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L'Etna, c'est moi » (Empédocle) |
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jeudi 19 septembre 2024
mercredi 3 juillet 2024
Note de service
Votre Tenancier, loin d'être frappé de stupeur par la situation présente, a choisi de ne pas trop se mêler des conneries électoralistes, sachant depuis environ l'âge de 16 ans que le véritable combat antifasciste ne consiste pas à faire sa petite cochonceté dans l'urne de temps en temps. Alors, en attendant de savoir quoi faire avec les bonnes personnes — qu'on se rassure, le Tenancier abhorre la violence — il bricole des trucs dans son coin, comme refaire son site d'auteur de fond en comble.
Cliquez donc sur l'image...
Pour le reste, on recausera de la longueur de la laisse, peut-être ici, peut-être ailleurs, mais un peu plus tard...
samedi 29 juin 2024
Du bon usage des citations
Parce que « Un
peuple qui oublie son
passé se condamne à le revivre »*, j’ai gardé en mémoire
qu’à
chaque fois que la gauche avait affaire au mouvement libertaire, en
Russie, en
Ukraine, en Espagne, à Cuba ou ailleurs, leur flicaille ou leurs
militaires s’arrangeaient
pour les éliminer, histoire de donner un coup de main aux fascistes qui
n’en
demandaient peut-être pas tant. Avec de tels « amis » ont est
assuré
de ne jamais se tromper.
Vous pouvez toujours vous brosser pour que je vous donne un coup de main.
Démerdez-vous.
* Churchill
Vous pouvez toujours vous brosser pour que je vous donne un coup de main.
Démerdez-vous.
* Churchill
mercredi 12 juin 2024
Tout compte fait...
Je déteste
Céline et je n'ai pas ses
livres dans ma bibliothèque. Je possède des livres d'autres auteurs qui
se sont
révélés antisémites ou racistes et je me sens assez adulte et au
courant pour
savoir que je ne serai pas influencé par les conneries qu'ils
professent. Ce
n'est pas parce que je suis confronté à une chose, que je lis un livre,
que je
passe sous une statue, que je regarde un film, que je vais
automatiquement
adhérer à ses idées. Je décide tantôt de m'y confronter, tantôt de m'en
foutre
ou de ne pas les accueillir chez moi. Je ne suis pas un enfant et j'ai
cessé
d'être influençable (si tant est que lire un livre puisse effectuer ce
miracle
sur mon pauvre intellect) par ce qu'on me met sous les yeux. Tintin
m'emmerde
puissance 10 et je le trouve raciste. Ce n'est pas pour autant que je
vais
demander son interdiction, je me contente de ne pas abonder et
d'afficher mon
indifférence et de signaler que « cela m'emmerde et que je trouve
ça
raciste ». Généralement je passe au large parce que les
tintinophiles
m'ennuient tout autant. Il ne me viendrait pas à l'idée de le brûler en
place
publique. J'ai regardé Naissance d'une Nation et Autant en emporte le
vent, je
ne me suis pas coiffé d'une cagoule, je n'incendie pas des croix parce
que je
suis tombé un jour sur ces productions. Je ne les reverrai pas, parce
que le
propos est en dehors de mon éthique personnelle. Je ne fais pas de
réclame pour
des choses qui sont en opposition avec ce que je suis, même si je m'y
confronte
à l'occasion. Croire qu'une œuvre de l'esprit, une quelconque
représentation
risque d'influencer les individus, c'est adopter un point de vue
infantilisant,
c'est décider au nom des autres ce qu'ils doivent regarder parce que
nous
serions incapables d'une conduite ou d'une réflexion morale face à une
production en contravention avec nous-mêmes. Qui sont-ils pour décider
cela ?
Qui peut décider à ma place ce que je peux voir ou lire ? Qui peut se
réclamer
d'une telle hauteur, au point de régenter mon rapport avec le monde,
parfois
dans ce qu'il a de pire ? Je ne vois qu'une possibilité valide :
nous-mêmes,
pour nous-mêmes. Et personne d'autre...
Ce texte, écrit ailleurs il y a quatre ans, semble bien naïf, soudainement, car il présumait de l’intelligence de nos contemporains. À l’heure de la sottise en voie de généralisation, le Tenancier se demande s’il réécrirait cela à l’identique.
Ce texte, écrit ailleurs il y a quatre ans, semble bien naïf, soudainement, car il présumait de l’intelligence de nos contemporains. À l’heure de la sottise en voie de généralisation, le Tenancier se demande s’il réécrirait cela à l’identique.
lundi 6 mai 2024
Où le Tenancier ne s'assigne pas à résidence
Votre Tenancier rédige
des histoires et se prend pour un écrivain. Cela devient normal au bout
d’une centaine de nouvelles publiées et encore quelques une en magasin.
Le sentiment passe après quelques heures, rassurez-vous. Parfois, votre
Tenancier chéri se dit qu’il expérimenterait bien ce que l’on prête aux
écrivains, comme les séances de signature, événement encombrant, parce
que l’on ne sait trop qu’écrire au-dessus du paraphe. Il s’y est adonné
toutefois et en sort avec des sentiments mitigés. Il préférerait boire
un verre et converser plutôt que de rédiger une formule sur une page
titre ou de garde, c’est selon. Il s’exécute de bonne grâce, malgré
tout, lorsque l’occasion se présente. Il lui prend aussi la tentation
de solliciter une résidence d’écriture et renâcle au dernier moment. Si
la perspective de s’exporter dans l’ex-domicile d’une célébrité
(Yourcenar, Gracq, etc.) pour travailler peut ravir, l’acte comporte
quelques contreparties. Outre le fait d’exhiber une bibliographie en
bonne et due forme pour être avalisé, l’impétrant se voit obliger de
consacrer un tiers de son temps en résidence — la règle se généralise —
à causer sur des sujets imposés, ou choisis, mais qui correspondent aux
mêmes critères qui ont déterminé la sélection de l’auteur, la
géographie, le style, le genre, le lieu de résidence et peut-être un
jour le panégyrique d’un président de région ou autre grosse légume, au
train où vont les choses.
