« Il faut être nu et plonger dans la mer, encore tout parfumé des essences de la terre, laver celle-ci dans celle-là et nouer sur ma peau l’étreinte pour laquelle soupirent lèvre à lèvre, depuis si longtemps, la terre et la mer. Entré dans l’eau, c’est le saisissement, la montée d’une glu froide et opaque, puis le plongeon dans le bourdonnement des oreilles, le nez coulant et la bouche amère — la nage, les bras vernis d’eau sortis de la mer pour se dorer dans le soleil et rabattus dans une torsion de tous les muscles ; la course de l’eau sur mon corps, cette possession tumultueuse de l’onde par mes jambes — et l’absence d’horizon. Sur le rivage, c’est la chute dans le sable, abandonné du monde, rentré dans ma pesanteur de chair et d’os, abruti de soleil, avec de loin en loin un regard pour mes bras où les flaques de peau sèche découvrent, avec le glissement de l’eau, le duvet blond et la poussière de sel. »Ce petit passage de Camus est extrait du volume que Morvan Lebesque lui consacra dans la collection « Écrivains de toujours ». Malheureusement le titre dont il est tiré n’est pas mentionné. Si un camusien averti pouvait nous éclairer…
samedi 6 février 2016
... et la poussière de sel.
Voilà voilà...
Loin d'être installé, le Tenancier a tout de même remis son informatique en service et assumera une sorte de service minimum pendant quelques temps.
Ensuite, on fera des efforts.
(Les commentaires sont de nouveau ouverts à tous...)
jeudi 21 janvier 2016
Allégorie pour un déménagement
Où l'on découvre le Tenancier en train de faire un selfie avec les déménageurs en arrière-plan tandis que la foule des lecteurs du blog attend la reprise avec une impatience bien compréhensible.
Cela vient, cela vient, mesdames et messieurs, encore un peu de temps et nous reprendrons le cours habituel de nos conversations.
N'empêche que le Tenancier, là, se dit que ce n'est pas le coiffeur qui lui a saboté la calotte mais que c'est bel et bien la calvitie qui le guette.
Tout ça aussi pour vous dire que l'on va fermer très momentanément les commentaires du blog car le soussigné sera moins aware et ne pourra donc en assurer la modération. Nous risquerions de nous retrouver avec un surplus de viagra dommageable pour notre santé d'académicien.
(Merci à M. Jean-Paul Laurens pour l'illustration, un gars solide, ce Jean-Paul...)
mercredi 20 janvier 2016
En attendant Nadeau
Votre Tenancier chéri est occupé à déménager, c'est entendu. Cela ne l'empêche pas pour autant de se tenir de loin en loin au courant des affaires du monde. Enfin, du monde qui l'intéresse.
Ainsi, on ne fera pas l'injure à nos lecteurs de rappeler ce que fut La Quinzaine littéraire, publication pour honnête homme et moins honnête comme le libraire. On sait peut être moins que la totalité des rédacteur a abandonné le journal face aux nouvelles orientations éditoriales de l'actionnaire majoritaire. Pouah, que de mots dégueulasses à écrire en si peu de temps : actionnaire majoritaire. Errrkh. On en apprendra plus sur le sujet en lisant l'éditorial de la première livraison.
On verra avec plaisir que l'esprit de la Quinzaine, à défaut du titre qui doit être déposé comme marque commerciale, renaît sous forme de site internet et sous le titre de : En attendant Nadeau. Attendons-le ensemble, alors.
Les premiers articles sont arrivés, il sont du goût de votre Tenancier et il partage d'enthousiasme (un petit relent autogestionnaire, ou je m'abuse ?) avec vous l'idée de s'abonner à leur lettre d'information (faudra tout de même leur indiquer que "lettre d'information" est moins injurieux que newsletter). Allez donc y voir. Pas la peine de me remercier, c'est tout naturel. Maintenant, je retourne à mes cartons.
On verra avec plaisir que l'esprit de la Quinzaine, à défaut du titre qui doit être déposé comme marque commerciale, renaît sous forme de site internet et sous le titre de : En attendant Nadeau. Attendons-le ensemble, alors.
Les premiers articles sont arrivés, il sont du goût de votre Tenancier et il partage d'enthousiasme (un petit relent autogestionnaire, ou je m'abuse ?) avec vous l'idée de s'abonner à leur lettre d'information (faudra tout de même leur indiquer que "lettre d'information" est moins injurieux que newsletter). Allez donc y voir. Pas la peine de me remercier, c'est tout naturel. Maintenant, je retourne à mes cartons.
