mardi 16 décembre 2025

Au bout du compte...

Une idée, saugrenue après coup, m’avait incité à vous raconter « ma vie dans une starteup » qui consistait à vous décrire la névrose à peine organisée de ce genre d’entreprise à travers un de ses acteurs. Et puis, j’ai réalisé au bout du compte à quel point cette tentative était vaine, parce que, en somme cela s’appelle « Le monde du travail » et que chaque lecteur en a éprouvé une version plus ou moins inepte. Bref, revenir sur tout cela aboutissait à se dégrader soi-même au travers d’une relation de faits et de situations dépassés. L’on a mieux à faire que de se plaindre, ce qui m’amène à clore cette rubrique-là de façon prématurée, et sans regret.

lundi 15 décembre 2025

Une historiette de Béatrice

Une leçon sur la façon de gérer sa bouquinerie par une animatrice d’atelier d’écriture, check
La discussion est partie du concept de librairie-salon de thé dont tous les snobs de mon entourage m’ont parlé un jour pour sauver la boutique.
« Je connais un restaurateur-bouquiniste qui organise son coin bouquins de façon extraordinaire, les gens achètent un livre, ils le ramènent, ils sont remboursés »
« De toute manière, bouquiniste, ce n’est pas la même chose que libraire »
« Ici en fait il faudrait supprimer une bonne partie de la partie livres pour créer la partie salon »
Samedi pluvieux.

samedi 13 décembre 2025

Résidence

Auteur ayant été publié à compte d’éditeur à plusieurs reprises (pourvu que ça dure), comme :
— Un recueil d’aphorismes,
— Cinq recueils de nouvelles,
— Deux romans,
— Une anthologie sous sa responsabilité...
... ne cherche aucun endroit qui pourrait l’accueillir en résidence en échange d’une servitude quelconque (conférence, discours, ateliers avec des gniards, etc.), mais accepte le pognon qui va avec tout en continuant dans l’immonde bordel de son bureau. Il ne se sent en outre aucune disposition conviviale à l’égard d’édiles, d’enseignants, de bibliothécaires ou de libraires et de quiconque en général sinon avec des amis soigneusement choisis. Cependant, il accepte qu’on lui dépêche un spécialiste pour lui masser la tête, mais pas trop parce que ça l’endort, donc avant 14h et après 18h parce qu’il bosse à ce moment-là. Il consent toutefois à rédiger un embryon de quelque chose en échange, à défaut d’artiche (mais il préfère), d’un échantillon de ce qu’il aura vanté : truc qui sent pas mauvais, chose comestible, etc. Enfin, qu’on ne compte pas sur lui pour dire merci parce que merde à la fin il se casse assez le cul à écrire pour qu’on lui rende grâce. En effet, il n’a pas été un libraire exceptionnel et s’est montré un exécrable serveur dans la restauration (avec un caractère assez moche). Vous avez donc échappé au pire. Bref, déposez votre candidature sur papier libre, le mieux-disant emporte le morceau. On ne retourne pas les enveloppes garnies de billets. On partagera les valises du même contenant.
Parce qu'on a l'esprit frugal et redistributeur, mais pas avec tout le monde.

mercredi 10 décembre 2025

Une historiette de Béatrice

Madame et Monsieur les retraités sont dans la boutique, mais l’oublient un peu.
« Ton lacet est défait.
— Non, pas du tout !
— Tu as le lacet défait et il traîne par terre !
— Pas du tout, non, et puis je fais ce que je veux ! »

mardi 9 décembre 2025

Charlie Watts (1941 — 2021)


(Cliché : Gered Mankovitz, 1966)