Votre Tenancier se montre volontiers logorrhéique à ses moments et il se débrouille parfois assez bien à l’oral. Pour autant, partant pour s’isoler dans un labeur de création, selon un naïf espoir, doit-il se forcer à prodiguer une « conférence » en médiathèque, dans une école ou ailleurs sur son travail d’écriture ou autre sujet pour lequel votre serviteur ne se déplacerait pas ? Votre Tenancier a écrit une cinquantaine de nouvelles et un roman autour du Fleuve. Croit-on que l’auteur se trouve à même de gloser sur ce qu’il a pondu ?
Comment peut-on penser que le travail d’écriture rend disert sur divers sujets ? Et même, ces sujets, s’il y tient, ne désire-t-il pas les garder au secret avant une restitution au bout de son clavier ? Quel foutu masochiste irait donc se gaufrer un tel pensum, à écouter ou à déclamer en public, dites-moi ? Et qui les animerait, alors ? Le soupçon se confirme, ce donnant-donnant (« En échange je te fournis la baraque et un pécule de smicard »), est destiné au corps professoral se piquant de littérature, en congé sabbatique, et qui arrondit les fins de mois en émargeant aux directions culturelles régionales. Enfin, pourquoi un écrivain serait-il approprié pour mener une causerie et pourquoi, tout à coup, serait-il astreint à des actes qui ne concordent pas forcément à ses mœurs : contraintes horaires, socialisation, etc. ? Certes, il existe une catégorie que ces servitudes picrocholines ne dérangent pas étant donné que cela constitue un prolongement de la pratique professionnelle : faire des cours. Le soussigné a terminé sa scolarité en 3e aménagée, s’est emmerdé jusque là sur les bancs de l’école, et en conséquence réprouve la perspective de se plier à ces services que l’on a l’air de trouver normaux par ailleurs. En effet, il semble bien que le travail de l’écrivain se révèle suspect. La nécessité de sa rentabilité passe donc également par des manifestations en marge qui acquièrent valeur de preuve d’une activité artistique : avoir l’air intéressant, même si l’objet de la preuve ne comporte que de lointains rapports avec les obsessions de l’auteur. Pourquoi donc s’étonner du procédé ? L’on gage que ces libéralités financières accordées aux écrivains en échange d’un « service public » sont agréées par du personnel politique qui, par ailleurs, s’y connaît en gage de compétences, n’est-ce pas ? Cela peu avoir été créé à l’instigation de fonctionnaires culturels revenus d’une certaine vision édénique de la littérature… Au fond, le Tenancier se moque assez de ces raisons, il sait que le régime libéral dans lequel il vit et qui régit ce genre d’institution se refuse à « payer des gens à ne rien foutre » — enfin, une certaine catégorie de gens — et que ceux-là doivent démontrer un bon vouloir (pour l’artiste), ou de l’obéissance (pour ces « salauds de chômeurs »). Le Tenancier sait tout cela. Il a néanmoins été tenté de solliciter une résidence, et puis la paresse, et puis se retrouver loin de la femme qu’il aime, et puis… Alors, il a songé à trouver un moyen chic d’exposer son renoncement en jouant au rebelle.
Quelle fatigue !
En fin de compte, la flemme à l’idée de « faire mine » l’a emporté et il vous en fait part. Il continuera de bosser dans son bureau.
Votre Tenancier se montre volontiers logorrhéique à ses moments et il se débrouille parfois assez bien à l’oral. Pour autant, partant pour s’isoler dans un labeur de création, selon un naïf espoir, doit-il se forcer à prodiguer une « conférence » en médiathèque, dans une école ou ailleurs sur son travail d’écriture ou autre sujet pour lequel votre serviteur ne se déplacerait pas ? Votre Tenancier a écrit une cinquantaine de nouvelles et un roman autour du Fleuve. Croit-on que l’auteur se trouve à même de gloser sur ce qu’il a pondu ?
Comment peut-on penser que le travail d’écriture rend disert sur divers sujets ? Et même, ces sujets, s’il y tient, ne désire-t-il pas les garder au secret avant une restitution au bout de son clavier ? Quel foutu masochiste irait donc se gaufrer un tel pensum, à écouter ou à déclamer en public, dites-moi ? Et qui les animerait, alors ? Le soupçon se confirme, ce donnant-donnant (« En échange je te fournis la baraque et un pécule de smicard »), est destiné au corps professoral se piquant de littérature, en congé sabbatique, et qui arrondit les fins de mois en émargeant aux directions culturelles régionales. Enfin, pourquoi un écrivain serait-il approprié pour mener une causerie et pourquoi, tout à coup, serait-il astreint à des actes qui ne concordent pas forcément à ses mœurs : contraintes horaires, socialisation, etc. ? Certes, il existe une catégorie que ces servitudes picrocholines ne dérangent pas étant donné que cela constitue un prolongement de la pratique professionnelle : faire des cours. Le soussigné a terminé sa scolarité en 3e aménagée, s’est emmerdé jusque là sur les bancs de l’école, et en conséquence réprouve la perspective de se plier à ces services que l’on a l’air de trouver normaux par ailleurs. En effet, il semble bien que le travail de l’écrivain se révèle suspect. La nécessité de sa rentabilité passe donc également par des manifestations en marge qui acquièrent valeur de preuve d’une activité artistique : avoir l’air intéressant, même si l’objet de la preuve ne comporte que de lointains rapports avec les obsessions de l’auteur. Pourquoi donc s’étonner du procédé ? L’on gage que ces libéralités financières accordées aux écrivains en échange d’un « service public » sont agréées par du personnel politique qui, par ailleurs, s’y connaît en gage de compétences, n’est-ce pas ? Cela peu avoir été créé à l’instigation de fonctionnaires culturels revenus d’une certaine vision édénique de la littérature… Au fond, le Tenancier se moque assez de ces raisons, il sait que le régime libéral dans lequel il vit et qui régit ce genre d’institution se refuse à « payer des gens à ne rien foutre » — enfin, une certaine catégorie de gens — et que ceux-là doivent démontrer un bon vouloir (pour l’artiste), ou de l’obéissance (pour ces « salauds de chômeurs »). Le Tenancier sait tout cela. Il a néanmoins été tenté de solliciter une résidence, et puis la paresse, et puis se retrouver loin de la femme qu’il aime, et puis… Alors, il a songé à trouver un moyen chic d’exposer son renoncement en jouant au rebelle.
