bases de données. Pour notre part, il nous a été donné de contempler des catalogues extrêmement bien structurés sur logiciel dBase III élaborés au début des années 90 et même peut être avant, cas extrême mais qui donne une idée de la perméabilité de la corporation aux idées susceptibles d’améliorer la gestion de stocks pléthoriques. Parfois à regret, les prédateurs de la librairie (i.e. : les intermédiaires de vente que sont ces sites) ont entériné cet agencement non sans réticence. Les informaticiens ou donnés lieu comme tels eurent un peu de mal avec ces structures-là, par manque évident de culture bibliophilique. Le marché du livre d’occasion en pleine mutation (l’ancien, lui, semble suivre une tangente et revenir à une niche spécifique) voit tout une partie de son fonds mise à l’écart par l’obligation faite de ne plus utiliser que les codes barre (EAN 13) et ISBN imposée par les sites de vente… Sur ce plan-là, c’est toute une partie du fonds de la librairie d’occasion qui se voit marginalisé. On reviendra également sur ce sujet qui nous semble important.
Revenons une ultime fois sur la mis en page des notices. Si votre serviteur fut le dernier, sans doute, à utiliser une offset de bureau pour l’impression de catalogues, pas mal de libraires utilisaient depuis longtemps le traitement de texte et les possibilités offertes par ceux-ci, pour la mise en forme des notices. Enfin, les catalogues purent être produits sans l’intermédiaire coûteux d’un imprimeur pour la question de la mise en page ou à se résoudre à des feuilles chichement dactylographiées. La possibilité d’utiliser plusieurs corps et donc de caser plus de textes par page améliora la lisibilité et l’abondance du contenu.
Un jour, il faudra bien q’un historien de la librairie se penche sur l’évolution des catalogues…
samedi 16 mai 2015
Les rubriques de catalogues
Il n’est évidemment pas question ici de gloser en détail sur
la façon de constituer un catalogue, d’autant qu’il existe autant de manière de
faire qu’il y a de libraires, voire de catalogues. Toutefois, on retrouve
certaines constantes. Ainsi, des catalogues thématiques sont régulièrement
publiés : surréalisme par exemple, ou sur tel éditeur ou tel auteur, etc. Il
paraît évident que ces matières correspondent à la clientèle du libraire, à
moins qu’il soit masochiste. Ces listes sont quelquefois le fruit d’une aubaine
pour le libraire, à savoir l’achat d’une bibliothèque. Le libraire en question est plus à même de faire cette
acquisition puisqu’il est censé être un spécialiste de la chose. Il arrive
aussi que ces catalogues soient le résultat d’une patiente compilation à partir
d’un fonds préexistant et parfois un peu dormant. Rien ne
vaut parfois un catalogue spécialisé pour raviver celui-ci. Le libraire, pour
enrichir le contenu, s’adressera soit à certains confrères dont il sait qu’il
pourra faire une marge correcte sur les acquisitions soit aux ventes publiques.
Un libraire spécialisé a certes plus de possibilités d’engranger des livres
concernant sa spécialité. On entre parfois dans sa boutique non pour acheter
mais pour se séparer d’un ouvrage…
Une autre pratique du catalogage — en lien direct avec les spécialisations — est la rubrique à l’intérieur du catalogue. Nombreux sont les libraires qui introduisent quelques pages de Curiosa, par exemple. La présence de ces rubriques incitent les amateurs à se diriger directement vers celles-ci. Les libraires spécialisés y trouvent parfois matières à constituer leurs propres catalogues.
La vente en ligne, même si une recherche par mot-clé existe sur la totalité des sites, ne permet pas cette cohérence du catalogue thématique et même généraliste. Doit-on rappeler une nouvelle fois ici que le catalogue est également le reflet des choix du libraire et que ceux-là ne se fondent pas sur des critères uniquement commerciaux ? Voilà pourquoi nous croyons, de ce côté-ci de l’écran, à la pérennité du catalogue papier : aucun catalogue ne ressemble à un autre parce qu’aucun professionnel qui l’a rédigé est un clone ranxéroxé de son confrère, ce que les sites de vente de livre on tendance à faire accroire.
Revenons encore un peu sur ces rubriques. Leur existence correspond bien sûr à des catalogues généralistes. Elles sont généralement classés à l’entrée alphabétique de leur intitulé : Curiosa à la lettre C, etc. Pour les singulariser on peut employer les moyens de la mise en page : espace ou encadré, typo différente etc. On peut aussi les retrouver en fin ou en début de brochure. Toutefois, on doit observer que cette singularisation trouve ses limites dans l’espace employé à cette rubrique. Comme pour l’immobilier, la surface correspond à un rendement précis ; on ne s’amusera pas à une mise en page baroque pour ne disposer que cinq ouvrages sur une page au lieu de dix dans les pages précédentes, à moins d’un prix exceptionnel. Ce n’est pas toujours le cas.
On prie une nouvelle fois de bien vouloir excuser cet enfoncement de porte ouverte sur ce sujet. Mais il est une évidence qui échappe peut être à nombre de jeunes amateurs de livres d’occasion, maintenant que la pratique du catalogue papier est abandonnée par pas mal de professionnels qui trouvent leur compte par la vente en ligne. Ces catalogues constituaient encore récemment des outils de travail et de référence, non pour les prix, mais pour les tendances. Un catalogue spécialisé ou une rubrique chez un librairie réputé pouvait donner le la et une orientation pour les acquisitions. Ces phénomènes de mode se sont un peu arasés dès lors qu’une quantité d’ouvrages fut mise à disposition par le net. Quelques « valeurs » s’écroulèrent. Pour notre part, on le regrette un peu, non pour l’aspect mercantile, mais parce que le goût ne s’exprime pas tout le temps par la rareté.
La prochaine fois, on commencera à aborder le contenu des notices.
Une autre pratique du catalogage — en lien direct avec les spécialisations — est la rubrique à l’intérieur du catalogue. Nombreux sont les libraires qui introduisent quelques pages de Curiosa, par exemple. La présence de ces rubriques incitent les amateurs à se diriger directement vers celles-ci. Les libraires spécialisés y trouvent parfois matières à constituer leurs propres catalogues.
La vente en ligne, même si une recherche par mot-clé existe sur la totalité des sites, ne permet pas cette cohérence du catalogue thématique et même généraliste. Doit-on rappeler une nouvelle fois ici que le catalogue est également le reflet des choix du libraire et que ceux-là ne se fondent pas sur des critères uniquement commerciaux ? Voilà pourquoi nous croyons, de ce côté-ci de l’écran, à la pérennité du catalogue papier : aucun catalogue ne ressemble à un autre parce qu’aucun professionnel qui l’a rédigé est un clone ranxéroxé de son confrère, ce que les sites de vente de livre on tendance à faire accroire.
Revenons encore un peu sur ces rubriques. Leur existence correspond bien sûr à des catalogues généralistes. Elles sont généralement classés à l’entrée alphabétique de leur intitulé : Curiosa à la lettre C, etc. Pour les singulariser on peut employer les moyens de la mise en page : espace ou encadré, typo différente etc. On peut aussi les retrouver en fin ou en début de brochure. Toutefois, on doit observer que cette singularisation trouve ses limites dans l’espace employé à cette rubrique. Comme pour l’immobilier, la surface correspond à un rendement précis ; on ne s’amusera pas à une mise en page baroque pour ne disposer que cinq ouvrages sur une page au lieu de dix dans les pages précédentes, à moins d’un prix exceptionnel. Ce n’est pas toujours le cas.