Le Tenancier aime bien les Stones. Il en écoute de temps en temps et d’ailleurs va rarement au-delà de Some Girls. Il considère que leur meilleur situe entre 1966 (Aftermath) et 1976 (Black and Blue), démontrant ainsi son manque d’originalité. On conçoit qu’une partie du lectorat de ce blogue s’en contrefiche à coups de « Gabbah Gabbah Hey », d’un côté et de longues plages Mingusiennes de l’autre. D’ailleurs, le Tenancier apprécie aussi les deux. La figure la plus attachante du groupe reste tout de même Charlie Watts, ne serait-ce que pour, justement, son attrait envers le jazz qui s’est manifesté avec régularité au long de sa carrière. On le savait, Watts s’intéressait également à une certaine culture livresque, à coup de romans noirs (Hammett, Chandler), de classiques du début du XXe siècle (Greene, Fitzgerald, Waugh, Wodehouse, Joyce, pêle-mêle), de la tradition du polar britannique (Agathe Christie, choix moins heureux à nos yeux…), etc. Ajouté à sa bibliothèque, quelques pièces rares se rapportant au jazz : premiers pressages de Charlie Parker, étui de l’instrument du même, affiches diverses et ainsi de suite, puis quelques photographies de Josephine Baker, dans son bain, ou bien avec les fameuses bananes, Django Reinhardt, Fred Astaire... On a failli oublier quelques manuscrits… Tous ces témoignages se sont retrouvés dans une vente publique organisée par Christie's entre le 15 et le 29 septembre 2023 et cette maison a trouvé bon de reproduire les pièces en vente. On constatera toutefois que Watts restait assez orthodoxe dans ses goûts et que la notion de bibliophilie s’attachait à des ouvrages en hardcover publiés principalement dans l’entre-deux-guerres. On vous convie, tant que la page durera, à visiter sa collection qui ne vaut guère pour l'état des items, mais plutôt pour l’ensemble qu’il représente. Les amateurs de romans noirs, de polars, de jazz et de littérature anglo-saxonne y trouveront quelque agrément.

dimanche 7 décembre 2025

Pornographie


« Je crains que votre collection pornographique ne présente malheureusement au moins deux lacunes notables », fit remarquer Lady Biswold. (Glen Baxter)

samedi 6 décembre 2025

Ma vie dans une starteup — II : La traque du logopède

Tout « supérieur » qui veut asseoir sa domination sur ses subordonnés se doit de s’arroger une fonction langagière dont il détient les arcanes. Le cadre, dont le Tenancier vous a entretenu au précédent billet — d’ailleurs il ne sera mention que de lui dans cette série —, avait bien compris que son ignorance des métiers du livre pouvait entamer son prestige. Cependant, il devenait impératif d’assurer son autorité sur des salariés, passant par-dessus celui qui était en charge directe desdits. Ainsi, le Tenancier et sa collègue de travail, en charge de passer des contrats de collaboration avec les libraires (la consœur, I., étant chargée de tout ce qui se passait en région parisienne et votre serviteur, la France et le reste du monde… francophone), furent convoqué en réunion. Qu’attendiez-vous donc, chers lecteurs ? Travailler dans un starteup n’empêche pas que l’on perde du temps de la sorte : habits neufs et vieilles pratiques. Donc, I. et votre serviteur furent conviés dans une petite salle où nous dûmes subir le supplice du feutre crissant à la sournoise sur le tableau Velleda et surtout le déploiement d’une logorrhée que l’on déclare encore maintenant imbitable, ce dont on fit part de façon hasardeuse. Le crime eût passé pour inaperçu, tant le cadre en question méprisait à priori ses subordonnés : il était normal qu’ils n’entravassent que dalle étant donné leur place dans la hiérarchie. Après tout, l’on manifesta là ce qu’en attendait cet individu, le témoignage de sa supériorité morale. Seulement le roi était nu et le lui fit savoir par quelques remarques qui renvoyaient à la plus complète inanité ses exercices lexicaux et ses leçons inutiles. Le marketing, c’est bien, mais connaître l’économie du livre d’occasion ou de bibliophilie, c’est mieux et expliquer son métier à des personnes qui avaient déjà un certain kilométrage relevait de l’impudence — mais après tout, dans les starteups, on prend des risques, n’est-ce pas ? — ou de la connerie. Nous refusons ici de faire un choix entre ces deux options, le cumul de ce type de charge ne se révélant pas trop lourd pour cet individu. Au moins, pour cela, il ne trichait pas. Nous sortîmes de la réunion, I. et moi, pas plus savants mais dotés de l’intime conviction que le bras droit de la direction était plutôt un bras cassé. Mais, vous savez ce que c’est, quand on est rétif à l’autorité, on voit le mal partout.