Quelle fatigue !
En fin de compte, la flemme à l’idée de « faire mine » l’a emporté et il vous en fait part. Il continuera de bosser dans son bureau.
lundi 4 mars 2024
Ça aide
Certains lecteurs de passage sur ce
blogue l’ignorent
peut-être, mais je suis écrivain pour happy
few : trop « fantastique » pour la lithérature, trop littéraire
pour « l’imaginaire » et pas assez copain
avec quiconque. Seuls quelques éditeurs m’apprécient assez pour me
publier, on
ne sait par quel motif nébuleux, sûrement en rapport avec une
disposition
masochiste étant donné les résultats des ventes. Remarquons au passage
que ceux
qui me publient ne semblent pas mieux placés que moi au niveau des
finances…
Nous sommes quelques-uns dans cette position étrange qui nous fait
figurer dans
des ouvrages très honorables, mais qui ne se vendent pas, sans doute
parce que
les couvertures ne sont pas gaufrées comme des boîtes de bonbons
produites en
série. Que l’on ne perçoive pas ceci comme une marque d’acrimonie
quelconque. Cela
fait un bail que j’ai pris conscience que je ferais partie de toute
façon d’une
certaine marge. L’intérêt demeure de pouvoir continuer à écrire, de
persister à
y prendre du plaisir, et de lire parfois un ou deux encouragements.
Cinq livres
ont été édités sous mon nom, c’est déjà plus que ce que j’aurais pu
espérer en
commençant à écrire sérieusement. J’ai rédigé plus de cent cinquante
nouvelles
dont la moitié a été également publiée en revues ou en plaquettes. Vous
ne me
verrez pas dans les festivals dits de « l’imaginaire », parce que je me
figure
mal figurer dans une manifestation où les mauvais bouquins sont aussi
bien
accueillis que les bons au prétexte qu’ils font partie de la même
famille (Au plus dans des manifestations locales, pour serrer la main à
des potes) . D’ailleurs,
je ne crois pas me situer vraiment dans cette sphère, même si j’ai
participé
abondamment et activement au mouvement de la SF il y a une trentaine
d’années,
par exemple. Je suis un très mauvais « signeur » : les envois
autographes signés m’embarrassent. Et puis, qui lit donc du Letort, à
part mes
éditeurs et quelques amis (et encore, ils n’ont pas tout lu) ? Non,
tout va bien, à
partir du moment que l’on décide de travailler pour un autre motif que
la
gloriole, c’est-à-dire avec l’ambition de faire bien les choses, même
si c’est
une existence assez solitaire. Alors, cela acquiert du sens. On se
prend à
percevoir des signes de confrères — de véritables confrères, ceux
qui
partagent également cette solitude. Tous n’écrivent pas, mais ils tentent de
bien faire les
choses, comme moi. Cela aide. N’est-ce pas, chers lecteurs de ce blogue ?
mardi 20 février 2024
Un refus
L’autre jour, on a proposé à votre
serviteur de participer à
un mini-festival — l’équivalent d’une fête de quartier ou en tout
cas dans
une sorte d’entre-soi — où l’on me conviait à travailler en public
sur un
mot choisi dans une sélection de trois, production qui serait lue
ensuite
devant tout le monde. L’invitation aurait pu me flatter si j’avais
appartenu à
ce genre de personne qui aime s’exhiber, me comparant à un Simenon dans
sa cage
en verre, par exemple. Cependant, un surcroît de prudence — entre
autres —
m’a poussé à refuser cette proposition, trop conscient que ma
production ne
concerne pas ce genre d’exercice spectaculaire. Non que je me prenne
pour un « Grandécrivain », mais que l’on pense de
moi que je sois un débiteur de texte à la demande et que je ferais fi
également
de la sorte d’intimité régissant toutes mes rédactions lorsque je me
retrouve à
ma table de travail, m’a quelque peu défrisé, si c’était encore
possible de
côté-là. Cette requête ne me paraît pas inconvenante, mais pose la
question de
ce que l’on entend par le labeur d’écriture, la confinant à une sorte
d’exercice
technique où ne rentrerait en jeu qu’une certaine aisance à manipuler
des
concepts, compétence qui se recrute d’ailleurs chez les premiers de la
classe.
Je ne fais pas partie de cet univers.