On prie une nouvelle fois de bien vouloir excuser cet enfoncement de porte ouverte sur ce sujet. Mais il est une évidence qui échappe peut être à nombre de jeunes amateurs de livres d’occasion, maintenant que la pratique du catalogue papier est abandonnée par pas mal de professionnels qui trouvent leur compte par la vente en ligne. Ces catalogues constituaient encore récemment des outils de travail et de référence, non pour les prix, mais pour les tendances. Un catalogue spécialisé ou une rubrique chez un librairie réputé pouvait donner le la et une orientation pour les acquisitions. Ces phénomènes de mode se sont un peu arasés dès lors qu’une quantité d’ouvrages fut mise à disposition par le net. Quelques « valeurs » s’écroulèrent. Pour notre part, on le regrette un peu, non pour l’aspect mercantile, mais parce que le goût ne s’exprime pas tout le temps par la rareté.
La prochaine fois, on commencera à aborder le contenu des notices.
vendredi 15 mai 2015
Prologue à quelques réflexions sur l'établissement des catalogues de vente de livres
(A suivre)
Lorsqu’un amateur consulte un catalogue de vente de libraire,
il peut constater que celui-ci est établi selon certaines normes, un enchaînement
qui ne doit rien au hasard. Petits ou grands, photocopiés ou imprimés en
offset, allant de quatre pages jusqu’à une pagination à trois chiffres, toutes
ces productions obéissent d’abord à un impératif : celui de vendre. Il n’en
demeure pas moins qu’au-delà de ce postulat, le catalogue constitue pour le
collectionneur une référence dont la possession était importante à l’époque ou
le net et, par exemple Gallica, n’existaient pas encore. Même encore
maintenant, la qualité de rédaction de certaines notices — comme nous y avions
fait allusion en évoquant Pierre Saunier — incite tout curieux ou passionné à
ne pas s’en séparer.
Il est un aspect du catalogage qui échappe souvent à l’amateur : c’est la technique de la description des ouvrages. On se dit qu’il serait peut être bon de revenir ici sur certains aspects de la rédaction d’une liste de vente. On s’en excuse auprès de l’habitué, on va enfoncer des portes ouvertes.
On reviendra ultérieurement sur les recherches bibliographiques autour de livres et sur l’établissement des fiches pour les ouvrages. On se concentrera ici sur ce qui fait encore un peu l’ordinaire de nombreuse librairies, c'est-à-dire les brochures en format A5 la plupart du temps et qui ne dépasse pas une soixantaine de pages. On constatera d’ailleurs que l’acquis de la vente par catalogue se retrouve en majeure partie dans le commerce par voie électronique…
Les notices descriptives des ouvrages obéit à un ordre et à des contraintes que nous aborderons au fur et à mesure. On vous recommande un peu de patience…
Il est un aspect du catalogage qui échappe souvent à l’amateur : c’est la technique de la description des ouvrages. On se dit qu’il serait peut être bon de revenir ici sur certains aspects de la rédaction d’une liste de vente. On s’en excuse auprès de l’habitué, on va enfoncer des portes ouvertes.
On reviendra ultérieurement sur les recherches bibliographiques autour de livres et sur l’établissement des fiches pour les ouvrages. On se concentrera ici sur ce qui fait encore un peu l’ordinaire de nombreuse librairies, c'est-à-dire les brochures en format A5 la plupart du temps et qui ne dépasse pas une soixantaine de pages. On constatera d’ailleurs que l’acquis de la vente par catalogue se retrouve en majeure partie dans le commerce par voie électronique…
Les notices descriptives des ouvrages obéit à un ordre et à des contraintes que nous aborderons au fur et à mesure. On vous recommande un peu de patience…
lundi 11 mai 2015
Modestes réflexions autour des catalogues
A partir de quel moment a-t-on commencé à élaborer des
catalogues ? On ne parle pas ici que des catalogues de ventes de
libraires, comme nous y avons fait allusions dans nos billets récents, mais
bien plutôt de ceux qui étaient destinés à inventorier. On soupçonne que
ceux-ci sont apparus à partir du moment où le nombre d’écrits dépassait la
capacité mémorielle de ceux qui entretenaient les bibliothèques. Sans nul
doute, les bibliothèques antiques possédaient de tels documents, y compris sous
la forme de tablettes d’argile, étant donné la pléthore de divers documents sur
certains chantiers de fouilles — enfin, quand on pouvait y accéder…
Nonobstant le support, il fallait bien répertorier le contenu des bibliothèques et bien que l’on soupçonne la mémoire de l’érudit antique bien plus vaste que l’homme contemporain il semble logique qu’une sauvegarde de l’inventaire ait existé. J’ignore pour ma part si ces bibliothèque pratiquaient le prêt. Peut-être. C’est en tout cas avéré au moyen âge alors que le contenu des rayonnages était moins copieux. La bibliothèque d’un érudit romain pouvait comporter plus d’un milliers de rouleaux alors que les monastères richement dotés du haut moyen âge en atteignaient six cent à grand peine. On songe volontiers que l’existence de tels documents était aussi redevable à une précaution juridique, un inventaire daté pouvait sans doute faire preuve de possession en cas de vol ou de litige (à ce titre, certains manuscrits du moyen âge comportaient une malédiction à l’endroit de l’éventuel voleur…). Enfin, il ne faut pas négliger le rôle de vecteur d’échanges culturels, un inventaire de bibliothèque monastique étant plus aisé à consulter que devoir se déplacer par monts et par vaux pour aller vérifier par soi-même. Un autre aspect du catalogage, pas si évident, est que les ouvrages n’étaient pas classés par ordre alphabétique comme notre logique le voudrait mais plutôt par affinités et même par ordre d’importance… Un tel registre pour deux cents ou trois cents volumes ne représentait pas un immense difficulté à consulter, d’autant que les registres d’érudition des rédacteurs et des consultants étaient à peu près similaires. La généralisation de la pensée scholastique de même que l’emploi du latin dans toute la chrétienté ont favorisé ces normes particulières à nos yeux dans l’établissement des listes. L’emploi d’un lingua franca (bien éloignée du globish que nos « élites » affectionnent tant) a sans doute été cruciale pour la circulation de ces catalogues. On imagine — est-ce avéré ? — de tels documents circulant systématiquement de monastère en monastère, belle amorce de réflexion et surtout beau thème d’un roman. On nous signale dans l’oreillette qu’un obscur auteur italien du XXe siècle aurait déjà abordé en partie le sujet. Comme quoi, les bonnes idées…
Il semble que l’idée de classer, répertorier, voire classifier ait accompagné la création de la notion de bibliothèque. Cette pratique va se perpétuer, se diversifier et se spécialiser. On a bien sûr la célébrissime classification Dewey chère aux bibliothécaires. Ces derniers établiront encore des catalogues à l’ère contemporaine, mais plus axés sur l’exposition, les listes de consultation et de prêt ayant rejoint depuis quelques temps le giron des bases de données électroniques. Le processus pour les libraires est à peu près similaire : on continue de rédiger des catalogues de vente pour les articles prestigieux mais le tout venant appartient désormais à l’informatique. On reviendra sur tout cela si on a le temps…
Nonobstant le support, il fallait bien répertorier le contenu des bibliothèques et bien que l’on soupçonne la mémoire de l’érudit antique bien plus vaste que l’homme contemporain il semble logique qu’une sauvegarde de l’inventaire ait existé. J’ignore pour ma part si ces bibliothèque pratiquaient le prêt. Peut-être. C’est en tout cas avéré au moyen âge alors que le contenu des rayonnages était moins copieux. La bibliothèque d’un érudit romain pouvait comporter plus d’un milliers de rouleaux alors que les monastères richement dotés du haut moyen âge en atteignaient six cent à grand peine. On songe volontiers que l’existence de tels documents était aussi redevable à une précaution juridique, un inventaire daté pouvait sans doute faire preuve de possession en cas de vol ou de litige (à ce titre, certains manuscrits du moyen âge comportaient une malédiction à l’endroit de l’éventuel voleur…). Enfin, il ne faut pas négliger le rôle de vecteur d’échanges culturels, un inventaire de bibliothèque monastique étant plus aisé à consulter que devoir se déplacer par monts et par vaux pour aller vérifier par soi-même. Un autre aspect du catalogage, pas si évident, est que les ouvrages n’étaient pas classés par ordre alphabétique comme notre logique le voudrait mais plutôt par affinités et même par ordre d’importance… Un tel registre pour deux cents ou trois cents volumes ne représentait pas un immense difficulté à consulter, d’autant que les registres d’érudition des rédacteurs et des consultants étaient à peu près similaires. La généralisation de la pensée scholastique de même que l’emploi du latin dans toute la chrétienté ont favorisé ces normes particulières à nos yeux dans l’établissement des listes. L’emploi d’un lingua franca (bien éloignée du globish que nos « élites » affectionnent tant) a sans doute été cruciale pour la circulation de ces catalogues. On imagine — est-ce avéré ? — de tels documents circulant systématiquement de monastère en monastère, belle amorce de réflexion et surtout beau thème d’un roman. On nous signale dans l’oreillette qu’un obscur auteur italien du XXe siècle aurait déjà abordé en partie le sujet. Comme quoi, les bonnes idées…
Il semble que l’idée de classer, répertorier, voire classifier ait accompagné la création de la notion de bibliothèque. Cette pratique va se perpétuer, se diversifier et se spécialiser. On a bien sûr la célébrissime classification Dewey chère aux bibliothécaires. Ces derniers établiront encore des catalogues à l’ère contemporaine, mais plus axés sur l’exposition, les listes de consultation et de prêt ayant rejoint depuis quelques temps le giron des bases de données électroniques. Le processus pour les libraires est à peu près similaire : on continue de rédiger des catalogues de vente pour les articles prestigieux mais le tout venant appartient désormais à l’informatique. On reviendra sur tout cela si on a le temps…
jeudi 7 mai 2015
Une bibliothèque idéale ?
