Que l’on vous avertisse immédiatement
: le Tenancier n’aime pas les gluants. Il estime que ces créatures
vagissantes qui méritent bien le nom « d’enfant » ne devraient retenir
seulement notre attention que pour les exquis moments pour lesquels
nous leur réservons un châtiment. Ces choses n’ont ni culture ni
conversation et les maigres projets qu’ils peuvent échafauder sont déjà
passés par les fourches caudines de notre expérience. Le plus fort,
c’est qu’ils n’y prennent garde. Leur obstination est donc la preuve de
leur sottise innée. C’est bien simple, s’il existe une organisation
comme, par exemple, une
W.C. Field
Institution POUR
l’enfance malheureuse, le Tenancier moribond fera réaliser tous ses
avoirs pour faire un legs à cette heureuse initiative. Recta, on
investira dans l’instrument de dressage !
Bien fait.
Il ne manquerait plus qu’ils viennent toucher à nos superbes illustrés
anciens ! Mais, on ne vous rassurera pas, chers lecteurs, en vous
déclarant qu’ils ont déjà essayé. Ne voilà-t-il pas qu’un de ces êtres
répugnants a prétendu vouloir jeter son dévolu sur Le Buffon des
Enfants, de Lorioux au prétexte confondant de gratuité qu’on y
mentionnait le mot « enfant ». Devant cette casuistique de bac à sable,
nous avons rétorqué que Buffon y était également mentionné et que nous
ne nous sentons pas tenus d’accueillir tous les descendants de ce
coco-là pour complaire à une éthérique lubie ou un l’on ne sait quel
droit qui a bien dû être aboli. Parce que, arrêtez-moi si je me trompe,
Buffon, c’est bien Ancien Régime et Compagnie, non ?
On s'est retenu d’appuyer la réplique par quelques taloches. On ne sait
pourquoi, certains parents semblent tenir à leur clone-en-moins-bien.
Ceux-là se froissent dès que l'on marque une preuve d'attention
ordinaire à leur descendance, songeant peut-être que l'on saura
convertir ces brutes à coups de mignardises. Espoir béât. Remarquez,
ces créatures pernicieuses déteignent sur les adultes. Il suffit de
faire une station sur les bancs qui entourent les terrains de jeux pour
se rendre compte de cette régression. Qui peut tenir longtemps devant
les prudhomismes puériculteurs de ces chaisières ? Et attention si vous
vous mettez à parler de choses intelligentes… On sent bien qu’en haut du
toboggan on vous guette du coin de l’œil ! Tout à coup on se dit que
tout peut arriver, du genre
Le Village des Damnés ou
L’Invasion des Profanateurs de Sépultures. Quelque chose de terrible et d’angoissant. Alors on rentre précipitamment et l’on rouvre le bouquin de Lorioux et on regarde.
Et l’on respire un peu, on a mis le verrou.
Lorioux est l’un des illustrateurs appréciés du Tenancier. Il tomba sur
cet exemplaire à la librairie où il travaillait comme salarié. Un client
qui le recherchait ne s’était pas manifesté. Il l’ouvrit par une sorte
de curiosité désœuvrée, il le rouvre désormais par passion.
Et dire que l’on prétendit mettre cela dans la main des enfants !
Le Tenancier rigole.
Le Buffon des Enfants
Textes de Bernard Roy
Illustré par Félix Lorioux
Marcus - 1945
Ce billet acerbe — mais justifié — a été publié en mai 2009 sur le blog Feuilles d'automne.