Je m’imagine à me débattre deux heures durant, puisqu’il semble qu’on m’allouait ce temps, avec un de ces mots, devant tout le monde. La lutte avec l’ange tomberait alors dans la catégorie poids mouche… ou à une piteuse débâcle. Cette proposition n’est pas exceptionnelle. J’ai déjà assisté à ce genre d’exercice, sous une forme ou une autre, où les auteurs sollicités s’en sortaient haut la main et où ils en tiraient même un surcroît de prestige auprès d’un public. Pour ma part, je m’attends toujours à ce que l’on fasse passer le chapeau pour remercier l’artiste. En tout cas, que l’on ne compte pas sur moi pour me prêter à ce genre d’attraction. Je ne me prends pas non plus pour un « créateur solitaire » ; je sais à quel point je demeure redevable à beaucoup de personnes, mais je refuse de devenir une bête à exhibitions. Cela ne signifie pas pour autant que je répugne à rencontrer des lecteurs et à converser, autant que possible. Du moins y a-t-on le choix du sujet sans l’injonction de la contrainte et de l’efficacité.
J’ai donc refusé.
Je m’imagine à me débattre deux heures durant, puisqu’il semble qu’on m’allouait ce temps, avec un de ces mots, devant tout le monde. La lutte avec l’ange tomberait alors dans la catégorie poids mouche… ou à une piteuse débâcle. Cette proposition n’est pas exceptionnelle. J’ai déjà assisté à ce genre d’exercice, sous une forme ou une autre, où les auteurs sollicités s’en sortaient haut la main et où ils en tiraient même un surcroît de prestige auprès d’un public. Pour ma part, je m’attends toujours à ce que l’on fasse passer le chapeau pour remercier l’artiste. En tout cas, que l’on ne compte pas sur moi pour me prêter à ce genre d’attraction. Je ne me prends pas non plus pour un « créateur solitaire » ; je sais à quel point je demeure redevable à beaucoup de personnes, mais je refuse de devenir une bête à exhibitions. Cela ne signifie pas pour autant que je répugne à rencontrer des lecteurs et à converser, autant que possible. Du moins y a-t-on le choix du sujet sans l’injonction de la contrainte et de l’efficacité.
J’ai donc refusé.
mardi 23 janvier 2024
Une époque extraordinaire
Il est entendu de ce côté-ci du
clavier que je m’interdis de
délivrer des anathèmes envers les littérateurs réactionnaires ou mêmes
fascistes
qui occupent de plus en plus le devant de la scène. Il est vrai par
ailleurs
que l’exposition d’un Céline, par exemple, attire moins de mouches à
merde et
qu’il devient nécessaire de moderniser la saloperie avec des auteurs
bien
élevés et si possible adoubés par des médias prompts à la gamelle. Les
temps se
révèlent extraordinaires, sans doute parce que je n’ai pas assez vécu,
à
contempler les petites lâchetés, les intérêts bien compris et les
compromissions également en cours dans la « République » des lettres et
de la
poésie, comme il s’en produisit il n’y a pas si longtemps. Certains ont
choisi
l’indifférence, la réclament même, se retournant contre ceux qui
réagissent,
maladroitement, certes, à l’envahissement d’une pensée réactionnaire à
tous les
étages de la vie culturelle. On a lu également quelques contre-feux
éloquents,
accusant les signataires d’une tribune contre un des charlatans des
lettres, de
« wokisme », « d’écrivaillons » quand on n’avait pas
recours à des insultes franches. À cela, l’on ne s’étonnerait pas de la
provenance (Le Figaro à joué son rôle où on l’attendait) si cela ne
venait pas
de gens qui bâtissent une réputation d’intransigeance… lorsque cela ne
leur
coûte pas un rond — à moins que cela les compromette — ou
bien parce
qu’ils redoutent de s’être trompés, d’avoir pris un léopard pour une
panthère
et d’avoir méconnu Les navigations d’Ulysse
de Victor Bérard, bref d’avoir cru à la copie plutôt qu’à l’original. À
moins
que ceux-là rêvent de participer à la « gamelle » qui paraît bien
fournie,
et achalandée par les faucons et les Oui-oui. On observe cela de loin,
sans
étonnement. On s’en doutait, puisque déjà certains rayons de librairies
semblent des compilations de propos de bistrots ou de mises à jour des
conneries de la Nouvelle-Droite, quand il ne s’agit pas de
« recyclage » pur et simple d’idées
rances et de textes « bancables ». On a vu tout cela et l’on
s’en passe. Mais après tout, la culture envisagée comme une
« industrie » démontre son aptitude
au recyclage et par destination ne peut se mêler des opinions, excepté
lorsque
le vent tourne et qu’il s’agit des dernières soldes avant liquidation
du prêt-à-penser
précédent. Oui, les temps sont extraordinaires, mais loin d’être
merveilleux…
dimanche 19 novembre 2023
Salauds d'athées...