Pour le site, c'est là
jeudi 14 janvier 2016
vendredi 1 janvier 2016
Allégorie pour l'année 2016
Où le Tenancier fait son choix d'une année pas trop pourrie pour ses lecteurs. Avoue en aparté toutefois qu'avec une telle brochette, ça va pas être commode. Où il espère également qu'on lui pardonnera en acceptant ses meilleurs vœux et se dit enfin que le coiffeur a bousillé sa coupe...
(D'après Jean-Paul Laurens)
(D'après Jean-Paul Laurens)
dimanche 27 décembre 2015
etc.
Au moment où, sous les acclamations du peuple et les vivats
répétés des factions, nous achevions de faire le tour de l’Hippodrome, j’ai
noté qu’ils étaient finalement tous là, en plus ou moins bon ordre, à tenter de
faire bonne figure ; j’en reconnus quelques uns au passage : le
Praepositus sacri cubiculi ou Grand Chambellan, suivi de ses cubicularii, le
Drongaire de la flotte qui avait gardé avec lui son diptyque d’ivoire, le grand
Chartulaire de l’encrier, le Parathalassite, le Grand Stratopédarque, le
Deutéros du Palais sacré, accompagné du Protovestiaire, l’Orphanotrophe, le
Grand Mécanothrope, le Protospathaire de la fontaine, le Grand Pappias, l’illustre
Skeriophylax, le Grand Hippochondriaque, le Domestique des Scholes, le
Stratarque de l’armée, reconnaissable à sa broche armoriée, le Sacellaire
général, L’Anthypatrol, le Préposé au Sakellion, l’Éparque de Constantinople,
le Grand Styphanophobe, l’Économe en chef, l’Hyperperilampros, le Grand
Heschogryphe, le Logothète des troupeaux, marchant de concert avec celui du
drome, le Grand Stratiosaure, le Parakimomène, chef des Kitonites, le Grand
Chartophylax, le Silentium muntiare, avec sa verge d’or, le Nomophylax, le
Grand Ichtiophysar, l’Arthémiarque de Thrace, le Protosébaste, le Basileopator,
le Grand Thrépanodon , l’Archonte de Lausiakos, etc.
Alain Nadaud : L’Iconoclaste (1989)
Ed. Quai Voltaire, p. 122
Alain Nadaud : L’Iconoclaste (1989)
Ed. Quai Voltaire, p. 122
mardi 8 décembre 2015
Les raisons d'un ralentissement
Depuis quelques temps le Tenancier
est plutôt inégal dans sa
présence sur le blog. A cela il y a plusieurs explications :
— Votre Tenancier chéri a cessé son activité de libraire depuis le mois de mars dernier. Il a s’agit à la suite de reconstruire plusieurs aspects de son existence, ce qui occupe. Notez bien qu’il n’est pas le seul à avoir arrêté son activité. Il ne se pose d’ailleurs plus la question de la corrélation de la désaffection vis-à-vis de la lecture et certains virages politiques dans le pays. Les faits lui ont répondu.
— Votre Tenancier prépare son déménagement. Cela occupe. Il va dans une région qui produit moins de carbone et de fachos que dans le reste de la France (hormis la Corse). C’est pas avec lui que tout ça risque d’augmenter en tout cas.
— Votre Tenancier s’est mis sérieusement à l’écriture. Et il peut vous dire que c’est autrement coton que d’écrire un billet de blog. Cela demande du temps et de l’énergie (et pas que de la part de votre serviteur !) Vous avez quelques traces de ses petits travaux sur ce présent blog. Cherchez un peu, vous trouverez ses productions. Je ne vais quand même pas tout le temps vous mâcher le travail.
On ose espérer que tout cela se régulera dans le courant de l’année prochaine. On vous demande de la patience.
— Votre Tenancier chéri a cessé son activité de libraire depuis le mois de mars dernier. Il a s’agit à la suite de reconstruire plusieurs aspects de son existence, ce qui occupe. Notez bien qu’il n’est pas le seul à avoir arrêté son activité. Il ne se pose d’ailleurs plus la question de la corrélation de la désaffection vis-à-vis de la lecture et certains virages politiques dans le pays. Les faits lui ont répondu.
— Votre Tenancier prépare son déménagement. Cela occupe. Il va dans une région qui produit moins de carbone et de fachos que dans le reste de la France (hormis la Corse). C’est pas avec lui que tout ça risque d’augmenter en tout cas.
