Rue Vieille-du-Temple, l’Imprimerie nationale continue
d’occuper, d’encrasser, le noble hôtel de Rohan. Les chevaux du Soleil,
sculptés à la façade, s’ébrouent dans une décor de ballots, de vieux papiers,
dans une atmosphère d’encre et de poussière. En 1925 seulement, elle émigrera
rue de la Convention.
Elle imprime de tout, en dehors des paperasses officielles.
Et, de ces locaux sordides, naissent de merveilleuses harmonies en noir et
blanc, des modèles de clarté et d’équilibre. Le même soin est apporté à une
affiche de ministère qu’à une impression de luxe. Cette année, précisément,
pour d’éclectiques bibliophiles, L’imprimerie nationale a tiré l’Imitation de Jésus-Christ en même temps
que deux ouvrages dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’ont aucun
caractère mystique : Le Jardin des
Supplices, de Mirbeau, et Parallèlement,
de Verlaine. Trio assez singulier pour que s’en émeuve l’administration. Pudiquement,
le ministère de la Justice, dont dépend l’Imprimerie, refusa son visa. Du coup,
Arthur Christian, le directeur, sentit, bien que vieux routier de la politique, le sol
céder sous ses pieds. Tout, d’ailleurs, finit par s’arranger. Les trois volumes
parurent, sans la signature de l’Imprimerie nationale. Mais pourra-t-on
empêcher que la marque en soit perceptible aux connaisseurs, ce mince trait, à
peine visible, accolant la hampe des l
minuscules, et qui est l’indicatif de la maison. |