jeudi 4 décembre 2025

Oh, vous savez, hein…

Ces derniers temps, votre Tenancier a subi une sorte de creux dans l’activité d’écriture, non à cause d’une quelconque défaillance, mais parce que les circonstances extérieures l’ont obligé à ralentir et à perdre contact avec plusieurs travaux en cours. Rien de plus difficile de raccrocher au wagon lorsqu’on la laissé s’évader un peu trop loin. Ici, l’exercice a consisté à reprendre les textes à leur fondation et à les réécrire, même si l’on a retenu quelques éléments solides sur lesquels on ne trouvait pas trop à redire. Tout de même, la distance de plusieurs mois obligeait à un regard neuf, à des ratures et des repentirs. Nous voilà repartis dans les plaisirs non feints de la création, prélude à l’épisode plus studieux de la relecture. Tout ça pour vous signaler que, après avoir achevé il y a pas mal de temps déjà un troisième recueil du Fleuve (regardez sur la colonne de droite pour les deux premiers) qui devrait paraître sous peu, le voici à la tête de la moitié d’une table des matières pour un quatrième. Sachez que cela ne sortira pas tout de suite pour le travail en cours, parce que l’on doit trouver d’autres histoires pour alimenter ce cycle et que rien ne presse, après tout. On découvre les meilleurs sujets en ne les cherchant pas, souvent. En revanche, l’envie de passer à des thèmes ou univers différents nous titille. On verra bien. Mais en attendant, on se remet à travailler à des choses ardues, écrites, et cela fait un bien fou. Merci de votre attention sur ce presque rien, mais après tout nul n’est tenu à d’être tout le temps intéressant, n’est-ce pas ?

Ma vie dans une starteup — I : La diagonale du vide


Connaissez-vous les petits ouvrages publiés chez Allia, parfois des textes marginaux d’écrivains reconnu, mais également des œuvres magistrales comme Bartleby? Rien de bien éblouissant dans l’opuscule de Giorgio Voghera, Comment faire carrière dans les grandes administrations, mais la rigoureuse observation d’un mécanisme qui produit la gabegie et l’incompétence dans les machines administratives. Fort heureusement, votre Tenancier a échappé dans une large mesure à cette fatalité-là puisqu’il a loué sa force de travail la plupart du temps dans le petit commerce de la librairie, où les rapports hiérarchiques ne peuvent dissimuler la connerie trop longtemps. Oui, mais voilà, il est arrivé au Tenancier d’avoir faim et d’avoir porté sa candidature à une starteup vendeuse de livres puis de subir la fatuité, l’ignorance et l’incompétence d’un cadre qui prétendait régenter mon savoir-faire. Commençons par quelque chose de léger — on espère vous entretenir de cet imbécile sur deux ou trois billets supplémentaires —, c’est-à-dire par le jour où, friand de réunions évoquées également par Voghera ci-dessus, il développa devant nous une stratégie de conquête du marché et d’acquisition de stocks de livres. Le cours magistral s’annonça tout de suite édifiant, puisque cet éminent idiot nous incita à concentrer nos efforts sur cette zone de chalandise largement inexplorée qu’il pointa du doigt sur une carte : la fameuse « diagonale du vide » qui s’étend du Pays basque aux Ardennes, en réalité une zone à très faible densité de population. Le Tenancier croit se souvenir, vingt ans plus tard, que l’on avait renoncé à lui expliquer. On reviendra ultérieurement sur le chickenshit produit par cet individu qui continue de faire carrière, ce que nous trouvons absolument rassurant sur les capacités de nuisance du libéralisme : si nous désirons que cela perdure, continuons d’entretenir le culte de l’intuition du chef, en vogue chez les fascistes et les petits marquis du marketing (même production, filiales différentes) afin qu’ils continuent à se tirer une balle dans le pied.

mardi 2 décembre 2025

Une historiette de Béatrice

Après s’être extasiée 10 minutes sur mon panier-drive et « comme c’est merveilleux, c’est offeeeeeert », madame Dusnob et ses chers amis à fourrure de marque entrent dans la boutique. Elle tient à la main les 4 livres piochés dans le panier.
Au moment de partir, elle m’annonce tout sourire qu’elle a trouvé dans la boutique son bonheur, un livre de remèdes de grand-mère, et qu’elle me l’achète. Quand je lui annonce le prix, elle lance :
—Quoi ? 15 euros ? Ah non, à 15 euros je ne l’achète pas.
Son mari a eu honte, il l’a payé.

lundi 1 décembre 2025

Que je vous raconte mon grand-papa, afin d'illustrer mon propos et ce qui pourrait devenir l'amorce d'une chronique dans les temps à venir...

