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lundi 1 décembre 2025

Que je vous raconte mon grand-papa, afin d'illustrer mon propos et ce qui pourrait devenir l'amorce d'une chronique dans les temps à venir...

Le Tenancier n’est tenu de rien, puisqu’il est le tenancier de ce blogue et qu’après tout il peut radoter ce qu’il veut ici même. Qui viendrait le contrarier à ce sujet, je vous le demande, hein ? Donc il peut s’éloigner de ses thèmes de prédilection, pour une fois. Ainsi, il a entendu ce soir en préparant la soupe de poireaux-pommes-de-terres (avec un peu d’estragon et du céleri) une émission sur France cul sur l’utilité d’un service « volontaire » pour l’armée. On nous expliqua fort doctement que notre armée professionnelle projetée sur un théâtre d’opérations extérieur manquera pour veiller à l’ordre de la nation durant le conflit, d’où, donc, l’utilité de requérir de jeunes pioupious pour déjouer les manigances des saboteurs, voire des terroristes intérieurs. Nous pensions benoîtement que la gendarmerie y suppléerait, mais sans doute sont-ils surveillés de près, à gâcher autant de munitions aux bassines… Bien sûr nous résumons et ce fut exprimé avec l’allant et la grâce qui sied à une merde en bas de soie avec, tout de même, un sérieux manque de prospective. En effet, si je reprends la terminologie des fonctionnaires de la propagande, que fait-on de « l’attrition » des mecs qui sont sur le front ? Parce qu’ils sont là pour ça, non, défendre l’occident contre la barbarie avec leur poitrine généreuse ? Par quoi remplacer ceux qui reviendront — pour les plus veinards — dans des sacs à viande ? Vous ne voyez pas ? Alors, je vais vous causer de mon grand-papa. Ce fils de cultivateurs pauvres né à la Chapelle-Jeanson (Ille-&-Vilaine) vit l’aubaine d’une ascension sociale en s’engageant jeune dans l’armée. Il allait replier ses gaules lorsque le premier grand badaboum mondial survint. Étant donné son âge, il fut affecté à la Territoriale : surveillance de l’arrière ou des prisonniers, tenue des deuxièmes lignes, etc. Seulement, voilà, au bout de deux ans à voir voler les balles de loin, il les contempla de plus près les deux années restantes, puisqu’on manquait de chair fraîche devant. Joseph Hubert s’en est sorti, a même fait de la spéculation immobilière sur les ruines de demeures près du front une fois démobilisé (il avait dû prendre ses jalons), mais ceci est une autre histoire. Grand-papa était devenu facho du genre variante des Croix-de-feu, heureusement ma grand-mère avait divorcé. Peut-être était-il très con avant, à son engagement. On ne saurait le dire et même étendre ça à tous les glaiseux de l’Ille-&-Vilaine… mais là encore c’est une autre histoire. En revanche le nombre de types fauchés autour de lui impressionne (Le Tenancier, par vice, à regardé les états de service et ce qu’il advint dans quelques comptes-rendus sur le même front). On oublie un peu ça, quand on tente de nous vendre la vie en uniforme, que la possibilité d’y passer est inversement proportionnelle à la place dans la société, la hiérarchie sociale se retrouvant aisément dans la militaire — mais également que les garanties d’innocuité, vous pouvez vous les foutre quelque part, à partir du moment où vous avez signé (faut lire ce qui est en tout petit, mon gars…) Eh oui, si vous signez, vous pouvez mourir, à plus forte raison si vous n’êtes pas chanceux, c'est-à-dire à l’inverse de mon grand-papa. En revanche Joffre, Foch et Mangin, par exemple, ont canné dans leur plumard. On verra bien si le sieur Mandon, prêt au sacrifice des autres, suivra la glorieuse destinée de ses prédécesseurs ou bien que le sursaut patriotard le mènera sabre au clair en première ligne. On a même envie de lui dire « chiche »…

