Le Tenancier n’est tenu de rien,
puisqu’il est le tenancier
de ce blogue et qu’après tout il peut radoter ce qu’il veut ici même.
Qui viendrait
le contrarier à ce sujet, je vous le demande, hein ? Donc
il peut s’éloigner
de ses thèmes de prédilection, pour une fois. Ainsi, il a entendu ce
soir en préparant
la soupe de poireaux-pommes-de-terres (avec un peu d’estragon et du
céleri) une
émission sur France cul sur l’utilité d’un service
« volontaire »
pour l’armée. On nous expliqua fort doctement que notre armée
professionnelle
projetée sur un théâtre d’opérations extérieur manquera pour veiller à
l’ordre
de la nation durant le conflit, d’où, donc, l’utilité de requérir de
jeunes
pioupious pour déjouer les manigances des saboteurs, voire des
terroristes
intérieurs. Nous pensions benoîtement que la gendarmerie y suppléerait,
mais sans
doute sont-ils surveillés de près, à gâcher autant de munitions aux bassines… Bien
sûr nous
résumons et ce fut exprimé avec l’allant et la grâce qui sied à une
merde en
bas de soie avec, tout de même, un sérieux manque de prospective. En
effet, si
je reprends la terminologie des fonctionnaires de la propagande, que
fait-on de
« l’attrition » des mecs qui sont sur le front ? Parce
qu’ils
sont là pour ça, non, défendre l’occident contre la barbarie avec leur
poitrine
généreuse ? Par quoi remplacer ceux qui reviendront — pour les
plus veinards — dans des sacs à viande ? Vous ne voyez pas ?
Alors, je
vais vous causer de mon grand-papa. Ce fils de cultivateurs pauvres né
à la Chapelle-Jeanson
(Ille-&-Vilaine) vit l’aubaine d’une ascension sociale en
s’engageant jeune
dans l’armée. Il allait replier ses gaules lorsque le premier grand
badaboum
mondial survint. Étant donné son âge, il fut affecté à la
Territoriale :
surveillance de l’arrière ou des prisonniers, tenue des deuxièmes
lignes, etc.
Seulement, voilà, au bout de deux ans à voir voler les balles de loin,
il les
contempla de plus près les deux années restantes, puisqu’on manquait de
chair
fraîche devant. Joseph Hubert s’en est sorti, a même fait de la
spéculation
immobilière sur les ruines de demeures près du front une fois
démobilisé (il
avait dû prendre ses jalons), mais ceci est une autre histoire.
Grand-papa
était devenu facho du genre variante des Croix-de-feu, heureusement ma
grand-mère avait divorcé. Peut-être était-il très con avant, à son
engagement.
On ne saurait le dire et même étendre ça à tous les glaiseux de
l’Ille-&-Vilaine…
mais là encore c’est une autre histoire. En revanche le nombre de types
fauchés
autour de lui impressionne (Le Tenancier, par vice, à regardé les
états de
service et ce qu’il advint dans quelques comptes-rendus sur le même
front). On oublie
un peu ça, quand on tente de nous vendre la vie en uniforme, que la
possibilité
d’y passer est inversement proportionnelle à la place dans la société,
la
hiérarchie sociale se retrouvant aisément dans la militaire — mais
également que
les garanties d’innocuité, vous pouvez vous les foutre quelque part, à
partir
du moment où vous avez signé (faut lire ce qui est en tout petit, mon
gars…) Eh
oui, si vous signez, vous pouvez mourir, à plus forte raison si vous
n’êtes pas
chanceux, c'est-à-dire à l’inverse de mon grand-papa. En revanche
Joffre, Foch
et Mangin, par exemple, ont canné dans leur plumard. On verra bien si
le sieur
Mandon, prêt au sacrifice des autres, suivra la glorieuse destinée de ses prédécesseurs ou bien que le
sursaut
patriotard le mènera sabre au clair en première ligne. On a même envie
de lui
dire « chiche »…
Affichage des articles dont le libellé est A bas toutes les armées. Afficher tous les articles
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lundi 1 décembre 2025
mardi 7 novembre 2023
Engagez-vous, rengagez-vous
Peut-être a-t-on mal compris mon
propos selon lequel « la
SF courait après son obsolescence » dans un billet précédent. Par