On vient
à l’instant (ou presque) de remettre au jour un
ancien billet sur la fabrication du catalogue et de ce qui s’ensuit
lorsqu’il
arrive dans les boîtes aux lettres des bibliophiles. On l’a constaté,
ce n’est
pas forcément une partie de plaisir lorsque l’on se trouve de ce
côté-ci de la
barrière. Du reste, les conditions très artisanales de leur fabrication
ne
donnaient que des brochures utilitaires. Après tout nous ne visions pas
à
l’excellence typographique mais à vendre des livres. En revanche,
nombre de
libraires parisiens ont produit de petites œuvres d’humour,
d’impertinence et
surtout de grande érudition. Lorsque le libraire arrête de faire des
catalogues
il se repaît de ceux de ses confrères. Ceux de Pierre Saunier étaient
un régal.
Ils doivent l’être encore d’ailleurs mais votre Tenancier n’a plus
aucune
raison (phynancière surtout !) de les recevoir. Il le déplore,
même s’il
s’y résout. C’est à l’occasion de l’évocation du Tutu,
attribué à Léon Genonceaux, et dont SPiRitus possède une
réédition chez Tristram que je me suis souvenu de l’existence de
l’édition
originale dans le catalogue de Pierre Saunier. J’avais gardé la mémoire
de
cette notice assez remarquable puisqu’elle complétait admirablement la
préface
de la première réédition (enrichie depuis d’une postface, semble-t-il).
Rappelons de plus que cette préface a été tirée d’un article de Pascal
Pia,
consultable ici. Pensez donc :
plus de deux pages consacrées dans le catalogue à cet ouvrage où,
censément, on compte les
lignes pour mettre un maximum de références ! Mais il est vrai que
cette
édition demeure exceptionnelle (son prix aussi : 8000 francs vers
1991). Ces catalogues ne se résumaient pas à une publication exceptionnelle. Si l’on trouvait d’autres éditions de Genonceaux, tout le Paris décadent et fin-de-siècle se retrouvait également dans ces pages. La littérature romantique, les fous littéraires et les « anticipateurs » (Pawlowski, Le Rouge, etc.) n’étaient pas non plus absents. S’il est des catalogues ou des brochures que l’on jette volontiers après usage, il est certain que ceux de Pierre Saunier se gardent comme des références et même comme le véhicule du fantasme de la bibliothèque idéale, ou du moins de celles qui n’ennuient pas. Si ces brochures vous encombrent, le Tenancier se fera un plaisir de vous en débarrasser ! |
||
Notre billet sur les catalogues se trouve ici.
mercredi 6 mai 2015
Jours de catalogue
On
a rassemblé ici une suite de billets publiés entre septembre et octobre
2008 sur le blog Feuilles d'automne. Le Tenancier réalise que la
plupart de événements relatés ici ont presque une vingtaine d'années,
désormais. Qu'importe, le souvenir est vivace et heureux.
Avant Internet, il y avait les catalogues. Ce qui était vrai pour les 3 Suisses l'était également pour les libraires de tout poil, du libraire d’ancien le plus huppé au pourvoyeur de ballots pornographiques. Tout le monde rédigeait, annotait, collationnait, amendait, fichait, etc.
Voici, en gros comment cela se déroulait avant les ordinateurs :
Le premier stade du catalogue, c’est la fiche. Et là, point de norme propre au bibliothécaire, chacun faisait comme bon lui semblait. Mais ces fiches avaient un minimum de points communs : Auteur, titre, sous titre, date et lieu d’édition, description physique, commentaire, référence bibliographique lorsqu’il y avait lieu, etc. A ce stade, il y avait déjà une indication de prix, lequel serait éventuellement révisé pendant la rédaction de la liste. A l’évidence, on travaillait avec ces fiches pour des commodités de tri mais également comme trace d’une vente passée. Ainsi, le libraire en faisant des fiches, forgeait également sa propre bibliographie et ses cotes.
Ensuite, le libraire se mettait devant sa machine à écrire et commençait à transcrire le contenu de ses fiches dûment triées.
Après, cela partait chez l’imprimeur…
C’est tout ?
J’ai d’autres souvenirs.
Liés à ma propre expérience, cela va de soi, dans une librairie, qui, précisément, éditait des catalogues.
Précisons que cela se passait au milieu des années 80...
Le fameux catalogue était donc tapé – par une machine mécanique, s’il vous plaît - mais pas sur une feuille de papier. Cela ressemblait plutôt à des stencils qui étaient utilisés sur des duplicateurs à alcool. C’étaient, en quelque sorte des matrices pour offset de bureau. Ainsi, nanti de cette matrice, je descendais dans le sous-sol frais de la librairie, au milieu des éditions originales et m’attelais à ce méchant cube vert sapin et orange qu’était l’offset de bureau. Il fallait fixer cette matrice sur le cylindre, faire un tour avec celui-ci à l’aide de la manivelle, retirer la feuille de papier glacé qui la protégeait, remettre un coup de manivelle en engageant une feuille format 21 X 27 cm. - Eh oui, ce n’est pas une erreur de ma part. Il ne s’agissait pas de format A4… - Une fois la première impression faite, il suffisait de pousser l’interrupteur électrique et veiller à alimenter la machine en papier. Opération qui se renouvelait autant qu’il y avait de pages au catalogue. Le tirage était approximativement de 450 exemplaires et avait une quarantaine de pages.
Venait, une fois l’ensemble tiré, le tri des feuilles pour constituer le catalogue, utiliser toute la surface du sous-sol et tourner dedans en classant les feuilles… j’en ai encore le tournis. Il ne fallait pas oublier la couverture, imprimée, elle, en véritable offset et portant la mention : "Vente à prix marqués" et puis les écussons du SLAM (Syndicat de la Librairie Ancienne et Moderne), etc.