— Votre Tenancier s’est mis sérieusement à l’écriture. Et il peut vous dire que c’est autrement coton que d’écrire un billet de blog. Cela demande du temps et de l’énergie (et pas que de la part de votre serviteur !) Vous avez quelques traces de ses petits travaux sur ce présent blog. Cherchez un peu, vous trouverez ses productions. Je ne vais quand même pas tout le temps vous mâcher le travail.
On ose espérer que tout cela se régulera dans le courant de l’année prochaine. On vous demande de la patience.
En attendant, votre Tenancier fera une apparition publique pour signer son recueil de nouvelles. Cela se passera le 18 décembre à la Librairie Entropie au 198 boulevard Voltaire dans les 11e arrondissement de Paris (M° Charonne) à partir de 17h. On y fera notre ultime apparition avant notre départ… On vous y espère nombreux. |
Avis tardif et néanmoins pertinent : Nous avons eu l'air de mentionner que la Corse était la plus exempte de la tentation fasciste qui agite notre pays en ce moment. Les faits récents infirment cette opinion. Même si votre Tenancier chéri se fout bien des simagrées religieuses, il déteste les manifestations racistes au prétexte d'un laïcisme en carton (et d'ailleurs au nom de n'importe quelle raison). On sait bien que sous le terme "antimusulman" sa cache la bonne vieille chasse au bougnoule. Il y a des Corses cons, ce qui en fait des français comme les autres, après tout, et dans les mêmes proportions.
mercredi 2 décembre 2015
Page, Pager
Page n.m. Autre mot pour lit. ○ EXEMPLE
: On
l'appelait Mme Sacrifice pour son obligeance avec les petites mômes qui
se trouvaient de la zone. Elle les filait dans son page pour peu
qu'elles soient girondes.
A donné le verbe « pager » : coucher (pour dormir ou se livrer à des jeux amoureux). ○ EXEMPLE : Angèle a pagé avec Valentin.
A donné le verbe « pager » : coucher (pour dormir ou se livrer à des jeux amoureux). ○ EXEMPLE : Angèle a pagé avec Valentin.
Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)
(Index)
dimanche 29 novembre 2015
jeudi 26 novembre 2015
Œil
Œil n.m. A formé les locutions : 1. « A l'œil » : gratuitement ○ EXEMPLE
: Récupère, mec! Faut pas laisser les Sora voir ce coup-là à l'œil. (Auguste Le Breton, Du rififi chez les hommes.)
2. « Oeil de bronze » : sphincter anal. ○ EXEMPLE : Bourré à craquer le vioc ! Tous les petits truqueurs de Pigalle savaient que chez lui, en frappant à l'œil de bronze on était sûr de s'y retrouver.
2. « Oeil de bronze » : sphincter anal. ○ EXEMPLE : Bourré à craquer le vioc ! Tous les petits truqueurs de Pigalle savaient que chez lui, en frappant à l'œil de bronze on était sûr de s'y retrouver.
Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)
(Index)
mercredi 25 novembre 2015
Otto Naumme est-il marxiste-léniniste ?
Les habitués de céans le savent, le Tenancier et Otto Naumme
se connaissent depuis fort longtemps et n’était l’éloignement ils se
gobergeraient plus souvent sur les terrasses conjecturales autour d’un single
malt. La tendre affection qui les unit les incitent à s’offrir mutuellement
quelques cadeaux lors de visites en leurs principautés…
C’est pas le tout, mais Otto a d’étranges manies.