Une petite chose m’amuse beaucoup
lorsque l’on croise une critique
du fanatisme religieux : l’on trouve presque systématiquement un
contradicteur vous signifiant que ce n’est pas mieux du côté des
athées, et de
citer comme exemple Pol Pot et Staline. On a été voir du côté de leur
bio sur
ouikipédia :
En 1934, Saloth Sâr [véritable nom de Pol Pot] est envoyé par son père à Phnom Penhnote pour parfaire son éducation (le village ne possédant ni école ni wat), comme son grand frère Chhay avant lui. Il intègre le Wat Botum Vaddei, un monastère-école à proximité du palais royal et tenu par le Dhammayuttika Nikaya, proche du pouvoir. Véritable village, ce wat accueille chaque année une centaine de novices, âgés de 7 à 12 ans. L'éducation religieuse qui y est apportée est rigoureuse, l'organisation de la vie des apprentis et des moines stricte et l'individualité prohibée. Saloth Sâr y passe un an et semble avoir apprécié cette période. |
Après
avoir brillamment réussi ses examens, Iossif
Djougachvili [alias Staline] entre en 1894 au séminaire de Tiflis et y
reste
jusqu'à l'âge de 20 ans. Il y suit un enseignement secondaire général
avec une
forte connotation religieuse. Surnommée le « Sac de pierre », l'école a
sinistre réputation. ... En décembre 1941, alors que les Allemands approchaient de Moscou, Staline aurait ordonné que l'icône [Notre-Dame de Vladimir] fût placée dans un avion qui fît le tour de la capitale assiégée. L'armée allemande commença à se retirer quelques jours après. |
La formation des élites, y’a rien de tel…
mardi 7 novembre 2023
Engagez-vous, rengagez-vous
Peut-être a-t-on mal compris mon
propos selon lequel « la
SF courait après son obsolescence » dans un billet précédent. Par
là, je
ne signifiais pas que c’était une littérature moribonde, mais que sa
nature
restait en grande part dépendante de l’évolution de nos sociétés et des
technologies, même si, en définitive, cela consistait à parler de notre
univers
contemporain et non celui d’un futur hypothétique. Cela se révèle
souvent du
bricolage maison, de l’extrapolation sur clavier… Ainsi, beaucoup de
romans
anciens du genre dévoilent une curieuse inadéquation entre la vision de
l’auteur
à son époque et le monde actuel (mœurs, technologie, arts, etc.) Par
exemple,
un auteur des années 1940 ne peut concevoir la révolution
informatique
parce qu’il lui manque quelques chaînons (à une exception : Murray
Leinster avec Un logic nommé Joe). Il
ne peut être blâmé d’une transposition qui rencontre les limites de son
imagination, que ce soit dans l’illusion prédictive ou même la
description d’espèces
radicalement étrangères, qui presque systématiquement se révèlent des
patchworks de motifs existants.
La SF aboutit ici une sorte d’aporie qui lui donnerait toutes les capacités d’anticipation, mais sans les moyens que pourtant elle décrit de temps à autre, comme la psychohistoire, illusion dont même son auteur, Isaac Asimov, s’affranchit en rappelant la nature accidentelle ou aberrante du processus historique, parfois. Il semble assez piquant de constater que certains des acteurs du genre négligent ce paradigme et se mettent au service d’une prospective « institutionnelle », endossant alors les oripeaux de la futurologie avec, parfois, un sérieux papal assez réjouissant.
La palme de la franche rigolade se trouve dans la collaboration de certains auteurs à une « team » financée par le ministère des armées et dont la mission serait de... jargonner autour d’éventuels conflits auxquels nos pioupious pourraient faire face. On en revient alors à une conception bizarre qui voudrait authentifier un diagnostic par des personnes aussi concernées que votre serviteur, ou vous-même qui me lisez, autour de technologies futuristes et d’évolutions sociétales. On se consolera en se disant que l’expertise aboutirait à un certain nombre de questions embarrassantes si la Cour des comptes était tentée d’y plonger le nez. « Baste, dira-t-on, ils en profitent et ils n’ont peut-être pas tort, après tout ! » Mmmh… prenons un ministère quelconque et employons quelques personnes à pondre des rapports qui ne servent à rien... le genre de nouvelle qui réjouit un certain Canard ! Nos militaires innovent en la matière puisqu’ils n’utilisent pas d’énarques pour s’y adonner, ce qui dénote un souci louable d’économie. Pourquoi donc alors ne pas recourir à des experts en futurologie et autres domaine au service d’un but mortifère ? Eh bien, sans doute y a-t-on pensé et qu’ils travaillent de leur côté aussi, la bêtise militaire ne se situe pas exactement là, qui voudrait s’en remettre à la seule disposition des auteurs de SF. Encore heureux, oserais-je prétendre, car la sottise doit reste un bien commun. Oui, la SF possède un fort rapport avec la stupidité, puisque comme toute littérature elle s’intéresse à l’humain et à ses interactions. Mais là, nous voici plongés dans la béatitude technologique : pas de merde, pas de sang, pas de cris, rien que la lumière froide du kriegspiel et des dossiers chiadés sur les guerres futures. Au mieux cette entreprise se révèle de la sottise, au pire elle tue. Et encore… combien de fois Murray Leinster, cité plus haut, a vu juste sur l’ensemble de ses écrits, et combien dans celles de ses confrères ? Reportée à la statistique, quelles sont les chances pour que cette team (je biche aussi le globish qui sent bon le pubard annexé au projet…) voit juste dans ces dossiers-là, disons entre le « nib » et le « que dalle » ? Cela n’empêche pas que collaborer à cela comporte un coût, celui de la conscience.
Reste l'aspect hilarant (bon, l'on rit un peu jaune) de l'histoire : les participant y croient et se prennent autant au sérieux qu'un camion de recrutement de la Légion étrangère un 14 juillet. Accessoirement, cette utilisation de la littérature rejoint assez les conceptions du monde de l'inculture qui voudrait prendre pour argent comptant l'imagination de l'auteur et qui se réserve parfois le droit de le punir au prétexte d'obscénité, par exemple, alors que la vraie obscénité reste de ne pas respecter la littérature.
La SF aboutit ici une sorte d’aporie qui lui donnerait toutes les capacités d’anticipation, mais sans les moyens que pourtant elle décrit de temps à autre, comme la psychohistoire, illusion dont même son auteur, Isaac Asimov, s’affranchit en rappelant la nature accidentelle ou aberrante du processus historique, parfois. Il semble assez piquant de constater que certains des acteurs du genre négligent ce paradigme et se mettent au service d’une prospective « institutionnelle », endossant alors les oripeaux de la futurologie avec, parfois, un sérieux papal assez réjouissant.
