Bien que votre
Tenancier se soit beaucoup intéressé à la science-fiction (il a tenu
une émission sur le sujet sur près d’une vingtaine d’années), il s’est
peu à peu éloigné du genre. Certes, de temps à autres, il lui arrive de
rédiger une histoire qui pourrait s’apparenter à cette littérature,
sachant par ailleurs qu’il ne la considère pas comme un genre, mais
plutôt un mode de narration. D’ailleurs, qui se préoccupe de connaître
la nature de ce qu’on lit, pourvu que cela remplisse sa mission (et
vous pouvez investir ce que vous voulez dans cette notion de « mission
») ? Je suis toutefois intrigué par l’usage que l’on assigne désormais
à la SF et le fait que certains de ses acteurs obéissent à l’injonction
de conforter la réalité, comme si, tout à coup la SF devenait un
laboratoire conjectural pour un secteur de Recherche &
Développement (mais après tout, la SF reprend certains archétypes de la
classe moyenne, y compris parfois la béatitude entrepreneuriale) et non
une littérature qui navigue surtout au large de notre contemporanéité,
possédant plus une valeur testimoniale que d’injonction « sociétale »
ou technologique. Il semble que votre Tenancier se goure. Ainsi,
n’est-il plus rare de voir fleurir des tables rondes dans les festivals
qui confrontent les thèmes plus ou moins classique de la SF au fait
social. Il devient intrigant de songer que l’on demande à cette
littérature une compétence et un point de vue là où d’autres champs
littéraires sont priés de ne pas fourrer leur nez, sans doute par
incompétences, alors que les auteurs en question possèdent sans nul
doute autant de conscience sociale et politique qu’un écrivain de SF
moyen. Le phénomène conserve toutefois un aspect anodin et même
sympathique, à rechercher perpétuellement une respectabilité ailleurs
que dans le monde des lettres, où son image s’est démonétisée (en
partie par sa faute, mais ceci est une autre histoire).