mardi 7 novembre 2023

Engagez-vous, rengagez-vous

Peut-être a-t-on mal compris mon propos selon lequel « la SF courait après son obsolescence » dans un billet précédent. Par là, je ne signifiais pas que c’était une littérature moribonde, mais que sa nature restait en grande part dépendante de l’évolution de nos sociétés et des technologies, même si, en définitive, cela consistait à parler de notre univers contemporain et non celui d’un futur hypothétique. Cela se révèle souvent du bricolage maison, de l’extrapolation sur clavier… Ainsi, beaucoup de romans anciens du genre dévoilent une curieuse inadéquation entre la vision de l’auteur à son époque et le monde actuel (mœurs, technologie, arts, etc.) Par exemple, un auteur des années 1940 ne peut concevoir la révolution informatique parce qu’il lui manque quelques chaînons (à une exception : Murray Leinster avec Un logic nommé Joe). Il ne peut être blâmé d’une transposition qui rencontre les limites de son imagination, que ce soit dans l’illusion prédictive ou même la description d’espèces radicalement étrangères, qui presque systématiquement se révèlent des patchworks de motifs existants.
La SF aboutit ici une sorte d’aporie qui lui donnerait toutes les capacités d’anticipation, mais sans les moyens que pourtant elle décrit de temps à autre, comme la psychohistoire, illusion dont même son auteur, Isaac Asimov, s’affranchit en rappelant la nature accidentelle ou aberrante du processus historique, parfois. Il semble assez piquant de constater que certains des acteurs du genre négligent ce paradigme et se mettent au service d’une prospective « institutionnelle », endossant alors les oripeaux de la futurologie avec, parfois, un sérieux papal assez réjouissant.
La palme de la franche rigolade se trouve dans la collaboration de certains auteurs à une « team » financée par le ministère des armées et dont la mission serait de... jargonner autour d’éventuels conflits auxquels nos pioupious pourraient faire face. On en revient alors à une conception bizarre qui voudrait authentifier un diagnostic par des personnes aussi concernées que votre serviteur, ou vous-même qui me lisez, autour de technologies futuristes et d’évolutions sociétales. On se consolera en se disant que l’expertise aboutirait à un certain nombre de questions embarrassantes si la Cour des comptes était tentée d’y plonger le nez. « Baste, dira-t-on, ils en profitent et ils n’ont peut-être pas tort, après tout ! » Mmmh… prenons un ministère quelconque et employons quelques personnes à pondre des rapports qui ne servent à rien... le genre de nouvelle qui réjouit un certain Canard ! Nos militaires innovent en la matière puisqu’ils n’utilisent pas d’énarques pour s’y adonner, ce qui dénote un souci louable d’économie. Pourquoi donc alors ne pas recourir à des experts en futurologie et autres domaine au service d’un but mortifère ? Eh bien, sans doute y a-t-on pensé et qu’ils travaillent de leur côté aussi, la bêtise militaire ne se situe pas exactement là, qui voudrait s’en remettre à la seule disposition des auteurs de SF. Encore heureux, oserais-je prétendre, car la sottise doit reste un bien commun. Oui, la SF possède un fort rapport avec la stupidité, puisque comme toute littérature elle s’intéresse à l’humain et à ses interactions. Mais là, nous voici plongés dans la béatitude technologique : pas de merde, pas de sang, pas de cris, rien que la lumière froide du kriegspiel et des dossiers chiadés sur les guerres futures. Au mieux cette entreprise se révèle de la sottise, au pire elle tue. Et encore… combien de fois Murray Leinster, cité plus haut, a vu juste sur l’ensemble de ses écrits, et combien dans celles de ses confrères ? Reportée à la statistique, quelles sont les chances pour que cette team (je biche aussi le globish qui sent bon le pubard annexé au projet…) voit juste dans ces dossiers-là, disons entre le « nib » et le « que dalle » ? Cela n’empêche pas que collaborer à cela comporte un coût, celui de la conscience.
Reste l'aspect hilarant (bon, l'on rit un peu jaune) de l'histoire : les participant y croient et se prennent autant au sérieux qu'un camion de recrutement de la Légion étrangère un 14 juillet. Accessoirement, cette utilisation de la littérature rejoint assez les conceptions du monde de l'inculture qui voudrait prendre pour argent comptant l'imagination de l'auteur et qui se réserve parfois le droit de le punir au prétexte d'obscénité, par exemple, alors que la vraie obscénité reste de ne pas respecter la littérature.