La palme de la franche rigolade se trouve dans la collaboration de certains auteurs à une « team » financée par le ministère des armées et dont la mission serait de... jargonner autour d’éventuels conflits auxquels nos pioupious pourraient faire face. On en revient alors à une conception bizarre qui voudrait authentifier un diagnostic par des personnes aussi concernées que votre serviteur, ou vous-même qui me lisez, autour de technologies futuristes et d’évolutions sociétales. On se consolera en se disant que l’expertise aboutirait à un certain nombre de questions embarrassantes si la Cour des comptes était tentée d’y plonger le nez. « Baste, dira-t-on, ils en profitent et ils n’ont peut-être pas tort, après tout ! » Mmmh… prenons un ministère quelconque et employons quelques personnes à pondre des rapports qui ne servent à rien... le genre de nouvelle qui réjouit un certain Canard ! Nos militaires innovent en la matière puisqu’ils n’utilisent pas d’énarques pour s’y adonner, ce qui dénote un souci louable d’économie. Pourquoi donc alors ne pas recourir à des experts en futurologie et autres domaine au service d’un but mortifère ? Eh bien, sans doute y a-t-on pensé et qu’ils travaillent de leur côté aussi, la bêtise militaire ne se situe pas exactement là, qui voudrait s’en remettre à la seule disposition des auteurs de SF. Encore heureux, oserais-je prétendre, car la sottise doit reste un bien commun. Oui, la SF possède un fort rapport avec la stupidité, puisque comme toute littérature elle s’intéresse à l’humain et à ses interactions. Mais là, nous voici plongés dans la béatitude technologique : pas de merde, pas de sang, pas de cris, rien que la lumière froide du kriegspiel et des dossiers chiadés sur les guerres futures. Au mieux cette entreprise se révèle de la sottise, au pire elle tue. Et encore… combien de fois Murray Leinster, cité plus haut, a vu juste sur l’ensemble de ses écrits, et combien dans celles de ses confrères ? Reportée à la statistique, quelles sont les chances pour que cette team (je biche aussi le globish qui sent bon le pubard annexé au projet…) voit juste dans ces dossiers-là, disons entre le « nib » et le « que dalle » ? Cela n’empêche pas que collaborer à cela comporte un coût, celui de la conscience.
Reste l'aspect hilarant (bon, l'on rit un peu jaune) de l'histoire : les participant y croient et se prennent autant au sérieux qu'un camion de recrutement de la Légion étrangère un 14 juillet. Accessoirement, cette utilisation de la littérature rejoint assez les conceptions du monde de l'inculture qui voudrait prendre pour argent comptant l'imagination de l'auteur et qui se réserve parfois le droit de le punir au prétexte d'obscénité, par exemple, alors que la vraie obscénité reste de ne pas respecter la littérature.
lundi 10 juillet 2023
mercredi 15 septembre 2021
Le Tenancier ronchonne
Outre qu’elle se fait le
porte-voix d’une certaine béatitude
technophile globalisée et où ses animateurs se déclarent des
« lovers »
lors de jamboree radiophonique consacrées aux « industries
culturelles »,
france culture(1) s’adonne au recyclage d’anciennes
émissions ou d’invités
—, pas forcément les mêmes, mais interchangeables — où le conceptuel
people s’adonne
à l’entre-soi des marchands de primeurs. Étrange phénomène qui déprécie
la
bourgeoisie sans qu’il soit besoin de lui donner un coup de main, comme
si,
tout à coup, le vieux réac ou la conscience de gôche se diluaient dans
une
sorte de libéralisme vaguement orienté
« droit-culture/patrimoine ».
Pourquoi pas ? Tout cela se veut efficace. Malheureusement, l’on
se trouve
bien court, quand bien même l’on rabâche, et il faut meubler d’autant
qu’après
avoir viré la création, l’on compresse le personnel depuis des éons. Le
miracle
des redifs reste à cet égard une providence, entre deux émissions de
variété
déguisées et après quelques estimables léchouilles et quelques
prudhommeries. On
recycle et ce qui distingue l’industrie d’une création réside justement
dans
cette réutilisation ad nauseam de
vieux machins sans que la qualité s’améliorât (au moins dans le
cinoche, nous
sommes passés au parlant et au Technicolor, le son FM pour la radio
devenant un
très médiocre progrès pour les logorrhées). Doit-on jeter la pierre à
ceux qui
affectionnent ces rediffusions ? Ah mais non, d’autant que le
soussigné en
fait partie! Mais il fatigue, aussi. Il aimerait bien rêver un peu,
qu’on l’enchante avec de l'imagination.
Et là, on peut estimer que votre Tenancier peut toujours courir.
— Mais pourquoi ronchonnez-vous, Tenancier ?
— Parce que c’est mon plaisir.
(1) Des caps., vous croyez ?
— Mais pourquoi ronchonnez-vous, Tenancier ?
— Parce que c’est mon plaisir.
(1) Des caps., vous croyez ?
mercredi 10 février 2021
Une activité peccamineuse du Tenancier
Pour le moment, et c’est le moins qu’on puisse dire, votre
Tenancier ne rencontre pas un succès ébouriffant avec ses livres. Certes, ses
rares lecteurs semblent les avoir appréciés et les notes les plus défavorables
qui sont passées sous ses yeux sont loin de se montrer déshonorantes. Voici
donc, par la force des choses, c'est-à-dire de sa bibliographie, votre
Tenancier propulsé au titre d’auteur. Par ailleurs, son abandon du métier de
libraire le conduit à fréquenter ses ex-confrères afin de se procurer des
ouvrages qu’il lira éventuellement dans une dizaine d’années. Il se trouve que
le libraire du coin a entrepris de créer un rayon modeste (mais passionnant,
pensez donc !) consacré aux écrivains locaux et où nous figurons avec nos
trois ouvrages. Outre le fait que nous ayons passé la barrière entre le
professionnel et le client, nous voici également institué auteur, confronté à
ses bouquins dans un rayonnage. Combien de fois nous sommes nous irrités de ces
sales types qui se permettaient d'effectuer la mise en place de leur production
lorsqu’ils commettaient une intrusion sur notre lieu de travail ! Comme nous
ne possédons pas une mémoire de poisson rouge, on se garde bien de faire de
même lorsque l’on croise le fameux rayon. Ce serait impoli et malgracieux. On
regarde du coin de l’œil, l’air de ne pas y toucher. Un jeton et hop : on
fait son modeste, comme si on n’avait pas remarqué. N’empêche, il reste quelque
part, dans un coin de notre cervelle, un gnome grimaçant qui se moque des
petits orgueils d’auteur, comme d’une activité peccamineuse au secret d’une
quelconque alcôve. Il suffirait que le surmoi ait une baisse de régime. Mais,
bien sûr, votre Tenancier se situe bien au-dessus de ce désordre…
mercredi 6 janvier 2021
Blague à part...
