Times Square était un monde que j’étais certain d’avoir
recherché de mon propre gré — je n’avais pas cédé à l’appel de ce monde. Et à
cause de cette certitude, sa séduction, pour moi, était beaucoup plus forte.
Je m’y jetais à corps perdu.
La hargne de l’été s’était abattue sur New York avec la
violence d’une bête pantelante. L’implacable chaleur des nuits succède aux
après-midi torrides. Les trains grinçant dans le purgatoire des tunnels du
métro (comprimant férocement la chaleur, tandis que parfois, dans les voitures
cahotantes, un groupe de gosses noirs, pleins d’à-propos, dansent au rythme
tropical des bongoes) vomissent les foules — venues de partout — à la station
de Times Square… Des visages en sueur encombrent les rues.
Le racolage transi d’hiver devient maintenant le racolage
facile d’été.
Dès les premiers beaux jours, la police new-yorkaise
pressent l’imminent regain d’activité de la rue, et pendant quelque temps, les
journaux sont pleins de comptes rendus de rafles : ARRESTATIONS
D’INDÉSIRABLES. Les flics nettoient Times Square. Mais à mesure que l’été
avance et que la chaleur se fait plus étouffante, les flics se calment, comme
si eux aussi s’enlisaient dans la chaleur. Alors ils se contentaient d’arpenter
les rues en vous répétant de circuler, circuler.
On finit toujours par se retrouver au même endroit.
En ce qui me concerne, le schéma qui devait guider ma vie
dans les rues se dessinait déjà avec netteté.
Ce n’était jamais moi qui parlais le premier. Je me postais
aux endroits de retape et attendais d’être accosté — tandis qu’autour de moi,
je voyais des escouades d’autres jeunes types aborder avec agressivité ceux qui
manifestement attendaient.