Le Tenancier n’est tenu de rien, puisqu’il est le tenancier de ce blogue et qu’après tout il peut radoter ce qu’il veut ici même. Qui viendrait le contrarier à ce sujet, je vous le demande, hein ? Donc il peut s’éloigner de ses thèmes de prédilection, pour une fois. Ainsi, il a entendu ce soir en préparant la soupe de poireaux-pommes-de-terres (avec un peu d’estragon et du céleri) une émission sur France cul sur l’utilité d’un service « volontaire » pour l’armée. On nous expliqua fort doctement que notre armée professionnelle projetée sur un théâtre d’opérations extérieur manquera pour veiller à l’ordre de la nation durant le conflit, d’où, donc, l’utilité de requérir de jeunes pioupious pour déjouer les manigances des saboteurs, voire des terroristes intérieurs. Nous pensions benoîtement que la gendarmerie y suppléerait, mais sans doute sont-ils surveillés de près, à gâcher autant de munitions aux bassines… Bien sûr nous résumons et ce fut exprimé avec l’allant et la grâce qui sied à une merde en bas de soie avec, tout de même, un sérieux manque de prospective. En effet, si je reprends la terminologie des fonctionnaires de la propagande, que fait-on de « l’attrition » des mecs qui sont sur le front ? Parce qu’ils sont là pour ça, non, défendre l’occident contre la barbarie avec leur poitrine généreuse ? Par quoi remplacer ceux qui reviendront — pour les plus veinards — dans des sacs à viande ? Vous ne voyez pas ? Alors, je vais vous causer de mon grand-papa. Ce fils de cultivateurs pauvres né à la Chapelle-Jeanson (Ille-&-Vilaine) vit l’aubaine d’une ascension sociale en s’engageant jeune dans l’armée. Il allait replier ses gaules lorsque le premier grand badaboum mondial survint. Étant donné son âge, il fut affecté à la Territoriale : surveillance de l’arrière ou des prisonniers, tenue des deuxièmes lignes, etc. Seulement, voilà, au bout de deux ans à voir voler les balles de loin, il les contempla de plus près les deux années restantes, puisqu’on manquait de chair fraîche devant. Joseph Hubert s’en est sorti, a même fait de la spéculation immobilière sur les ruines de demeures près du front une fois démobilisé (il avait dû prendre ses jalons), mais ceci est une autre histoire. Grand-papa était devenu facho du genre variante des Croix-de-feu, heureusement ma grand-mère avait divorcé. Peut-être était-il très con avant, à son engagement. On ne saurait le dire et même étendre ça à tous les glaiseux de l’Ille-&-Vilaine… mais là encore c’est une autre histoire. En revanche le nombre de types fauchés autour de lui impressionne (Le Tenancier, par vice, à regardé les états de service et ce qu’il advint dans quelques comptes-rendus sur le même front). On oublie un peu ça, quand on tente de nous vendre la vie en uniforme, que la possibilité d’y passer est inversement proportionnelle à la place dans la société, la hiérarchie sociale se retrouvant aisément dans la militaire — mais également que les garanties d’innocuité, vous pouvez vous les foutre quelque part, à partir du moment où vous avez signé (faut lire ce qui est en tout petit, mon gars…) Eh oui, si vous signez, vous pouvez mourir, à plus forte raison si vous n’êtes pas chanceux, c'est-à-dire à l’inverse de mon grand-papa. En revanche Joffre, Foch et Mangin, par exemple, ont canné dans leur plumard. On verra bien si le sieur Mandon, prêt au sacrifice des autres, suivra la glorieuse destinée de ses prédécesseurs ou bien que le sursaut patriotard le mènera sabre au clair en première ligne. On a même envie de lui dire « chiche »…