Ensuite, il fallait constituer des paquets d’une trentaine de catalogues et les enfermer dans une presse à main, en grecquer ce qui allait être le dos à l’aide d’un vieux coupe-papier, le recouvrir de colle plastique et attendre que ça sèche. Alors, armé d’un couteau de cuisine, je séparais chaque catalogue en tranchant les dos un par un, tel un boucher impitoyable.
Ensuite, venait l’affranchissement. Seule concession à la modernité, une machine à affranchir permettait de reposer les papilles surmenées par l’atmosphère sèche du sous-sol. Seulement, il fallait alimenter la machine à la main, point de tapis roulant ou autre alimentation automatique, vous rêvez, vous… J’avais donc établi un système un peu ergonomique, à base de boîte en carton et de siège autour de la table où se tenait la machine. De plus, il était nécessaire d’affranchir avant de mettre les catalogues car cette machine refusait les plis trop épais. Ensuite venait « l’ensachage », la fermeture des enveloppes, leur « liassage » et leur « portage » jusqu’à la Poste dans mes petits bras musclés… Près de 14 000 feuilles de papier partaient ainsi dans la nature, l’univers entier et ses abords immédiats.
Deux ou trois jours après, le téléphone n’arrêtait pas de sonner. Mais ceci est une autre histoire, comme disait Rudyard, que je vous conterai dans un article prochain.
J’ai le regret de signaler que le progrès fit rage dans cette librairie au début des années 90. Tout d’abord, l’on passa du format 21 X 27 au format A4. C’était le début de la fin. Après ce fut l’acquisition d’une IBM à boule qui procura une frappe plus régulière et donc un catalogue un peu plus lisible. Puis, ce fut l’abandon de l’offset de bureau et des heures passionnantes passées dans le sous-sol à lire tout en surveillant la machine. Celle-ci partit dans l’antre des éditions Fornax, où il m’est arrivé de croiser sa présence sournoise. Le catalogue contracta un format A5 et la seule chose qui le différencia de ses congénère fut la couverture verte…
La librairie ferma vers 2000, avant le saut fatal vers les ordinateurs de type 286, voire 386 ce qui eût permis d’envisager des catalogues avec des mises en pages sophistiquées. Si cela avait continué, je sens que – la révolution étant en marche – nous aurions été, à l’heure actuelle, à la veille d’acquérir notre premier ordinateur doté de Windows 3.1
Nous l’avons échappé belle !
Je ne peux même pas vous montrer ces catalogues. Bêtement, je n’en ai pas gardé un seul ! J’en ai une belle quantité, mais point ceux-là.
Alors, à l’occasion, si vous retrouvez des catalogues (21 X 27, de préférence !) de la Librairie Delatte. Ne le jetez pas, siouplaît !
Pensez à moi.
Je suis un nostalgique.
Les brochures une fois constituées, triées, expédiées, il ne restait plus que l’attente de la réception du catalogue par nos clients – temps de latence qui ressemblait fort à une veillée d’armes au cours de laquelle nous nous employions à préparer la logistique : carton ondulé, feuilles de kraft, ficelle pour les paquets, ultime recouvrement des ouvrages du catalogue avec du papier cristal pour ceux qui auraient échappé à notre vigilance, ou dont la couverture précédente, à nos yeux, avait soudainement par trop jauni.
La durée de notre attente était relativement brève, malgré le fait que nous faisions l’expédition des enveloppes du catalogue au tarif « lent » qui existait encore, à cette époque où la Poste était un service public non soumis aux lois du marché mais plutôt une sorte de modus vivendi entre le délai sourcilleux et le festina lente, le tout régi, vraisemblablement, par un Olympe poussiéreux habité par les dieux Afnor et Cerfa. (Olympe, vraiment ? Plutôt le Walhalla, vu les noms).
Mais cette attente quelque peu affairée était le prélude à un déferlement à côté duquel la Horde d’Or n’était qu’un aimable rassemblement d’adeptes du camping municipal.
En effet, les barbares allaient frapper à notre porte.
Ainsi, le matin du jour J, nous guettions le téléphone et lancions des augures sur celui qui appellerait le premier ou sur le livre qui partirait en premier.
Le catalogue commençait toujours lentement - un ou deux coups de fil, priant de mettre de côté telle originale de Gide, de Maurois, de Mauriac ou, fantaisie inouïe, un beau papier de Martin Du Gard, pas Roger, Maurice, le cousin, l’autre. Ensuite venait le « trou » traditionnel, césure qui indiquait que le service postal du matin était passé, certes, mais qu’il n’avait pas touché ceux qui étaient partis travailler. Car, loin de l’image du rentier, le bibliophile a un emploi dûment rémunéré, ce qui lui assure entre autres la provende de son vice… Les livres réservés rejoignaient une table où devaient s’aligner les piles. Chaque réservation comportait un bout de papier avec le nom du client et la date de réservation. La Haute Autorité de la librairie était sourcilleuse là-dessus : les réservations n’excédaient pas 48 h ! Cette disposition était appliquée avec rigueur et je dirais même avec véhémence. On ne délivrait d’indulgence que pour des raisons impérieuses. On ne plaisantait pas avec les réservations, ah mais !
Arrivait l’heure du déjeuner où les premières salves sérieuses étaient lancées. A pleines bordées, on recevait des mitrailles de commandes : un, dix, quinze livres sortaient du rayon – large de 3,50 m sur 2,50 m de hauteur – pour rejoindre la table des réservations. Arrivaient fugacement quelques drames, pas les plus importants, un Gide déjà retenu, par exemple. Rien n’était encore perdu, on escomptait sur le désintérêt du client ou sur son retard, ce qui reporterait la réservation sur l’autre client. Tout y était encore mousse et pampre, les manifestations de déception ne dépassaient pas les bornes, car l’on était porté par l’espoir.
La fin de l’après-midi voyait les premiers clients arriver ; il sera utile par la suite que l’on revienne sur la typologie du bibliophile. Mais à tout le moins, déjà, on pourrait déceler le Déterminé qui après un bref examen du livre emportait son butin dans une certaine économie de geste et de parole, le Dubitatif qui, après quelques affèteries et manières, ne prendrait qu’une partie de la réservation. Miracle : l’un de ces derniers a laissé le Gide convoité par un autre. Nous téléphonons et sommes immédiatement parés de toutes les vertus. Le soir tombe sur la librairie Delatte, sise au 15, rue Gustave Courbet à Paris, dans le XVIe arrondissement, et sur son catalogue. Demain, les journées dures commenceront.
Et les emmerdeurs, les atrabilaires et les goujats, me diriez-vous ?
Y’en avait aussi.
Et ceci, comme la suite, sera de la même histoire.
Cette librairie – comme bien d’autres – ouvrait à dix heures du matin. Ces jours-là, pas question de ménage ou de réception de livres. Le téléphone sonnait déjà avant l’ouverture, avant notre arrivée. Il me semble encore que le téléphone devait sonner depuis huit heures du matin. Sonnerie vibrionnante, impérieuse qui commandait comme lorsque l’on sonnait jadis un domestique. Et il fallait bien répondre. Nous étions là pour cela.
J’étais désigné volontaire.
Je décrochais donc.
« — Bonjour, Librairie De…
— Allo ! Vous avez le numéro… mais pourquoi vous ne mettez pas de numéro à votre catalogue, hein ? Ah la la. Attendez, hein ? C’est page… - bruit de feuillets tournés fébrilement – voilà : page 5, c’est le Gide.
— Je regrette, Monsieur, mais le livre est parti, déjà.