là, je
ne signifiais pas que c’était une littérature moribonde, mais que sa
nature
restait en grande part dépendante de l’évolution de nos sociétés et des
technologies, même si, en définitive, cela consistait à parler de notre
univers
contemporain et non celui d’un futur hypothétique. Cela se révèle
souvent du
bricolage maison, de l’extrapolation sur clavier… Ainsi, beaucoup de
romans
anciens du genre dévoilent une curieuse inadéquation entre la vision de
l’auteur
à son époque et le monde actuel (mœurs, technologie, arts, etc.) Par
exemple,
un auteur des années 1940 ne peut concevoir la révolution
informatique
parce qu’il lui manque quelques chaînons (à une exception : Murray
Leinster avec Un logic nommé Joe). Il
ne peut être blâmé d’une transposition qui rencontre les limites de son
imagination, que ce soit dans l’illusion prédictive ou même la
description d’espèces
radicalement étrangères, qui presque systématiquement se révèlent des
patchworks de motifs existants.
La SF aboutit ici une sorte d’aporie qui lui donnerait toutes les capacités d’anticipation, mais sans les moyens que pourtant elle décrit de temps à autre, comme la psychohistoire, illusion dont même son auteur, Isaac Asimov, s’affranchit en rappelant la nature accidentelle ou aberrante du processus historique, parfois. Il semble assez piquant de constater que certains des acteurs du genre négligent ce paradigme et se mettent au service d’une prospective « institutionnelle », endossant alors les oripeaux de la futurologie avec, parfois, un sérieux papal assez réjouissant.
La palme de la franche rigolade se trouve dans la collaboration de certains auteurs à une « team » financée par le ministère des armées et dont la mission serait de... jargonner autour d’éventuels conflits auxquels nos pioupious pourraient faire face. On en revient alors à une conception bizarre qui voudrait authentifier un diagnostic par des personnes aussi concernées que votre serviteur, ou vous-même qui me lisez, autour de technologies futuristes et d’évolutions sociétales. On se consolera en se disant que l’expertise aboutirait à un certain nombre de questions embarrassantes si la Cour des comptes était tentée d’y plonger le nez. « Baste, dira-t-on, ils en profitent et ils n’ont peut-être pas tort, après tout ! » Mmmh… prenons un ministère quelconque et employons quelques personnes à pondre des rapports qui ne servent à rien... le genre de nouvelle qui réjouit un certain Canard ! Nos militaires innovent en la matière puisqu’ils n’utilisent pas d’énarques pour s’y adonner, ce qui dénote un souci louable d’économie. Pourquoi donc alors ne pas recourir à des experts en futurologie et autres domaine au service d’un but mortifère ? Eh bien, sans doute y a-t-on pensé et qu’ils travaillent de leur côté aussi, la bêtise militaire ne se situe pas exactement là, qui voudrait s’en remettre à la seule disposition des auteurs de SF. Encore heureux, oserais-je prétendre, car la sottise doit reste un bien commun. Oui, la SF possède un fort rapport avec la stupidité, puisque comme toute littérature elle s’intéresse à l’humain et à ses interactions. Mais là, nous voici plongés dans la béatitude technologique : pas de merde, pas de sang, pas de cris, rien que la lumière froide du kriegspiel et des dossiers chiadés sur les guerres futures. Au mieux cette entreprise se révèle de la sottise, au pire elle tue. Et encore… combien de fois Murray Leinster, cité plus haut, a vu juste sur l’ensemble de ses écrits, et combien dans celles de ses confrères ? Reportée à la statistique, quelles sont les chances pour que cette team (je biche aussi le globish qui sent bon le pubard annexé au projet…) voit juste dans ces dossiers-là, disons entre le « nib » et le « que dalle » ? Cela n’empêche pas que collaborer à cela comporte un coût, celui de la conscience.
