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mercredi 17 février 2021

Titillons Tittivillus

Puisque nous avions évoqué dans un billet récent les malfaisances de Tittivillus, démon de la coquille et de l’étourderie scripturaire, proposons ici un moyen de le décourager ou, à tout le moins, de le rendre inoffensif. Si, comme votre Tenancier, vous produisez en tapant autant de coquilles qu’un ostréiculteur, il existe un recours qui vous fera briller en société, gagner un pognon de dingue et vous procurera un mariage heureux si vous êtes célibataire. Simple : faites comme si de rien n’était lorsque vous rédigez votre texte, mais, au lieu de corriger immédiatement vos étourderies, mettez-les à part. Dressez-en une liste alphabétique, donnez-leur une définition ad hoc et vous vous retrouvez à la tête d’un lexique de vocables imaginaires à la consonance étrangement familière (à moins que le mot fautif soit méconnaissable parce que vous avez tapé votre texte complètement ivre…) Vous voici au bout d’un certain temps auteur d’un recueil qui vous vaudra un contrat d’éditeur insultant envers Lévy & Musso et un murmure approbateur que vous entendrez de votre place réservée dans les salons du Fouquet’s. Enfin, avantage non négligeable, vous échapperez au sort des scripteurs au moment du Jugement dernier.
Merci qui ?

mardi 2 février 2021

Le Tenancier au Jugement dernier

Vous connaissez le Tenancier : toujours à se dissiper dans des bouquins à la recherche de petites choses sans rapport avec les infimes bonheurs du quotidien, comme la sieste, par exemple. Le voici donc à fourrer son nez dans le petit bouquin que Le Goff publia jadis : Les intellectuels au Moyen Âge (1960). Il y rencontre au détour d’un paragraphe un personnage qu’il avait perdu de vue, mais qu’il fréquente pourtant presque quotidiennement. Il est vrai que celui-ci opère à notre insu !
Les moines qui les écrivent [les livres] laborieusement dans scriptoria des monastères ne s’intéressent que très secondairement à leur contenu — l’essentiel pour eux est l’application mise, le temps consommé, les fatigues subies à les écrire. C’est l’œuvre de pénitence qui leur vaudra le ciel. D’ailleurs, suivant ce goût pour l’évaluation tarifée des mérites et des peines que l’Église du Haut Moyen Âge a emprunté aux législations barbares, ils mesurent au nombre de pages, des lignes, des lettres, les années de purgatoire rachetées ou, à l’inverse, se lamentent de l’inattention qui leur a fait, en sautant telle lettre, accroître leur séjour en purgatoire. Ils légueront à leurs successeurs le nom de ce diable spécialisé à les taquiner, le démon Tittivillus des copistes, que retrouvera Anatole France.
Ajoutons que ce diablotin, à l’égal des gremlins de la Seconde Guerre mondiale, s’ingénie à troubler la belle ordonnance de nos mécaniques morales. Souvenons-nous qu’il induisit au péché les lecteurs de la Bible imprimée en 1631, surtout les adeptes du 7e article du décalogue en certifiant : « Tu commettras l’adultère » ! Cela valu à cette infortunée publication le surnom de Bible perverse. On peut le concevoir dans l’Angleterre du xviie siècle.
Tittivillus, dit-on, fait un sac de ces lettres et mots omis et les restituera au Jugement dernier. Cela pèsera, paraît-il, dans la balance de nos fautes. Le Tenancier, si on peut lui permettre cette expression a déjà les miches qui lui chauffent. On vous reparlera dans quelque temps de la maline incarnation de la coquille et de l’étourderie. Nous aurons des prétextes.