Affichage des articles dont le libellé est Fargue (Léon-Paul). Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Fargue (Léon-Paul). Afficher tous les articles

mardi 10 janvier 2017

Léon-Paul Fargue, Marcel Proust et la Bibliothèque nationale

Sur sa page Facebook, aux alentours du 5 janvier, la Bibliothèque nationale de France à publié les cartes de lecteurs de certains écrivains, philosophes ou personnalités qui la fréquentaient. On y trouve :
— Hannah Arendt
— Julien Cain
— André Breton
— Nathalie Sarraute (orthographié « Natalie » sur la carte)
— Michel Galabru
— Stefan Zweig
— Marguerite Yourcenar
— Aimé Césaire
— Gaston Bachelard
Comme le hasard fait bien les choses, votre Tenancier a fait l’emplette il y a peu, chez son nouveau bouquiniste, d’un petit recueil de Léon-Paul Fargue intitulé Merveilles de Paris, une série d’articles destinés à l’origine au magazine Voilà au milieu des années 30. Et voici que l’on tombe sur l’article consacré à la Bibliothèque nationale :
«    Il y a une quarantaine d’année, quand on avait l’honneur de se présenter à la Bibliothèque nationale, on faisait voir sa carte renouvelable, au fonctionnaire encastré dans la petite guérite de l’entrée. On traversait ensuite toute la salle d’un pas légèrement solennel, et l’on s ‘arrêtait devant le bureau central où l’on recevait, des mains d’un autre fonctionnaire, un numéro de place, blanc ou vert, selon le côté. On gardait généralement son côté, et l’on retrouvait immanquablement sa place »
Ainsi Fargue raconte qu’il se retrouvait à côté de Maurras, complètement sourd et avec lequel il correspondait par de petits papiers.
«     Un jour j’arrivais à la Bibliothèque avec Marcel Proust. Nous avions dîné ensemble, avenue du Bois, chez une dame qui confondait la Bibliothèque nationale et la Banque de France, une ravissante poupée d’ailleurs, et qui nous avait traités comme des Rois Mages. Le taxi, une magnifique Renault haute sur pattes et que Proust avait déniché, je ne sais où, nous déposa devant l’entrée principale. Je pensais que Proust allait descendre avec moi et feuilleter quelques curiosités en m’attendant.
 
— Non, merci, dit-il, je n’y mets jamais les pieds.
— Alors, venez fumer une cigarette, dis-je.
— Non, vraiment, je vous attendrai ici et je vous accompagnerai chez vous.
— Mais j’en ai peut-être pour deux heures d’horloge !
— Alors je viendrai vous chercher.
 
    On sait que Proust était la politesse, l’obligeance mêmes. Je le laissais partir à regret car il m’aurait été infiniment agréable de le voir examiner des bouquins ou s’emporter contre les catalogues. Mais il avait été reconnu : les vrais habitués du lieu ne pouvaient se tromper sur ses paupières tendres et sa moustache déjà célèbre dans un certain milieu. C’était bien l’auteur de Swann. Un homme s’approcha de moi, tout en cheveux et en rides, une sorte d’anachorète tout gluant de nicotine, et qui me prit par le bras :
— M. Proust préfère fouiller dans les cœurs. Ah ! comme il est pratique d’avoir du génie !
 
    Sans même me donner le temps de répondre, le vieillard s’éloigna et disparut dans la cour principale. Je m’acheminai à mon tour pour parcourir ce jour-là l’Art de dîner en ville, de Ch. Colnet du Ravel. Je ne sais pourquoi je n’ai jamais oublié ce détail. À la sortie, je vis le taxi de Proust qui m’attendait dans un coin du square Louvois. »
On trouve le texte intégral dans le recueil Merveilles de Paris, chez Fata Morgana (2008)

vendredi 20 novembre 2015

Faits divers

Le 28 octobre 1928, un étrange illustré apparaissait dans les kiosques : en couverture, la photo d’une foule entourant un car cellulaire ; légende : « Chicago, capitale du crime. » En page 2, un éditorial de Me Maurice Garçon : « de tous temps, le récit des affaires criminelles a passionné l’opinion… » Plus loin un referendum-concours : « Voici 10 dossiers de forçats. lequel gracieriez-vous si vous étiez chef de l’État ? »

Détective, premier magazine de faits divers, venait de voir le jour. Fondé par une équipe de jeunes risque-tout sans pécune : les frères Kessel, Jef et Georges ; Louis Roubaud, Marius Larique, Paul Bringuier, Henri Danjou, aujourd’hui disparu ; et Marcel Montarron.
Au troisième numéro, assis tristement sur une montagne d’invendus, ils s’apprêtaient à mettre la clef sous la porte. Un gros hommes barbu et grasseyant sauva l’entreprise : Léon-Paul Fargue leur apportait un merveilleux reportage poétique intitulé Paris la nuit. Mac orlan, Carco, Morand prirent le relais… Et les lecteurs d’accourir, rassurés par ces cautions littéraires.
Montarron a raconté l’aventure de Détective1 :
« Nous étions les chiffonniers du fait divers et nous eûmes bientôt rassemblé dans un tiroir tant de documents impubliables (femmes coupées en morceaux et suppliciés en tous genres) que nous n’osions plus sans frémir nous plonger dans ce musée macabre, dans cet enfer de cauchemar.
«  Un seul de nos amis y trouvait ses délices, c’était le cher Michel Simon qui, ponctuellement, venait se repaître de cette collection d’horreurs et qui même, avec cette politesse exquise qui a toujours fait le charme de ce grand comédien, nous demandait d’emporter chez lui quelques unes de ces images d’épouvante pour enrichir ses archives personnelles. » […]

1. Tout ce joli monde, Table Ronde, 1965
 
Jean-Paul Lacroix : La Presses indiscrète — Julliard (1967)