Ce petit coup de gueule fut publié sur
Facebook (et l'on pardonnera le style relâché) le 1er novembre 2020. La sottise de certaines personnes
criant à « l’atteinte à la liberté » parce que l’on demandait aux
libraires de fermer quelques temps devenait quelque peu encombrante. Le propos
ne soutient en rien, précisons-le, la politique absurde en vigueur concernant l’épidémie
qui nous touche tous (et dont j’ai été atteint), mais s’interroge sur un
certain fétichisme autour du livre…
Blague
à part, je suis sidéré parce que je lis en ce moment autour de l'ouverture des
librairies, et en général tout ce qui touche le livre. J'ai commencé dans le
métier (parce que j'y suis toujours, malgré tout) en 1979 et je me trouve loin
du fétichisme affiché par beaucoup ici. En effet, je considère cette étrange
passion de continuer à baguenauder dans les rayons assez frelatée, comme si, du
point de vue du lecteur, de l’acheteur de livre, nous nous relevions d’une
privation de quatre ans. Et encore, si tel était le cas, frémirait-on de
plaisir à enfin découvrir des voix venues d’ailleurs comme l’étaient en leur
temps tous les écrivains amerloques débarqués par rayon entiers sur nos
rivages. Là, on demande aux professionnels de fermer un mois et de se débrouiller
pour livrer, afin de compenser comme ils peuvent leur manque à gagner. Ils
s’organisent. Eux-mêmes le signalent. Je pense que nous survivrons tous à cette
suspension partielle de la vente des livres parce que, c’est vrai, la librairie
n’est pas vitale. On peut tout à fait survivre sans livre (on s’emmerde, c’est
vrai) mais on ne peut pas survivre sans bouffer. Alors oui, d’autres commerces
restent ouverts et je serais pour qu’on les ferme aussi, ou qu’ils se
débrouillent comme les libraires. Parce que vous savez quoi ? Eh bien comme le
dit un éditeur de ma connaissance, je préfère me priver d’un bouquin et
sauvegarder une vie. Nous voici confrontés à problème de santé publique qui
constitue une menace immanente sur les plus faibles, à notre merci du fait de
notre inconscience ou de notre impéritie... Tout cela pour complaire cette
sorte d’attachement malsain autour d’un métier où le fantasme — je suis bien
placé pour la savoir — d’un certain public reste omniprésent. Eh, les gens, si
vous vous voulez tant de reconnaissance, ne faites pas librairie, c’est chiant,
on fait des factures, on déballe des cartons et en plus on doit se gaufrer des
clients qui viennent baver des « C’est merveilleux votre métier on lit tout le
temps », sous-entendu qu’ils aimeraient aussi. Toujours cette envie de
reconnaissance, parce que, aux yeux de beaucoup le livre garantit une sorte de
prestige, alors que… Musso, Lévy, Tesson et les merdouilles du genre, ça c’est
la vérité de la librairie. Et vous voudriez que ça reste ouvert pour que ce
robinet à connerie ne se tarisse pas. Oui, je sais, il y a les autres, les
obscurs, les sans-grades. Ne vous alarmez pas pour eux, ils ne vendront pas
plus que si tout restait ouvert, ou bien la différence reste si infime : un ou
deux exemplaires à décompter, peut-être. J’exagère à peine. Mais non, prendre
position pour ou contre la fermeture (et ce n’est pas du Marthe Richard), c’est
prouver qu’on est concerné, que cela a de l’importance. Mais pas du tout, en
définitive. Si vous voulez un livre, c’est bon, bigophonez au libraire. Si vous
voulez vous valoriser par le livre en manifestant ou en pétitionnant, allez-y,
je ne vous retiens pas, mais vous devriez sans doute penser au radio-crochet
pour tenter de vous donner de l’importance, parce qu’on risque de regarder vos
achats de plus près, et ça risque aussi de ne pas être glorieux. Autrement, les
gens, vous êtes toujours au courant, la pandémie, les malades, les vieux qui
crèvent dans les mouroirs industriels que sont les ehpad, non ? Vous devriez…
et demander qu’on reconfine encore plus strict. En plus ce serait chouette de
votre part, il y aurait encore moins de circulation et de cons en liberté. Le
printemps serait joli. Ah mais oui, le dernier rempart contre le fascisme,
j’oubliais : le livre ? Comme ceux de Houellebecq, le Céline de la petite
bourgeoisie centriste ? Bon courage pour la victoire finale, alors…
vendredi 26 juin 2020
Roland
Roland C. Wagner n’a jamais été un ami, mais un de ces « potes » que l’on trouve au cours de son existence, lorsque de nombreuses virtualités existent dans notre jeunesse finissante, lorsque les contraintes sociales pèsent encore peu. Lorsque je le rencontrais, il n’avait pas encore publié de livres, seulement quelques nouvelles, la plupart du temps dans des fanzines. Il voulait devenir écrivain, dans la collection Anticipation au Fleuve Noir, surtout. Tout nous semblait possible. Il avait raison, au point de clore cette série par le numéro 2001 (L’odyssée de l’espèce). Il a eu la sagesse d’aller plus loin encore, de continuer à écrire. On s’est beaucoup vu, puis beaucoup moins. Nous possédions un ami en commun qui nous reliait subtilement bien après que la distance se fut installée. Cet éloignement marquait l’intervalle qui nous séparait d’une partie de notre jeunesse.