— Comment, parti ? Mais je suis le premier à vous téléphoner, ça fait plus de trois quart d’heure que je suis en ligne. Vous faites des passe-droits, j’en suis sûr.
— Mais non, Monsieur, seulement des personnes ont dû recevoir le catalogue avant vous, hier, et le Gide a été vendu, voilà tout. D’ailleurs vous n’étiez pas le seul à le… »
Le bruit de la tonalité m’a rendu muet. Le client m’a raccroché au nez. Personne fort sympathique au demeurant lorsqu’elle passe hors des périodes du Catalogue… J’ai tout de même noté sa demande. On ne sait jamais. Il va falloir que je raccroche. Auparavant, je range soigneusement le papier contenant la commande du Gide dans un dossier. Je prépare une autre feuille. Je raccroche. Et cela sonne immédiatement.
Là, il s’agit de l’amateur de littérature – uniquement des originales impeccables – des années 50 & 60. Plutôt des Editions de Minuit. Homme sérieux. Je note : un Robbe-Grillet, les deux Beckett (nous avions mis ces livres dans le catalogue avec une nette arrière-pensée à son égard, bien qu’il les boudât lorsque nous les lui avions proposés directement !). Et puis… il serait très intéressé par le Gide que nous proposons, vous savez le… Je lui dis de ne pas quitter et je cours devant le rayonnage, en extrais les ouvrages et les rapporte à côté du téléphone.
« — Ils sont en bon état ?
— Oh oui, comme nous l’indiquions, non coupés, extrêmement frais !
— Et le Gide ?
— Je regrette… » — etc.
Il passe demain dans l’après-midi. Le lendemain est un samedi. Nous préméditions l’envoi des catalogues afin que la plupart des clients puissent accéder à la librairie, fort éloignée des contrées civilisées, puisque nous sommes dans le XVIe arrondissement de Paris... le bout du monde !
Le téléphone va sonner sans discontinuer pendant toute la journée. Les clients de province entrent dans la danse. Là, il faut donner le total des ouvrages, estimer le poids, indiquer le prix du port recommandé. Le paquet sera expédié après réception du chèque.
Effet subtil et à la fois radical des 35h : la ruée vers la librairie commence en début d’après-midi de ce vendredi…
Ah ! Voici mon amateur d’Aragon. Homme à la retraite confortable, notre bibliophile se rend acquéreur également de quelques originales récentes, quelques fois, fraîchement sorties des presses. Généralement des « Collection Blanche » de chez Gallimard – tirage sur Hollande, bien évidemment. Invariablement revêtu d’un imperméable mastic pas très frais, notre homme trimballe avec lui une sacoche noire comme mon prof en troisième en avait. Il faudra emballer trrrrès soigneusement son acquisition dans du papier kraft. Il surveillera l’opération avec un regard quelque peu suspicieux à mon égard, me recalera éventuellement si je ne le fais point dans les règles, ce qui est déjà arrivé. Ensuite, il mettra son bien dans la sacoche, simple transit vers l’armoire métallique. Éventuellement, il nous prendra le tirage ordinaire pour le lire. Il va pour prendre congé… hésite. Heum, s’il pouvait voir le Gide…
A peine ce client sorti, v’là le prof d’université, qui entre. Sale type. M’a déjà menacé un jour parce que, par ordre de ma Bien Aimée Direction, l’on interdisait l’accès du rayon du catalogue – qui se situait dans l’arrière-boutique – à quiconque. Me l’a joué menaçant. J’avais une certaine patience avec les désagréables. Toujours était-il que je passais la main pour celui-là, à défaut de la consacrer à un autre exercice…
Ainsi, je réponds à la question posée en première partie : oui, il y avait des pignoufs et un ou deux individus que mes pauvres ressources lexicales m’obligent à appeler des connards.
Ils étaient rares et suffisamment dilués. L’exemple ci-dessus était le plus outré, cador à talonnettes, fort avec les faibles, sirupeux avec qui pouvait lui apporter un avantage comme les libraires – et non la valetaille qui pouvait travailler avec ceux-là.
Il faut de tout pour faire un monde. Et le microcosme des clients du catalogue n’échappait pas à cette sentence prudhommesque.
Hélas.
Le soir est tombé, la librairie ferme une demi-heure plus tard, parce qu’un client ne pourra pas passer le lendemain. On l’aime bien, on reste un peu.
Demain, c’est samedi…
Et c’est ainsi que les samedis du Catalogue existèrent : acmé du bibliophile, marathon du libraire.
Ce jour là, l’ouverture est symphonique. Clients et téléphone vous interpellent, vous hèlent et se lamentent. Cinq ou six amateurs piaffent à l’entrée, catalogue à la main, annoté dans tous les sens. Certains viennent retirer des ouvrages déjà réservés au téléphone, d’autres avec une liste et une infime partie n’a rien sinon qu’une idée fixe.
Au premier de ces messieurs (sur 300 personnes à recevoir le catalogue, il ne devait y avoir qu’une dizaine de femmes) : déclinaison du nom, course à la réserve, pile réservée, rapportée et posée sur la table qui occupe le centre de la librairie. On l’abandonne aussitôt pour le suivant : même chose, pile plus importante. Celui-là en délaissera plus de la moitié. Il a usé de son droit de réserver les ouvrages. N’avait nulle envie de les acheter. Voulait les voir. On remballe ce qu’il n’a pas pris et on recherche dans les demandes non assouvies ce qui pourrait bien correspondre. On insère les livres dans les piles déjà réservées, bonne surprise pour le client, ou l’on met de côté momentanément, dans l’attente d’un moment clément ou l’on pourra enfin utiliser le téléphone. Le premier client vous interpelle : « Et le Gide, alors ? ». Vendu, trois fois vendu, dix mille fois vendu.
Pfff.
Au suivant. « Ah ben, c’est bien dommage, pour le Gide ». Celui-là est venu avec son catalogue, annoté à chaque page avec quelques signes ésotériques. Il faudra décrypter, car il vous le confie. Charge à vous d’éplucher le dit catalogue pour en retirer les ouvrages. On comprend enfin la logique des signes une fois arrivé à la dernière page. On se rend compte que les références marquées d’une croix n’étaient pas à sortir, sauf si elles étaient entourées d’un cercle. Une dizaine de livres à ranger, du coup. Et pas le temps : le premier amateur vous hèle, il veut soit passer à la caisse ou bien veut voir un autre livre. S’indigne presque que l’on se s’occupe pas exclusivement de lui. Pendant ce temps là, un de ceux qui n’était pas encore servi, un nouveau venu depuis l’ouverture, louche sur le tas d’un autre. Ce dernier interpose un dos méfiant et presque rancuneux entre le curieux et son butin.
Au suivant. Un hotu, un monosyllabique. Ne vous confiera pas son catalogue. Ne vous donnera sa commande que titre par titre. Après avoir examiné le bouquin, vous renverra à la réserve du catalogue chercher l’ouvrage suivant. Et les clients qui s’accumulent.
Au suivant. Un libraire - Tiens, les voilà ! Celui-ci, jeune type, sympa, grand amateur d’ouvrages du XIXe siècle, confectionne des catalogues qui sont des petits chefs-d’œuvre d’érudition et d’humour. Oui ? On l’a encore… Çui-là aussi. Le Gide ? Non. On se confie, on fait part de son étonnement. Y’a-t-il une raison pour que l’on demande plus spécialement ce titre ? Parce que Gide, hein, actuellement… L’interrogé ne sait pas. Vous le dirait certainement, mais… Voulait le voir, comme ça, en passant. Règle avec les 10% de remise confraternelle. Remet son casque et repart sur sa rutilante moto.
Suivant. Ah ! Le prof de Janson... Plutôt éclectique. Pas le temps de converser comme nous le faisons habituellement et avec grand plaisir pour ma part, lors de ses visites régulières.