Depuis trente ans que le Tenancier et Otto se fréquentent, ce dernier a adopté une constante dans le choix de ses présents qui préoccupe. Elle aboutit à cette question : Otto Naumme, cher et vaillant ami, est-il un adepte farouche du marxisme-léninisme, voire du maoïsme ? Pas mal de cadeaux pourraient y faire penser. Ainsi, alors que votre serviteur n’avait pas atteint le stade du trentenaire, il se voyait offrir un exemplaire du Petit Livre Rouge, avec un supplément du même tonneau, tous deux de petit format comme il se doit. Il ne fait pas de doute qu’Otto soit un visionnaire. A une époque ou une telle littérature était à verser au domaine de la kitcherie rétrograde, Otto par un volontarisme digne d’éloges transforma l’objet en manifeste camp. Ainsi il en est des vulgates comme il en est pour l’art contemporain : rien dans la nature mais beaucoup dans la désignation détermine la fonction profonde de l’artefact. « Qui t’a fait critique, homoncule ? » aurait pu être la réponse à la présomption d’Otto. En réalité la désignation devait plus au goût qu’à la posture. Otto n’étant pas du genre à appliquer les préceptes du Grand Timonier (surtout parce que le whisky chinois doit être dégueu) et vraiment pas du genre à embarquer ses amis dans un telle galère, il fallait se résoudre à l’idée que l’index judicieux de notre ami avait transmis un message esthétique certain. Hélas, cette production digne de l’urinoir de Duchamp disparut de l’environnement du Tenancier au cours d’un déménagement. Nous sommes quiet à ce sujet : la personne qui en a hérité involontairement est une conne. La perte n’est donc pas galvaudée par une possession étrangère qui susciterait la jalousie sachant que les cons ne constituent pas une concurrence. N’empêche, on regrette ce Petit Livre Rouge, merde.
Récemment, votre serviteur fit l’acquisition d’une version Jean de Bonnot de ce Livre des Morts. Tentative kitsch qui n’atteint pas sa valorisation, scorie d’une prétention à vouloir suivre Otto. On est bien peu de chose.
Le deuxième item remarquable s’affranchit un peu plus de l’orthodoxie instaurée par le ready-made pour aborder une sorte de relativisme figuratif qui fait un retour de la contestation picturale des années quatre-vingt, mais avec une distanciation dialectique/critique qui interroge au niveau du vécu (si si). A l’instar du héros du roman de Philippe Goy (Faire le mur, 1980), Otto s’est-il transformé en gardien farouche de l’orthodoxie révolutionnaire après avoir passé la frontière ? Car signalons-le, contrairement à l’item précédent, çui-là fut cueilli sur place. Que nenni, cette apparente allégeance fait retour sur l’altérité et même la dualité de sa démarche. Notons en incise ici que, de même, Otto ne revint pas les yeux bridés, enfin pas plus que son ascendance gasconne ne lui permet, ce n'est pas le Monocle. Il n’en demeure pas moins que le roman de Goy — faut suivre ! — demeure pertinent, hein. Bref, l’objet offert est une photographie d’un potentat local (entendons par là : d’un dignitaire provincial) dont le portrait se transmue selon l’angle de vue en portrait de Mao Zedong jeune — enfin, disons plus frais que vers la fin où, tout de même, il ressemblait à une pâtisserie ayant souffert de la chaleur (nos amis de la Chine populaire nous excuseront volontiers, l’homme demeure toujours sous la chair devenue triste, d’ailleurs si je vous parlais de mon cas… enfin bon). Otto, par ce nouvel avatar kitsch interroge de façon cruciale l’héritage et les implications régressives de la transmission. On voit ici que notre cher donateur pose une question à laquelle il doit répondre dans sa vie personnelle : que devenir après ce que l’on est ? Le cadeau fut accepté avec joie et trône dans nos cabinets peints en rouge comme il se doit.
C’est pas le tout, mais Otto a d’étranges manies.
Depuis trente ans que le Tenancier et Otto se fréquentent, ce dernier a adopté une constante dans le choix de ses présents qui préoccupe. Elle aboutit à cette question : Otto Naumme, cher et vaillant ami, est-il un adepte farouche du marxisme-léninisme, voire du maoïsme ? Pas mal de cadeaux pourraient y faire penser. Ainsi, alors que votre serviteur n’avait pas atteint le stade du trentenaire, il se voyait offrir un exemplaire du Petit Livre Rouge, avec un supplément du même tonneau, tous deux de petit format comme il se doit. Il ne fait pas de doute qu’Otto soit un visionnaire. A une époque ou une telle littérature était à verser au domaine de la kitcherie rétrograde, Otto par un volontarisme digne d’éloges transforma l’objet en manifeste camp. Ainsi il en est des vulgates comme il en est pour l’art contemporain : rien dans la nature mais beaucoup dans la désignation détermine la fonction profonde de l’artefact. « Qui t’a fait critique, homoncule ? » aurait pu être la réponse à la présomption d’Otto. En réalité la désignation devait plus au goût qu’à la posture. Otto n’étant pas du genre à appliquer les préceptes du Grand Timonier (surtout parce que le whisky chinois doit être dégueu) et vraiment pas du genre à embarquer ses amis dans un telle galère, il fallait se résoudre à l’idée que l’index judicieux de notre ami avait transmis un message esthétique certain. Hélas, cette production digne de l’urinoir de Duchamp disparut de l’environnement du Tenancier au cours d’un déménagement. Nous sommes quiet à ce sujet : la personne qui en a hérité involontairement est une conne. La perte n’est donc pas galvaudée par une possession étrangère qui susciterait la jalousie sachant que les cons ne constituent pas une concurrence. N’empêche, on regrette ce Petit Livre Rouge, merde.
