[…] Si
François Coppée, qui était de petite santé, n’avait
pas un gros appétit, Catulle Mendès affirmait qu’on doit manger pour
vivre, et
qu’on doit vivre pour bien manger. Quand il m’arrive de songer à lui, c’est presque toujours à table que je le revois. Avec ses cheveux d’ancien blond envolés sur le col de son veston en boucles légères, sa cravate blanche négligemment nouée qui mettait sous sa barbe un flottement de papillon, avec sa belle tête lourde de vieux poète ou de vieux calife, toujours un rien débraillé comme les bohèmes qui préféraient les brasseries aux salons, magnifique à voir, il était de ces hommes qui président naturellement la table où ils sont assis. Il pouvait dire comme le seigneur Don Quichotte aux rustres : « Manants, le haut bous est celui où je suis toujours placé ! » Il était non seulement un convive plein d’autorité et de goût, mais il savait lui-même, aussi bien que le plus expert des cuisiniers, confectionner une carpe au bleu, des suprêmes de bécasses, un lièvre à la royale, et quel prodigieux connaisseur de vins ! Catulle Mendès avait l’invitation facile et l’on ne peut dire de lui que ce qu’on disait de Sainte-Beuve et d’Alfred de Vigny, à savoir que personne n’avait jamais vu la couleur de leur potage. J’ai vu autour de sa table, jeune poète ébloui, Sarah Bernhardt, et Antoine Mounet-Sully et Dujardin-Beaumetz, Georges Courteline et Léon Dierx et tant d’autres écrivains, auteurs dramatiques et artistes. Un jour, on servit des truffes sous la serviette. Il n’y en avait pas une pour chacun, parce qu’on les avait offertes à Mendès et que nous étions trop de convives. Il fut sublime. « Mas amis, dit-il, nous sommes neuf, il y a cinq truffes… Excusez-moi… On ne peut pas les partager, cela ne rimerait à rien, et puis… puis… je souffrirais trop de vous les voir manger !... » Sarah Bernhardt cria de sa belle voix qui, à cette époque, ne sonnait plus d’or pur, que c’était ignoble, et Catulle Mendès en mangeant seul l’assiette de truffes, lui dit : « Sarah, vous savez quelle admiration j’ai pour vous, mais vous n’entendez rien à la cuisine. Vous êtes capable de vous régaler avec des haricots verts de conserve, autour d’un bifsteack cuit sur un réchaud à pétrole !... » Je n’ai jamais oublié cela. |
Léo Larguier : Les écrivains à table (III) in : Grandgousier, revue de gastronomie médicale (nov.-déc. 1949) — (Le titre est du Tenancier). |
SERVIETTE
(À la).
— On désigne sous ce nom un genre de dressage de certains articles et,
notamment, celui des truffes. Ces truffes, bien que dites « à la
serviette »,
ne sont nullement cuites dans une serviette, mais simplement dressées
dans une
serviette, pliée en forme de poche. Ces truffes sont cuites dans du
Madère ou
dans tout autre vin de liqueur, dressées dans une timbale ou dans une
casserole
en argent et placées dans une serviette, pliée comme il est dit
ci-dessus.
On dresse aussi « en serviette » les truffes cuites sous la cendre, selon la mode ancienne. […]
Prosper Montagné : Larousse gastronomique (1938)
On dresse aussi « en serviette » les truffes cuites sous la cendre, selon la mode ancienne. […]
Prosper Montagné : Larousse gastronomique (1938)