Suivant. Gros client de la librairie. Avocat féru de littérature, a déjà rédigé plusieurs ouvrages autour de ses préoccupations, si je puis dire. Il va rester longuement. L’un des rares à ne pas demander le Gide. Il l’a. Règle. Son chauffeur prendra les ouvrages plus tard.
Suivant…
Suivant…
Et encore, et encore : particuliers, libraires, bibliothèques, de tous poils et de différentes humeurs, polis, affables ou revêches. Cette journée va voir défiler toute une galerie de personnages, défilé qui se renouvela trois fois par an pendant plus de treize ans passés à la librairie.
Nous avons vieilli ensemble, vu les goûts évoluer, vu certains amateurs rentrer dans une discrète dèche, d’autres disparaître, vu des jeunes cadors qui voulaient nous apprendre des choses, en avoir appris beaucoup, avoir contredit aussi, un peu. Vu des drames en direct, des exemplaires convoités, ratés de peu, et la désolation, la détresse et parfois la colère.
Nous avons entendu le mot « merde » plusieurs fois au téléphone, et des compliments.
Avec le recul, j’ai une affection toute particulière pour une espèce qui fréquentait la librairie Delatte, les jours de catalogue : les acheteurs de petite bibliophilie, les éditions originales sur papier d’édition ou alors d’auteur tombés en disgrâce à un moment donné : Han Ryner, France, Istrati, etc. C’était une règle de la maison : le catalogue était également constitué de petites choses, destinées aux impécunieux, aux jeunes loups dont les crocs n’avaient pas encore poussé ou bien aux vieux lions qui dormaient à côté de leurs dents.
Il reste désormais cette sorte de saveur amère que provoquent les souvenirs, celle d’une époque révolue, dans un lieu précis, intense.
Et cette question lancinante : qu’est-ce qu’il avait de si spécial, ce Gide ?
Avant Internet, il y avait les catalogues. Ce qui était vrai pour les 3 Suisses l'était également pour les libraires de tout poil, du libraire d’ancien le plus huppé au pourvoyeur de ballots pornographiques. Tout le monde rédigeait, annotait, collationnait, amendait, fichait, etc.
Voici, en gros comment cela se déroulait avant les ordinateurs :
Le premier stade du catalogue, c’est la fiche. Et là, point de norme propre au bibliothécaire, chacun faisait comme bon lui semblait. Mais ces fiches avaient un minimum de points communs : Auteur, titre, sous titre, date et lieu d’édition, description physique, commentaire, référence bibliographique lorsqu’il y avait lieu, etc. A ce stade, il y avait déjà une indication de prix, lequel serait éventuellement révisé pendant la rédaction de la liste. A l’évidence, on travaillait avec ces fiches pour des commodités de tri mais également comme trace d’une vente passée. Ainsi, le libraire en faisant des fiches, forgeait également sa propre bibliographie et ses cotes.
Ensuite, le libraire se mettait devant sa machine à écrire et commençait à transcrire le contenu de ses fiches dûment triées.
Après, cela partait chez l’imprimeur…
C’est tout ?
J’ai d’autres souvenirs.
Liés à ma propre expérience, cela va de soi, dans une librairie, qui, précisément, éditait des catalogues.
Précisons que cela se passait au milieu des années 80...
Le fameux catalogue était donc tapé – par une machine mécanique, s’il vous plaît - mais pas sur une feuille de papier. Cela ressemblait plutôt à des stencils qui étaient utilisés sur des duplicateurs à alcool. C’étaient, en quelque sorte des matrices pour offset de bureau. Ainsi, nanti de cette matrice, je descendais dans le sous-sol frais de la librairie, au milieu des éditions originales et m’attelais à ce méchant cube vert sapin et orange qu’était l’offset de bureau. Il fallait fixer cette matrice sur le cylindre, faire un tour avec celui-ci à l’aide de la manivelle, retirer la feuille de papier glacé qui la protégeait, remettre un coup de manivelle en engageant une feuille format 21 X 27 cm. - Eh oui, ce n’est pas une erreur de ma part. Il ne s’agissait pas de format A4… - Une fois la première impression faite, il suffisait de pousser l’interrupteur électrique et veiller à alimenter la machine en papier. Opération qui se renouvelait autant qu’il y avait de pages au catalogue. Le tirage était approximativement de 450 exemplaires et avait une quarantaine de pages.
Venait, une fois l’ensemble tiré, le tri des feuilles pour constituer le catalogue, utiliser toute la surface du sous-sol et tourner dedans en classant les feuilles… j’en ai encore le tournis. Il ne fallait pas oublier la couverture, imprimée, elle, en véritable offset et portant la mention : "Vente à prix marqués" et puis les écussons du SLAM (Syndicat de la Librairie Ancienne et Moderne), etc.
Ensuite, il fallait constituer des paquets d’une trentaine de catalogues et les enfermer dans une presse à main, en grecquer ce qui allait être le dos à l’aide d’un vieux coupe-papier, le recouvrir de colle plastique et attendre que ça sèche. Alors, armé d’un couteau de cuisine, je séparais chaque catalogue en tranchant les dos un par un, tel un boucher impitoyable.
Ensuite, venait l’affranchissement. Seule concession à la modernité, une machine à affranchir permettait de reposer les papilles surmenées par l’atmosphère sèche du sous-sol. Seulement, il fallait alimenter la machine à la main, point de tapis roulant ou autre alimentation automatique, vous rêvez, vous… J’avais donc établi un système un peu ergonomique, à base de boîte en carton et de siège autour de la table où se tenait la machine. De plus, il était nécessaire d’affranchir avant de mettre les catalogues car cette machine refusait les plis trop épais. Ensuite venait « l’ensachage », la fermeture des enveloppes, leur « liassage » et leur « portage » jusqu’à la Poste dans mes petits bras musclés… Près de 14 000 feuilles de papier partaient ainsi dans la nature, l’univers entier et ses abords immédiats.
Deux ou trois jours après, le téléphone n’arrêtait pas de sonner. Mais ceci est une autre histoire, comme disait Rudyard, que je vous conterai dans un article prochain.
J’ai le regret de signaler que le progrès fit rage dans cette librairie au début des années 90. Tout d’abord, l’on passa du format 21 X 27 au format A4. C’était le début de la fin. Après ce fut l’acquisition d’une IBM à boule qui procura une frappe plus régulière et donc un catalogue un peu plus lisible. Puis, ce fut l’abandon de l’offset de bureau et des heures passionnantes passées dans le sous-sol à lire tout en surveillant la machine. Celle-ci partit dans l’antre des éditions Fornax, où il m’est arrivé de croiser sa présence sournoise. Le catalogue contracta un format A5 et la seule chose qui le différencia de ses congénère fut la couverture verte…
La librairie ferma vers 2000, avant le saut fatal vers les ordinateurs de type 286, voire 386 ce qui eût permis d’envisager des catalogues avec des mises en pages sophistiquées. Si cela avait continué, je sens que – la révolution étant en marche – nous aurions été, à l’heure actuelle, à la veille d’acquérir notre premier ordinateur doté de Windows 3.1
Nous l’avons échappé belle !
Je ne peux même pas vous montrer ces catalogues. Bêtement, je n’en ai pas gardé un seul ! J’en ai une belle quantité, mais point ceux-là.
Alors, à l’occasion, si vous retrouvez des catalogues (21 X 27, de préférence !) de la Librairie Delatte. Ne le jetez pas, siouplaît !
Pensez à moi.
Je suis un nostalgique.