Récemment, votre serviteur fit l’acquisition d’une version Jean de Bonnot de ce Livre des Morts. Tentative kitsch qui n’atteint pas sa valorisation, scorie d’une prétention à vouloir suivre Otto. On est bien peu de chose.
Le deuxième item remarquable s’affranchit un peu plus de l’orthodoxie instaurée par le ready-made pour aborder une sorte de relativisme figuratif qui fait un retour de la contestation picturale des années quatre-vingt, mais avec une distanciation dialectique/critique qui interroge au niveau du vécu (si si). A l’instar du héros du roman de Philippe Goy (Faire le mur, 1980), Otto s’est-il transformé en gardien farouche de l’orthodoxie révolutionnaire après avoir passé la frontière ? Car signalons-le, contrairement à l’item précédent, çui-là fut cueilli sur place. Que nenni, cette apparente allégeance fait retour sur l’altérité et même la dualité de sa démarche. Notons en incise ici que, de même, Otto ne revint pas les yeux bridés, enfin pas plus que son ascendance gasconne ne lui permet, ce n'est pas le Monocle. Il n’en demeure pas moins que le roman de Goy — faut suivre ! — demeure pertinent, hein. Bref, l’objet offert est une photographie d’un potentat local (entendons par là : d’un dignitaire provincial) dont le portrait se transmue selon l’angle de vue en portrait de Mao Zedong jeune — enfin, disons plus frais que vers la fin où, tout de même, il ressemblait à une pâtisserie ayant souffert de la chaleur (nos amis de la Chine populaire nous excuseront volontiers, l’homme demeure toujours sous la chair devenue triste, d’ailleurs si je vous parlais de mon cas… enfin bon). Otto, par ce nouvel avatar kitsch interroge de façon cruciale l’héritage et les implications régressives de la transmission. On voit ici que notre cher donateur pose une question à laquelle il doit répondre dans sa vie personnelle : que devenir après ce que l’on est ? Le cadeau fut accepté avec joie et trône dans nos cabinets peints en rouge comme il se doit.
Ce ne fut pas le seul présent. Deux répliques d’affiches de
la Révolution culturelle l’accompagnaient. Cela fera l’objet d’un autre
billet, ne soyons pas gourmands.
Otto allait-il continuer dans la veine maoïste ? Certes, il demeurait encore beaucoup de matière à explorer, ne serait-ce que l’imagerie qui nous est chère de ces jeunes filles membres des gardes rouges en short dans les rizières et dont la présence, la prestance et la compétences renvoient Silvana Mangano à un putatif poster (je n’ai pas dit postère, hein !) pour la maison Taureau Ailé. Las, Otto n’est point pékinois comme on fut « moscoutaire » au siècle dernier (et comme on l’est maintenant quand on est facho). Fi de la Grande Muraille, foin de la Chine, d’autres horizons, je dirais même d’autres Shangri-La attendaient avec impatience le débarquement de notre ami.
Nous ne fûmes pas déçus de notre attente.
