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samedi 2 mai 2020

Lecture du Tenancier

Rien de récent (ou si peu), et comme ça lui chante.



Quand Arthur Rimbaud entre à l’Académie française, le 16 janvier 1930, personne ne semble se souvenir de « l’homme aux semelles de vent », du chérubin diabolique des « Réparties de Nina » et des « Assis », ou du « voyou » voyant qui avait défrayé la chronique du petit milieu poétique français vers 1872. Curieusement, Valéry, qui prononce l’éloge du nouvel académicien et qu’on a connu plus méticuleux (lorsqu’il préface La Fontaine ou Mallarmé), expédie lui aussi ces premières œuvres en trois phrases :

Je n’oublie pas, Monsieur, que vous n’avez pas commencé d’être des nôtres avec ce gros livre [Les Nuits d’Afrique] : de minuscules plaquettes l’avaient précédé, qui devraient bien, un jour, être rééditées. Vous vous y montriez, en vers et en prose, l’un de nos premiers symbolistes, un peu moins connu, mais un peu plus précoce, un peu plus tourmenté, un peu plus visionnaire que les autres. Ainsi, avant de vivre vos mille et une nuits d’Afrique, vous vous étiez payé le luxe d’une brève « nuit de l’enfer » et celui qui devait emprunter tant de voiliers et de cargos dans monde s’y rêvait joliment « bateau ivre »…
[…]

Cette première page du livre de Dominique Noguez pose d’emblée l’enjeu du livre. Rimbaud ne meurt pas dans les circonstances que l’on connaît mais se survit à lui-même, rédige un roman remarquable, Les Nuits d’Afrique, lui valant l’amitié de Breton. Celui-ci l’excommunie — bien entendu — quelques temps plus tard, lorsque Rimbaud prend la défense de Claudel dont il épouse la sœur… Alors, Rimbaud deviendrait-il l’impensable, un poète chrétien, sanctifié par l’Académie ? Le jeu de Noguez est plus subtil et dépasse le cadre habituel de l’uchronie, qui emprunte habituellement des voies plus ludiques. Ici il nous mène à un essai littéraire démontant le mécanisme de l’évolution du « Grantécivain » (autre titre de Noguez). Curieusement (ou pas, selon votre chapelle), le cheminement de Noguez reprend quelques jalons posés par Enid Starkie, fort empreint de l’idée d’un Rimbaud chrétien. Pourquoi pas, si l’on considère l’évolution de nombre d’écrivains de sa génération ou de celles d’après dans des voies parfois plus tortueuses. Une véritable curiosité littéraire, en tout cas, sur des traverses inaccoutumées.