*
Le lecteur attentif s’en souviendra, je l’avais lâchement abandonné au
terme de l’impression d’un catalogue d’éditions originales. L’opération
durait plusieurs jours et occupait une grande partie du temps de
travail qui, d’ordinaire, était dévolue à la vente, au catalogage, à la
réception des ouvrages neufs ou d’occasion (cette librairie s’occupait
des deux) et toutes ces sortes de choses.Les brochures une fois constituées, triées, expédiées, il ne restait plus que l’attente de la réception du catalogue par nos clients – temps de latence qui ressemblait fort à une veillée d’armes au cours de laquelle nous nous employions à préparer la logistique : carton ondulé, feuilles de kraft, ficelle pour les paquets, ultime recouvrement des ouvrages du catalogue avec du papier cristal pour ceux qui auraient échappé à notre vigilance, ou dont la couverture précédente, à nos yeux, avait soudainement par trop jauni.
La durée de notre attente était relativement brève, malgré le fait que nous faisions l’expédition des enveloppes du catalogue au tarif « lent » qui existait encore, à cette époque où la Poste était un service public non soumis aux lois du marché mais plutôt une sorte de modus vivendi entre le délai sourcilleux et le festina lente, le tout régi, vraisemblablement, par un Olympe poussiéreux habité par les dieux Afnor et Cerfa. (Olympe, vraiment ? Plutôt le Walhalla, vu les noms).
Mais cette attente quelque peu affairée était le prélude à un déferlement à côté duquel la Horde d’Or n’était qu’un aimable rassemblement d’adeptes du camping municipal.
En effet, les barbares allaient frapper à notre porte.
Ainsi, le matin du jour J, nous guettions le téléphone et lancions des augures sur celui qui appellerait le premier ou sur le livre qui partirait en premier.
Le catalogue commençait toujours lentement - un ou deux coups de fil, priant de mettre de côté telle originale de Gide, de Maurois, de Mauriac ou, fantaisie inouïe, un beau papier de Martin Du Gard, pas Roger, Maurice, le cousin, l’autre. Ensuite venait le « trou » traditionnel, césure qui indiquait que le service postal du matin était passé, certes, mais qu’il n’avait pas touché ceux qui étaient partis travailler. Car, loin de l’image du rentier, le bibliophile a un emploi dûment rémunéré, ce qui lui assure entre autres la provende de son vice… Les livres réservés rejoignaient une table où devaient s’aligner les piles. Chaque réservation comportait un bout de papier avec le nom du client et la date de réservation. La Haute Autorité de la librairie était sourcilleuse là-dessus : les réservations n’excédaient pas 48 h ! Cette disposition était appliquée avec rigueur et je dirais même avec véhémence. On ne délivrait d’indulgence que pour des raisons impérieuses. On ne plaisantait pas avec les réservations, ah mais !
Arrivait l’heure du déjeuner où les premières salves sérieuses étaient lancées. A pleines bordées, on recevait des mitrailles de commandes : un, dix, quinze livres sortaient du rayon – large de 3,50 m sur 2,50 m de hauteur – pour rejoindre la table des réservations. Arrivaient fugacement quelques drames, pas les plus importants, un Gide déjà retenu, par exemple. Rien n’était encore perdu, on escomptait sur le désintérêt du client ou sur son retard, ce qui reporterait la réservation sur l’autre client. Tout y était encore mousse et pampre, les manifestations de déception ne dépassaient pas les bornes, car l’on était porté par l’espoir.
La fin de l’après-midi voyait les premiers clients arriver ; il sera utile par la suite que l’on revienne sur la typologie du bibliophile. Mais à tout le moins, déjà, on pourrait déceler le Déterminé qui après un bref examen du livre emportait son butin dans une certaine économie de geste et de parole, le Dubitatif qui, après quelques affèteries et manières, ne prendrait qu’une partie de la réservation. Miracle : l’un de ces derniers a laissé le Gide convoité par un autre. Nous téléphonons et sommes immédiatement parés de toutes les vertus. Le soir tombe sur la librairie Delatte, sise au 15, rue Gustave Courbet à Paris, dans le XVIe arrondissement, et sur son catalogue. Demain, les journées dures commenceront.
Et les emmerdeurs, les atrabilaires et les goujats, me diriez-vous ?
Y’en avait aussi.
Et ceci, comme la suite, sera de la même histoire.
*
Ainsi donc, la Terre tourne autour du Soleil comme les jolies filles
tournent la tête des hommes. Tout ce beau monde tourne sur son axe. Cela
donne la nuit et le jour, et la tiédeur du matin, au fond du lit. Après
avoir dormi et goûté à quelques félicités, le libraire retourne à son
labeur. Et ce jour n’est point comme les autres. C’est la deuxième
journée du Catalogue !Cette librairie – comme bien d’autres – ouvrait à dix heures du matin. Ces jours-là, pas question de ménage ou de réception de livres. Le téléphone sonnait déjà avant l’ouverture, avant notre arrivée. Il me semble encore que le téléphone devait sonner depuis huit heures du matin. Sonnerie vibrionnante, impérieuse qui commandait comme lorsque l’on sonnait jadis un domestique. Et il fallait bien répondre. Nous étions là pour cela.
J’étais désigné volontaire.
Je décrochais donc.
« — Bonjour, Librairie De…
— Allo ! Vous avez le numéro… mais pourquoi vous ne mettez pas de numéro à votre catalogue, hein ? Ah la la. Attendez, hein ? C’est page… - bruit de feuillets tournés fébrilement – voilà : page 5, c’est le Gide.
— Je regrette, Monsieur, mais le livre est parti, déjà.
— Comment, parti ? Mais je suis le premier à vous téléphoner, ça fait plus de trois quart d’heure que je suis en ligne. Vous faites des passe-droits, j’en suis sûr.
— Mais non, Monsieur, seulement des personnes ont dû recevoir le catalogue avant vous, hier, et le Gide a été vendu, voilà tout. D’ailleurs vous n’étiez pas le seul à le… »
Le bruit de la tonalité m’a rendu muet. Le client m’a raccroché au nez. Personne fort sympathique au demeurant lorsqu’elle passe hors des périodes du Catalogue… J’ai tout de même noté sa demande. On ne sait jamais. Il va falloir que je raccroche. Auparavant, je range soigneusement le papier contenant la commande du Gide dans un dossier. Je prépare une autre feuille. Je raccroche. Et cela sonne immédiatement.
Là, il s’agit de l’amateur de littérature – uniquement des originales impeccables – des années 50 & 60. Plutôt des Editions de Minuit. Homme sérieux. Je note : un Robbe-Grillet, les deux Beckett (nous avions mis ces livres dans le catalogue avec une nette arrière-pensée à son égard, bien qu’il les boudât lorsque nous les lui avions proposés directement !). Et puis… il serait très intéressé par le Gide que nous proposons, vous savez le… Je lui dis de ne pas quitter et je cours devant le rayonnage, en extrais les ouvrages et les rapporte à côté du téléphone.
« — Ils sont en bon état ?
— Oh oui, comme nous l’indiquions, non coupés, extrêmement frais !
— Et le Gide ?
— Je regrette… » — etc.
Il passe demain dans l’après-midi. Le lendemain est un samedi. Nous préméditions l’envoi des catalogues afin que la plupart des clients puissent accéder à la librairie, fort éloignée des contrées civilisées, puisque nous sommes dans le XVIe arrondissement de Paris... le bout du monde !
Le téléphone va sonner sans discontinuer pendant toute la journée. Les clients de province entrent dans la danse. Là, il faut donner le total des ouvrages, estimer le poids, indiquer le prix du port recommandé. Le paquet sera expédié après réception du chèque.