Alors que nous l’attendions dans un cheminement dialectique, toujours adepte de la distanciation critique, mêlant les prodromes du formalisme à un déterminisme idéologique tempéré par une contestation formelle, Otto nous révéla son génie en revenant aux sources de l’art par une technique fresquiste… non : à une chanson de geste tapissière ! Avec ce cadeau exceptionnel, nous étions confrontés à une forme moderne (et en rupture avec la contemporanéité) de l’expression graphique appliqué à l’historicité du signifiant et du signifié. Jamais le collage n’avait atteint avant le cas présent un tel degré de pertinence. Avec cet album nous étions à Bayeux sur Caraïbes ! Que l’on imagine un volume à l’italienne de trente-deux pages relatant les grandes heures de la Révolution cubaine avec des vignettes contrecollées ! Otto — dont nous sommes a peu près certains qu’il avait dû posséder des albums Panini dans sa jeunesse — magnifiait la rupture avec un continent et une culture par un bain de jouvence, une reprise de contact avec la ferveur populaire, un enthousiasme qui semble le rapprocher de plus en plus des prises de position en faveur de l’action-art — concept opportuniste de notre cru, certes, mais révélateur dans notre cas de la dévolution d’Otto. L’album Revolucion Cubana est une réponse au formalisme glacé d’un Lichtenstein par une ferveur latine qui lui est quasi contemporaine. La qualité incertaine de l’impression, à l’instar des sérigraphie warholiennes donne à chaque exemplaire une unicité dominée par l’aléatoire, non redevable au passage manuel de l’encre sur la soie mais tout à l’imperfection des presses. Le procédé réduit encore l’intervention humaine et rejoint le système de représentation anonyme de l’iconographie marxiste-léniniste au service du culte de la personnalité. Otto, après des années de quêtes esthétiques quittait enfin l’obsédante recherche de la pensée conceptuelle pour arriver à l’émotion pure de la construction iconographique. Il faut signaler que ce fut également à cette époque qu’il changea de paire de lunettes. Ce lapsus est du reste révélateur : chez Otto tout est affaire désormais de vision et de ressenti… En tout cas ses prises de position esthétiques en rapport avec la marxisme-léninisme orthodoxe ne sont que pur hasard.
Nous attendons avec impatience un futur voyage au Vietnam de notre ami.
En attendant voici quelques images de l’album.
Otto allait-il continuer dans la veine maoïste ? Certes, il demeurait encore beaucoup de matière à explorer, ne serait-ce que l’imagerie qui nous est chère de ces jeunes filles membres des gardes rouges en short dans les rizières et dont la présence, la prestance et la compétences renvoient Silvana Mangano à un putatif poster (je n’ai pas dit postère, hein !) pour la maison Taureau Ailé. Las, Otto n’est point pékinois comme on fut « moscoutaire » au siècle dernier (et comme on l’est maintenant quand on est facho). Fi de la Grande Muraille, foin de la Chine, d’autres horizons, je dirais même d’autres Shangri-La attendaient avec impatience le débarquement de notre ami.
Nous ne fûmes pas déçus de notre attente.
Alors que nous l’attendions dans un cheminement dialectique, toujours adepte de la distanciation critique, mêlant les prodromes du formalisme à un déterminisme idéologique tempéré par une contestation formelle, Otto nous révéla son génie en revenant aux sources de l’art par une technique fresquiste… non : à une chanson de geste tapissière ! Avec ce cadeau exceptionnel, nous étions confrontés à une forme moderne (et en rupture avec la contemporanéité) de l’expression graphique appliqué à l’historicité du signifiant et du signifié. Jamais le collage n’avait atteint avant le cas présent un tel degré de pertinence. Avec cet album nous étions à Bayeux sur Caraïbes ! Que l’on imagine un volume à l’italienne de trente-deux pages relatant les grandes heures de la Révolution cubaine avec des vignettes contrecollées ! Otto — dont nous sommes a peu près certains qu’il avait dû posséder des albums Panini dans sa jeunesse — magnifiait la rupture avec un continent et une culture par un bain de jouvence, une reprise de contact avec la ferveur populaire, un enthousiasme qui semble le rapprocher de plus en plus des prises de position en faveur de l’action-art — concept opportuniste de notre cru, certes, mais révélateur dans notre cas de la dévolution d’Otto. L’album Revolucion Cubana est une réponse au formalisme glacé d’un Lichtenstein par une ferveur latine qui lui est quasi contemporaine. La qualité incertaine de l’impression, à l’instar des sérigraphie warholiennes donne à chaque exemplaire une unicité dominée par l’aléatoire, non redevable au passage manuel de l’encre sur la soie mais tout à l’imperfection des presses. Le procédé réduit encore l’intervention humaine et rejoint le système de représentation anonyme de l’iconographie marxiste-léniniste au service du culte de la personnalité. Otto, après des années de quêtes esthétiques quittait enfin l’obsédante recherche de la pensée conceptuelle pour arriver à l’émotion pure de la construction iconographique. Il faut signaler que ce fut également à cette époque qu’il changea de paire de lunettes. Ce lapsus est du reste révélateur : chez Otto tout est affaire désormais de vision et de ressenti… En tout cas ses prises de position esthétiques en rapport avec la marxisme-léninisme orthodoxe ne sont que pur hasard.
Nous attendons avec impatience un futur voyage au Vietnam de notre ami.
En attendant voici quelques images de l’album.
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