dimanche 19 janvier 2025

Bobo

Certes, le Tenancier ne va pas ouvrir un compte pénibilité pour ce qui lui arrive, mais le phénomène reste assez curieux pour qu’il s’interroge à ce propos : une tendinite à l’épaule droite le préoccupe depuis plus de trois mois. On passera sur l’attente de rencontrer un médecin dans une ville de province pourtant pas la plus mal lotie en la matière, on évitera d’évoquer la privatisation de services en général et jadis rendus à l’intérieur des hôpitaux comme les scanners et les radiographies (et donc une longue attente pour y accéder). On s’abaisserait à cette sorte de vulgarité qui consisterait à vitupérer un état de fait que nous avons-nous même, après tout, laissé installer. Le Tenancier vieillit, les signes abondent, comme la survenue de cette tendinite et l’indifférence grandissante envers la sottise contemporaine, surtout quand elle réside dans l’avidité, le fric et les gros pieds dans les mocassins à pampilles.
Mais revenons à cette faiblesse qui s’est installée plutôt de façon progressive, jusqu’au point où la douleur (comme si on vous arrachait le bras) s’est déclarée un matin, vive et immédiate. Bien qu’adepte d’un certain matérialisme pas vraiment historique, le cheminement de pensée de votre Tenancier l’amène à établir une corrélation entre cette douleur omniprésente et la rédaction d’un roman commencé l’été dernier. Il en vient à croire à la somatisation de son mécontentement. Oui, le roman lui sied, mais l’accouchement se révéla difficile et contrarié, comme si l’on avançait à son corps défendant dans une formulation à la fois habituelle, plus ou moins maîtrisée, et dans un sujet rebattu pour lui. On s’explique : une fois de plus, on aborde un personnage de déserteur dans un monde qu’il s’est rendu familier, celui du Fleuve. Que le roman agrée l’éditeur appartient à une autre histoire et s’il est retoqué, votre serviteur s’y remettra, voilà tout, à l’attention du même ou bien d’un autre. Au pire, il passera à autre chose. Reste l’état de cette douleur. Comment envisager son effacement ? En passant à tout autre chose ? Non, le Tenancier ne croit pas à la pensée magique. Nous verrons bien ce qu’en fera le kiné (miracle : on a obtenu en rendez-vous presque immédiat). À vrai dire, le destin de cette incommodité est remis dans les mains des spécialistes.
Reste la somme de récits que le Tenancier aimerait écrire et qui subsiste pour le moment sous forme de notes ou de synopsis. Comme on est douillet, on redoute qu’une nouvelle mise en chantier n’affecte de nouveau l’aile de poulet qui lui sert de bras. On l’envisage tout de même. Toutes ces considérations ne valent sans doute rien si l’on observe que, pendant près de cinq mois, votre Tenancier s’est mal tenu à son bureau et qu’il ferait mieux de se pencher sur ce problème-là plutôt que d’invoquer des motifs captieux, qui est aussi une commune du département de la Gironde. Tiens, à propos, que trouverait-on en débarquant à Captieux (1382 âmes) ? On pense alors à la chanson de Brassens, bien entendu. Pour l’instant cette histoire de bras est en suspens, et pas dans une attelle — c’est toujours ça.

1 commentaire:

  1. Anonyme14:18

    Peut-être que le kiné suggérera un détail, une astuce pour apprendre à se tenir correctement en écrivant et éloigner un peu cette douleur ? Parfois, cela tient à peu de chose le petit miracle. Allez, un voeu. Béatrice

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