mardi 20 février 2024

Un refus

L’autre jour, on a proposé à votre serviteur de participer à un mini-festival — l’équivalent d’une fête de quartier ou en tout cas dans une sorte d’entre-soi — où l’on me conviait à travailler en public sur un mot choisi dans une sélection de trois, production qui serait lue ensuite devant tout le monde. L’invitation aurait pu me flatter si j’avais appartenu à ce genre de personne qui aime s’exhiber, me comparant à un Simenon dans sa cage en verre, par exemple. Cependant, un surcroît de prudence — entre autres — m’a poussé à refuser cette proposition, trop conscient que ma production ne concerne pas ce genre d’exercice spectaculaire. Non que je me prenne pour un « Grandécrivain », mais que l’on pense de moi que je sois un débiteur de texte à la demande et que je ferais fi également de la sorte d’intimité régissant toutes mes rédactions lorsque je me retrouve à ma table de travail, m’a quelque peu défrisé, si c’était encore possible de côté-là. Cette requête ne me paraît pas inconvenante, mais pose la question de ce que l’on entend par le labeur d’écriture, la confinant à une sorte d’exercice technique où ne rentrerait en jeu qu’une certaine aisance à manipuler des concepts, compétence qui se recrute d’ailleurs chez les premiers de la classe. Je ne fais pas partie de cet univers.
Je m’imagine à me débattre deux heures durant, puisqu’il semble qu’on m’allouait ce temps, avec un de ces mots, devant tout le monde. La lutte avec l’ange tomberait alors dans la catégorie poids mouche… ou à une piteuse débâcle. Cette proposition n’est pas exceptionnelle. J’ai déjà assisté à ce genre d’exercice, sous une forme ou une autre, où les auteurs sollicités s’en sortaient haut la main et où ils en tiraient même un surcroît de prestige auprès d’un public. Pour ma part, je m’attends toujours à ce que l’on fasse passer le chapeau pour remercier l’artiste. En tout cas, que l’on ne compte pas sur moi pour me prêter à ce genre d’attraction. Je ne me prends pas non plus pour un « créateur solitaire » ; je sais à quel point je demeure redevable à beaucoup de personnes, mais je refuse de devenir une bête à exhibitions. Cela ne signifie pas pour autant que je répugne à rencontrer des lecteurs et à converser, autant que possible. Du moins y a-t-on le choix du sujet sans l’injonction de la contrainte et de l’efficacité.
J’ai donc refusé.

9 commentaires:

  1. Anonyme12:09

    Très saine réaction, ce genre d'atelier-ludothèque branchouille est insupportable. Béatrice

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    1. Un de ces jours, je ferai un atelier dans votre boutique, ma chère Béatrice (je galèje, hein...)

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  2. Certes, mais pour ma part j'ai quand même la nostalgie des Papous dans la tête, ce festival d'intelligence ludique…

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    1. Oui, moi aussi, mais vous savez, mon cher George que je ne suis pas assez intelligent, donc j'invente des prétextes pour me défiler.

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  3. Bonne décision, Tenancier. Ne serait-ce que par pudeur, ce mot aujourd'hui suranné et presque sorti des esprits.

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  4. Anonyme10:47

    Quoi, cher Tenancier, vous n'eûtes point envie d'être exhibé à la façon d'un singe savant ? Je m'étonne !
    Cela étant, ce genre de "performance" est ridicule, à mon sens.
    Du moins pour l'écriture. Pour la musique, c'est votre passage sur Simenon qui m'y a fait penser, jouer en cage de verre peut être amusant : https://www.youtube.com/watch?v=4FcTWksQqdg
    (oreilles sensibles s'abstenir, les punks "yougos" de 1979 avaient leur propre idée de l'harmonie - mais faut quand même se rappeler que ça, ça se passait sous Tito, fallait avoir de la ceinture...)

    Otto Naumme

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    1. Otto, reportez-vous à ce billet :
      https://zetenancierisbaque.blogspot.com/2016/07/dans-la-cage.html

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    2. Anonyme09:07

      Eh oui, j'aurais dû m'en souvenir, merci de votre réponse, cher Tenancier.
      Otto Naumme

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