Si vous deviez
présenter ce livre à un adolescent d’aujourd’hui, que lui diriez-vous ?
Un adolescent ? En littérature je ne connais pas d’adolescent. Cette catégorie de lecteurs a été fabriquée récemment par les éditeurs. Conrad n’écrivait pas pour les adolescents, il écrivait pour tous ceux qui sauraient le lire. Celui qui quitte les livres pour enfants entre dans la littérature. Il y a une initiation, dans Au cœur des ténèbres, une initiation à la présence du Mal. Ce voyage peut se faire à treize ans comme à quatre-vingt-dix. Et si l’adolescence est le passage à l’âge adulte, alors elle n’a qu’un seul intérêt, c’est précisément d’osciller entre ce qui l’attend, le monde auquel elle va devoir prendre part, et le monde qu’elle vient de quitter, celui des livres pour enfants. Il y a une seule réalité, une seul — c’est la rencontre avec l’horrible ambiguïté de Kurtz qui nous dit : faites-moi justice.
Interview : Mathias Énard, pourquoi aimez-vous Au cœur des ténèbres.
(in : Joseph Conrad — Au cœur des ténèbres — Garnier-Flammarion)
Un adolescent ? En littérature je ne connais pas d’adolescent. Cette catégorie de lecteurs a été fabriquée récemment par les éditeurs. Conrad n’écrivait pas pour les adolescents, il écrivait pour tous ceux qui sauraient le lire. Celui qui quitte les livres pour enfants entre dans la littérature. Il y a une initiation, dans Au cœur des ténèbres, une initiation à la présence du Mal. Ce voyage peut se faire à treize ans comme à quatre-vingt-dix. Et si l’adolescence est le passage à l’âge adulte, alors elle n’a qu’un seul intérêt, c’est précisément d’osciller entre ce qui l’attend, le monde auquel elle va devoir prendre part, et le monde qu’elle vient de quitter, celui des livres pour enfants. Il y a une seule réalité, une seul — c’est la rencontre avec l’horrible ambiguïté de Kurtz qui nous dit : faites-moi justice.
Interview : Mathias Énard, pourquoi aimez-vous Au cœur des ténèbres.
(in : Joseph Conrad — Au cœur des ténèbres — Garnier-Flammarion)