Reste l'aspect hilarant (bon, l'on rit un peu jaune) de l'histoire : les participant y croient et se prennent autant au sérieux qu'un camion de recrutement de la Légion étrangère un 14 juillet. Accessoirement, cette utilisation de la littérature rejoint assez les conceptions du monde de l'inculture qui voudrait prendre pour argent comptant l'imagination de l'auteur et qui se réserve parfois le droit de le punir au prétexte d'obscénité, par exemple, alors que la vraie obscénité reste de ne pas respecter la littérature.
La SF aboutit ici une sorte d’aporie qui lui donnerait toutes les capacités d’anticipation, mais sans les moyens que pourtant elle décrit de temps à autre, comme la psychohistoire, illusion dont même son auteur, Isaac Asimov, s’affranchit en rappelant la nature accidentelle ou aberrante du processus historique, parfois. Il semble assez piquant de constater que certains des acteurs du genre négligent ce paradigme et se mettent au service d’une prospective « institutionnelle », endossant alors les oripeaux de la futurologie avec, parfois, un sérieux papal assez réjouissant.
La palme de la franche rigolade se trouve dans la collaboration de certains auteurs à une « team » financée par le ministère des armées et dont la mission serait de... jargonner autour d’éventuels conflits auxquels nos pioupious pourraient faire face. On en revient alors à une conception bizarre qui voudrait authentifier un diagnostic par des personnes aussi concernées que votre serviteur, ou vous-même qui me lisez, autour de technologies futuristes et d’évolutions sociétales. On se consolera en se disant que l’expertise aboutirait à un certain nombre de questions embarrassantes si la Cour des comptes était tentée d’y plonger le nez. « Baste, dira-t-on, ils en profitent et ils n’ont peut-être pas tort, après tout ! » Mmmh… prenons un ministère quelconque et employons quelques personnes à pondre des rapports qui ne servent à rien... le genre de nouvelle qui réjouit un certain Canard ! Nos militaires innovent en la matière puisqu’ils n’utilisent pas d’énarques pour s’y adonner, ce qui dénote un souci louable d’économie. Pourquoi donc alors ne pas recourir à des experts en futurologie et autres domaine au service d’un but mortifère ? Eh bien, sans doute y a-t-on pensé et qu’ils travaillent de leur côté aussi, la bêtise militaire ne se situe pas exactement là, qui voudrait s’en remettre à la seule disposition des auteurs de SF. Encore heureux, oserais-je prétendre, car la sottise doit reste un bien commun. Oui, la SF possède un fort rapport avec la stupidité, puisque comme toute littérature elle s’intéresse à l’humain et à ses interactions. Mais là, nous voici plongés dans la béatitude technologique : pas de merde, pas de sang, pas de cris, rien que la lumière froide du kriegspiel et des dossiers chiadés sur les guerres futures. Au mieux cette entreprise se révèle de la sottise, au pire elle tue. Et encore… combien de fois Murray Leinster, cité plus haut, a vu juste sur l’ensemble de ses écrits, et combien dans celles de ses confrères ? Reportée à la statistique, quelles sont les chances pour que cette team (je biche aussi le globish qui sent bon le pubard annexé au projet…) voit juste dans ces dossiers-là, disons entre le « nib » et le « que dalle » ? Cela n’empêche pas que collaborer à cela comporte un coût, celui de la conscience.
Reste l'aspect hilarant (bon, l'on rit un peu jaune) de l'histoire : les participant y croient et se prennent autant au sérieux qu'un camion de recrutement de la Légion étrangère un 14 juillet. Accessoirement, cette utilisation de la littérature rejoint assez les conceptions du monde de l'inculture qui voudrait prendre pour argent comptant l'imagination de l'auteur et qui se réserve parfois le droit de le punir au prétexte d'obscénité, par exemple, alors que la vraie obscénité reste de ne pas respecter la littérature.
mercredi 13 mai 2015
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