Effet subtil et à la fois radical des 35h : la ruée vers la librairie commence en début d’après-midi de ce vendredi…
Ah ! Voici mon amateur d’Aragon. Homme à la retraite confortable, notre bibliophile se rend acquéreur également de quelques originales récentes, quelques fois, fraîchement sorties des presses. Généralement des « Collection Blanche » de chez Gallimard – tirage sur Hollande, bien évidemment. Invariablement revêtu d’un imperméable mastic pas très frais, notre homme trimballe avec lui une sacoche noire comme mon prof en troisième en avait. Il faudra emballer trrrrès soigneusement son acquisition dans du papier kraft. Il surveillera l’opération avec un regard quelque peu suspicieux à mon égard, me recalera éventuellement si je ne le fais point dans les règles, ce qui est déjà arrivé. Ensuite, il mettra son bien dans la sacoche, simple transit vers l’armoire métallique. Éventuellement, il nous prendra le tirage ordinaire pour le lire. Il va pour prendre congé… hésite. Heum, s’il pouvait voir le Gide…
A peine ce client sorti, v’là le prof d’université, qui entre. Sale type. M’a déjà menacé un jour parce que, par ordre de ma Bien Aimée Direction, l’on interdisait l’accès du rayon du catalogue – qui se situait dans l’arrière-boutique – à quiconque. Me l’a joué menaçant. J’avais une certaine patience avec les désagréables. Toujours était-il que je passais la main pour celui-là, à défaut de la consacrer à un autre exercice…
Ainsi, je réponds à la question posée en première partie : oui, il y avait des pignoufs et un ou deux individus que mes pauvres ressources lexicales m’obligent à appeler des connards.
Ils étaient rares et suffisamment dilués. L’exemple ci-dessus était le plus outré, cador à talonnettes, fort avec les faibles, sirupeux avec qui pouvait lui apporter un avantage comme les libraires – et non la valetaille qui pouvait travailler avec ceux-là.
Il faut de tout pour faire un monde. Et le microcosme des clients du catalogue n’échappait pas à cette sentence prudhommesque.
Hélas.
Le soir est tombé, la librairie ferme une demi-heure plus tard, parce qu’un client ne pourra pas passer le lendemain. On l’aime bien, on reste un peu.
Demain, c’est samedi…
*
L’homme se nourrit de
pain et d’eau et erre longuement dans les ténèbres de l’amour. Il ne lui
reste que la sourde insatisfaction des livres qu’il a déjà lus et la
mince idée que ces dits livres pourraient lui survivre. C’est pour cela
qu’il aime les éditions sur beau papier et qu’il a existé des catalogues
pour les vendre. Et c’est ainsi que les samedis du Catalogue existèrent : acmé du bibliophile, marathon du libraire.
Ce jour là, l’ouverture est symphonique. Clients et téléphone vous interpellent, vous hèlent et se lamentent. Cinq ou six amateurs piaffent à l’entrée, catalogue à la main, annoté dans tous les sens. Certains viennent retirer des ouvrages déjà réservés au téléphone, d’autres avec une liste et une infime partie n’a rien sinon qu’une idée fixe.
Au premier de ces messieurs (sur 300 personnes à recevoir le catalogue, il ne devait y avoir qu’une dizaine de femmes) : déclinaison du nom, course à la réserve, pile réservée, rapportée et posée sur la table qui occupe le centre de la librairie. On l’abandonne aussitôt pour le suivant : même chose, pile plus importante. Celui-là en délaissera plus de la moitié. Il a usé de son droit de réserver les ouvrages. N’avait nulle envie de les acheter. Voulait les voir. On remballe ce qu’il n’a pas pris et on recherche dans les demandes non assouvies ce qui pourrait bien correspondre. On insère les livres dans les piles déjà réservées, bonne surprise pour le client, ou l’on met de côté momentanément, dans l’attente d’un moment clément ou l’on pourra enfin utiliser le téléphone. Le premier client vous interpelle : « Et le Gide, alors ? ». Vendu, trois fois vendu, dix mille fois vendu.
Pfff.
Au suivant. « Ah ben, c’est bien dommage, pour le Gide ». Celui-là est venu avec son catalogue, annoté à chaque page avec quelques signes ésotériques. Il faudra décrypter, car il vous le confie. Charge à vous d’éplucher le dit catalogue pour en retirer les ouvrages. On comprend enfin la logique des signes une fois arrivé à la dernière page. On se rend compte que les références marquées d’une croix n’étaient pas à sortir, sauf si elles étaient entourées d’un cercle. Une dizaine de livres à ranger, du coup. Et pas le temps : le premier amateur vous hèle, il veut soit passer à la caisse ou bien veut voir un autre livre. S’indigne presque que l’on se s’occupe pas exclusivement de lui. Pendant ce temps là, un de ceux qui n’était pas encore servi, un nouveau venu depuis l’ouverture, louche sur le tas d’un autre. Ce dernier interpose un dos méfiant et presque rancuneux entre le curieux et son butin.
Au suivant. Un hotu, un monosyllabique. Ne vous confiera pas son catalogue. Ne vous donnera sa commande que titre par titre. Après avoir examiné le bouquin, vous renverra à la réserve du catalogue chercher l’ouvrage suivant. Et les clients qui s’accumulent.
Au suivant. Un libraire - Tiens, les voilà ! Celui-ci, jeune type, sympa, grand amateur d’ouvrages du XIXe siècle, confectionne des catalogues qui sont des petits chefs-d’œuvre d’érudition et d’humour. Oui ? On l’a encore… Çui-là aussi. Le Gide ? Non. On se confie, on fait part de son étonnement. Y’a-t-il une raison pour que l’on demande plus spécialement ce titre ? Parce que Gide, hein, actuellement… L’interrogé ne sait pas. Vous le dirait certainement, mais… Voulait le voir, comme ça, en passant. Règle avec les 10% de remise confraternelle. Remet son casque et repart sur sa rutilante moto.
Suivant. Ah ! Le prof de Janson... Plutôt éclectique. Pas le temps de converser comme nous le faisons habituellement et avec grand plaisir pour ma part, lors de ses visites régulières.
Suivant. Gros client de la librairie. Avocat féru de littérature, a déjà rédigé plusieurs ouvrages autour de ses préoccupations, si je puis dire. Il va rester longuement. L’un des rares à ne pas demander le Gide. Il l’a. Règle. Son chauffeur prendra les ouvrages plus tard.
Suivant…
Suivant…
Et encore, et encore : particuliers, libraires, bibliothèques, de tous poils et de différentes humeurs, polis, affables ou revêches. Cette journée va voir défiler toute une galerie de personnages, défilé qui se renouvela trois fois par an pendant plus de treize ans passés à la librairie.
Nous avons vieilli ensemble, vu les goûts évoluer, vu certains amateurs rentrer dans une discrète dèche, d’autres disparaître, vu des jeunes cadors qui voulaient nous apprendre des choses, en avoir appris beaucoup, avoir contredit aussi, un peu. Vu des drames en direct, des exemplaires convoités, ratés de peu, et la désolation, la détresse et parfois la colère.
Nous avons entendu le mot « merde » plusieurs fois au téléphone, et des compliments.
Avec le recul, j’ai une affection toute particulière pour une espèce qui fréquentait la librairie Delatte, les jours de catalogue : les acheteurs de petite bibliophilie, les éditions originales sur papier d’édition ou alors d’auteur tombés en disgrâce à un moment donné : Han Ryner, France, Istrati, etc. C’était une règle de la maison : le catalogue était également constitué de petites choses, destinées aux impécunieux, aux jeunes loups dont les crocs n’avaient pas encore poussé ou bien aux vieux lions qui dormaient à côté de leurs dents.
Il reste désormais cette sorte de saveur amère que provoquent les souvenirs, celle d’une époque révolue, dans un lieu précis, intense.
Et cette question lancinante : qu’est-ce qu’il avait de si spécial, ce Gide ?
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