J'apprends avec un peu de retard le décès d'Henri
Lhéritier. Voici, ci-après, ce que nous en disions en août 2008 sur le
blog Feuilles d'automne.
L’un des plaisirs que peut s’octroyer
un libraire qui travaille à domicile et qui, par conséquent, n’a guère
la possibilité de discuter littérature avec ses clients – chose
exceptionnelle par ailleurs, le client disert, n’est pas si courant —
est de se reporter sur les blogs littéraires. Cette fréquentation
permet, bien sûr, d’intervenir dans les réactions aux articles rédigés
par les blogueurs mais également de prolonger le plaisir de cet article
dans les commentaires. Il faut seulement que l’alchimie de l’article et
des commentaires se fasse, grâce à ceux qui les fréquentent…
Cela ne va pas de soi. La zone des commentaires ressemble souvent à des
« tout-à-l’ego », ou des coquelets de la plume exhibent plus des
Sergent-major que des ramages. Mais c’est somme toute rassurant.
L’écrit perdure, même dans les pavanes et les insuffisances, et chacun
y trouve sa provende.
Pour ma part, Steppenwolf de
la brochure moisie, je vais me promener au pays des littératures
caduques et obsolètes, dans le blog d’Henri Lhéritier. J’exagère : tout
n’y est pas si vieux. Il arrive au taulier de ce blog de se prélasser
entre les pages d’un Christian Oster, d’un Gailly… Cependant la majeure
partie de ses articles concernent des ouvrages de Paul Bourget, Henri
Bordeaux, Francis de Croisset ou bien des auteurs un peu plus courus,
tels Barbey d’Aurevilly, Conrad ou encore Léon Bloy. On ne peut dire
qu’il s’agit là de petits jeunes qui en veulent.
Ainsi, régulièrement, Henri Lhéritier, négociant
en vin, vigneron, rédige une note sur ses lectures, avec des
prédilections (Constantinople, les femmes callipyges…) avec style,
pertinence et humour. Et, régulièrement, nous nous retrouvons dans les
réactions ou la dissipation règne souvent mais également quelques
moments d’érudition auxquels Henri se mêle toujours avec retenu et
justesse. Cela devient une sorte de cours de récré ou nous nous
ébattons à petit nombre sous l’œil bienveillant de Henri.
Hélas, il en va des blogs comme il en est des relations épistolaires.
On a envie soudainement que l’interlocuteur prenne corps, lui donner
une image, une voix.
Pour ce qui concernait l’image, le curieux pouvait être édifié avec une
certaine facilité puisqu’il lui suffisait de commander l’ouvrage
d’Henri qui s’intitule : « Autoportrait sauvé par le vent »… journal,
autoportrait, méditations ?
En tout cas une autre dimension de la personnalité
d’Henri qui ne transparaît pas dans le blog. Mais si nous avions à la
fois l’image et sa profondeur, manquait encore son animation ainsi que
le son.
Alors, je suis passé à Rivesaltes.
La Maison du Muscat était fermée à l’heure du déjeuner, ce qui m’a
permis de découvrir l’excellent petit restaurant d'été qui partage la
même cour – on y trouve également un antiquaire – et dans lequel j’ai
dégusté pour la première fois un des vins d'Henri.
Et puis, ce fut la rencontre.
Mais que pouvaient se dire deux timides soudainement confrontés l’un à
l’autre ? Ces rencontres sont toujours constituées de regrets et de
non-dits. Pour s’en affranchir, il eut fallu s’arrêter plus longtemps.
Que l’on ne cherche pas à en savoir plus sur ma visite. Je convie le
curieux à visiter son site. Durant notre trop bref échange, j’ai tout
de même eu la chance de voir où Henri officiait, voir un bout de sa
bibliothèque, rapatriée dans son entrepôt.
Et puis j’ai eu le temps de goûter ses vins.
Nous nous sommes parlé... un peu.
J'ai acheté quelques bouteilles.
Maintenant, je peux boire et lire du Henri Lhéritier.
Et je médite d’y retourner, m’attabler avec lui autour d’une bouteille de Muscat et deviser jusqu’au bout de la nuit.
Sans doute que Les habitués du blog seront avec nous.
Post scriptum : Son blog semble ne plus exister et c'est dommage...