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Dans nos
existences quelconques, nous cherchons à fuir notre image,
double terrifiant qui colle à notre squelette, nous faisant disparaître
des miroirs, comme un vampire ou autre créature inquiétante.
Imaginons le paroxysme : un esprit désolé que la lèpre de la solitude
dévore. Imaginons Prométhée en créature désolée, au visage rongé de
l’intérieur. Imaginons cette pauvre créature qui lit Emerson, sans
doute Poe, peut être Shelley. Imaginons-le, mordu par les acides du
fantastique, désertant les souterrains mais fuyant toujours la lumière.
Imaginons-le en fantôme d’un opéra en plein air, à errer, errer encore
et toujours jusqu’au cœur du monde, à chercher le cœur du monde dans le
cœur des récits et devenir la matière d’une histoire sombre, celle
d’une pauvre, pauvre créature devenue la substance de ce récit : un
fantôme, un monstre perdu dans une bibliothèque de dix mille livres
mais dont aucun ne lui conte la nature de son pacte, son déroulement,
sa finalité. C’est l’histoire d’un monstre qui meurt et qui cachait une
passion, celle du livre. C’est l’histoire d’une créature qui disparaît
sur la banquise, dans les feux, ou d’un pieu. C’est la fin du récit. Et
nous sommes ses démiurges.
Réflexion après coup auprès d'une lectrice du blog : Cet être me touche
d'une certaine manière, comme dans un film de Franju, "Les yeux sans
visage", ou comme le pathétique d'Éléphant man. Les monstres les plus
mémorables provoquent une sorte d'empathie. Celui-ci vérifie
l'étymologie du mot : la "monstration", le dévoilement, la nudité
décharnée sous le masque, l'effroi, la fragilité, le vide, la peur. Nous
sommes rentré depuis un certain temps dans le futur. Depuis quand des
créatures sillonnent le monde autour de nous avec cet étrange parfum
morbide ?
L'invasion a-t-elle commencée ? |
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Photos : Lon Chaney, M.J.
Billet paru en juillet 2009 sur le blog Feuilles d'automne