dimanche 24 mai 2020
dimanche 26 avril 2020
jeudi 12 avril 2018
Point Vernal
Il est parfois des moments de grâce
dans la vie d'un libraire. Celui on l'on rencontre un client qui vous
énumérera les merveilles de sa bibliothèque et dont vous ne ressentirez
nulle jalousie ou nul dépit. Simplement parce que cette personne
passionnée vous parlera avec sincérité du plaisir de vivre en compagnie
de cette reliure ou de cette exemplaire un peu rare. Il y a aussi les
fois où l'on ouvre une caisse, ou lorsque l'on fait l'acquisition d'un
livre qui charme tout de suite, parce qu'on l'attendait depuis
longtemps sans le savoir, ou parce qu'il manquait dans votre
bibliothèque, un manque de nature presque stupéfiante. Du reste, les
deux hypothèses se valent puisque c'est là l'assouvissement d'un désir,
de toute façon. D'autres ouvrages se laissent désirer. Telle vilaine
reliure, tel méchant livre en apparence devient tout à coup un trésor
parce que vous n'aviez pas réalisé qui se cachait derrière le nom du
poète, ou derrière ce texte. Sans doute aussi parce que vous
l'ignoriez, car le métier de libraire est fait d'ignorance. Le livre a
pu demeurer dix ans à côté de vous, jusqu’à ce jour.
Je crois me souvenir que dans L'Île mystérieuse, de Verne,
Harbert s'exclame : « Quel grand livre ferait-on avec tout ce que l'on
sait ! » et Cyrus Smith de répondre : « Et quel plus grand livre encore
ferait-on avec ce que l'on ne sait pas ! ». La citation est
approximative et l'on m'en excusera. Mais le métier de libraire c'est
cela, c'est remplir encore et encore le grand livre de l'ignorance et
essayer de tenir à jour tant bien que mal, au jour le jour le calepin
de ce que l'on sait. Chaque personne qui lit un peu connaît cela :
chaque livre découvert en amène d'autres qui, eux-mêmes, en apportent
encore comme un champ de possibles qu'il ne sera humainement pas
accessible dans sa totalité. Et puis, il y a soudainement le moment où,
tout libraire ignare que vous êtes, vous atteignez une sorte de
plénitude : on vous demande ce que vous savez, votre intuition vous
fait conseiller le bon livre, votre patron – lorsque vous êtes salarié
– arrête de parler tout seul pendant une petite heure, vous rencontrez
une femme dans la librairie que vous allez aimer et avec laquelle vous
aurez des enfants, vous vous y faites des amis et ceux-ci vous
emportent plus loin que vous n'osiez l'espérer. Et puis il fait beau
dehors et ce que vous faites au quotidien vous paraît à ce moment moins
terne, moins banal. Et alors on se dit que l'on a bien fait, un jour de
laisser tomber ce pourquoi on avait été programmé, c'est à dire à rien.
On se dit également que ce métier-là fait accéder à une certaine
dignité, pour peu que l'on se respecte et que l'on respecte les autres.
On se dit encore que ce métier est un perpétuel apprentissage et que la
somme de ce que l'on sait pèse peu dans la balance face au savoir des
autres. Mais, tant qu'à faire, autant demeurer un livre ouvert pour
espérer la réciproque. Tout se conjugue pour cette sorte de félicité
tranquille, ce point vernal de la quiétude qui vous rend assuré de vos
amis et de vos proches, vous tranquillise sur vos doutes quant à ce que
vous croyez savoir.
Sans doute parce que vous voulez savoir, toujours, encore et que seule la fosse saura vous déprendre de cette passion. Sans doute encore vous avez décidé de remiser vos certitudes et de ne point vous gonfler de votre expérience. Sans doute parce que l'humilité est une sorte d'orgueil. Sans doute enfin que vous êtes en paix avec vous-même.
Et on espère alors que ce savoir ne sera pas perdu, et que le gage de sa survie est de perpétuellement le remettre en question.
En attendant, cette sorte de grâce est parfois accordée : vous êtes vivant et c'est grâce à vous seul.
Nos jours sont hélas comptés. Il faut alors en profiter.
Le Tenancier en a profité... il a également cédé à la curiosité et à la volonté de dépasser le quotidien. Il fait autre chose, il continue d'apprendre. Ce billet publié sur le blog Feuilles d'automne en juin 2009, ne reste donc pas lettre morte.
Sans doute parce que vous voulez savoir, toujours, encore et que seule la fosse saura vous déprendre de cette passion. Sans doute encore vous avez décidé de remiser vos certitudes et de ne point vous gonfler de votre expérience. Sans doute parce que l'humilité est une sorte d'orgueil. Sans doute enfin que vous êtes en paix avec vous-même.
Et on espère alors que ce savoir ne sera pas perdu, et que le gage de sa survie est de perpétuellement le remettre en question.
En attendant, cette sorte de grâce est parfois accordée : vous êtes vivant et c'est grâce à vous seul.
Nos jours sont hélas comptés. Il faut alors en profiter.
Le Tenancier en a profité... il a également cédé à la curiosité et à la volonté de dépasser le quotidien. Il fait autre chose, il continue d'apprendre. Ce billet publié sur le blog Feuilles d'automne en juin 2009, ne reste donc pas lettre morte.
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