Ainsi, puisqu’un personnage qui eût pu, jadis, passer pour
un intrigant de salons littéraires, disparaît de la surface de la terre, les
gâchettes de la dithyrambe se dévoient encore une fois à l’antenne. Une
journaliste, entendue à France Culture, a déclaré que si les Français aimaient
Jean d’Ormesson, c’était en quelque sorte pour se racheter d’avoir coupé la
tête de quelques aristocrates lors de la Grande Révolution. La manie fâcheuse
de tout pardonner aux morts, y compris la médiocrité dont ils on fait preuve
dans leur existence anthume, ne va pas jusqu’à ses thuriféraires. La
spontanéité, feinte ou non, de la citation expose de toute façon ce qui est en
jeu : la rédemption. C’est le maître mot de cette France
réactionnaire : les « citoyens français », les
« Français », bref cette abstraction chère à une certaine canaille
politique, doit expier les péchés de ses pères que sont la Grande Révolution, la
Commune, Mai 68… Que l’on aille pas croire que cette réaction soit forcément
« de droite », le péché de la Colonisation en arrange beaucoup
également, à d’autres bords. Ainsi, dans notre « volonté de nous racheter »,
nous nous serions attachés aux vérités prudhommesques érigés en profondeurs
philosophiques de la part d’un histrion médiatique. Cette littérature émétique,
produite à la chaîne, démontre à l’envi la veulerie d’une production
éditoriale et le renoncement d’une certaine forme de librairie qui, pour
pouvoir bouffer, dispose en pile cette daube littéraire à chaque fin d’année. L’alerte
fut chaude mais courte, la médiocrité en chassant une autre, et parce qu’un
mort encore tiède vaut toujours mieux qu’un cadavre qui se refroidit, voici que
d’Ormesson s’efface déjà. Le vocabulaire change, les acteurs sont les
mêmes : les « Français », sont remplacés par le
« Peuple », défait, en pleurs et en butte à la compassion de la même
racaille politique autour de la mort d’un chanteur. Nous avons eu chaud, la
messe solennelle va être remplacée par l’évocation de funérailles nationales… Le
pleur des chaumières, à tout prendre, vaut bien une expiation.
vendredi 8 décembre 2017
mercredi 29 novembre 2017
mercredi 22 novembre 2017
mardi 21 novembre 2017
10/18 — Jules Verne : Le pilote du Danube
Jules Verne
Le pilote du Danube
Préface par Francis Lacassin
Postface par Piero Gondolo della Riva
n° 1286
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « Jules Verne inattendu »
Volume quintuple
301 pages (304 pages)
Dépôt légal : 1er trimestre 1979
ISBN : 2.264-00967-5
TABLE DES MATIÈRES
(Contribution du Tenancier)
Index
Le pilote du Danube
Préface par Francis Lacassin
Postface par Piero Gondolo della Riva
n° 1286
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « Jules Verne inattendu »
Volume quintuple
301 pages (304 pages)
Dépôt légal : 1er trimestre 1979
ISBN : 2.264-00967-5
TABLE DES MATIÈRES
Préface : Jules Verne et le roman policier, par Francis Lacassin [5-18]
Jules Verne : Le pilote du Danube [19-294]
Postface : L'affaire Pilote du Danube, par Piero Gondolo della Riva [295-301]
Jules Verne : Le pilote du Danube [19-294]
Postface : L'affaire Pilote du Danube, par Piero Gondolo della Riva [295-301]
(Contribution du Tenancier)
Index
lundi 20 novembre 2017
dimanche 19 novembre 2017
Seul un fou...
Un étrange sentiment veille toujours chez votre Tenancier
lorsqu’il passe au large des correspondances littéraires ou historiques. Il ne
réside pas dans l’incomplétude souvent présente dans ces recueil, souvent
amputés de leurs réponses, parcellaires, perdus, détruits, etc. Ce qui
prévaut, au contraire est l’envie que toutes les correspondances s’articulent sur
un registre temporel. Ainsi l’on verrait qui a écrit quoi, par exemple, le 17 décembre 1867,
toutes correspondances ou extraits de journaux intimes confondus. Ce registre
renverrait aux volumes qui le renferment. Ce serait un vaste travail de
recollement, une entreprise monstrueuse et colossale… une tentative de saisir
un moment perdu, une date sans signification particulière, seulement parce qu’un
personnage, un jour, a écrit une missive, laissé une pensée. On organiserait des
chasses qui courraient d’un volume à l’autre pour reconstituer un segment de
temps : 17 décembre et son lendemain — puisque la poste à cette époque
permettait de se répondre un jour sur l’autre… Tous ces écrits ne concernent
pas forcément un fait précis, un événement historique. Ce serait surtout une
curieuse polyphonie, diffuse, qui subsisterait d’un air du temps, disparu, un 17
décembre ou un autre jour, une autre année.
Qui ferait cela ? Seul un fou…
samedi 18 novembre 2017
Lectures exaltantes
« Ils lurent d'abord Walter Scott.
Ce fut comme la surprise d'un monde nouveau.
Les hommes du passé qui n'étaient pour eux que des fantômes ou des noms devinrent des êtres vivants, rois, princes, sorciers, valets, gardes-chasse, moines, bohémiens, marchands et soldats, qui délibèrent, combattent, voyagent, trafiquent, mangent et boivent, chantent et prient, dans la salle d'armes des châteaux, sur le banc noir des auberges, par les rues tortueuses des villes, sous l'auvent des échoppes, dans le cloître des monastères. Des paysages artistement composés, entourent les scènes comme un décor de théâtre. On suit des yeux un cavalier qui galope le long des grèves. On aspire au milieu des genêts la fraîcheur du vent, la lune éclaire des lacs où glisse un bateau, le soleil fait reluire les cuirasses, la pluie tombe sur les huttes de feuillage. Sans connaître les modèles, ils trouvaient ces peintures ressemblantes, et l'illusion était complète. L'hiver s'y passa.
Leur déjeuner fini, ils s'installaient dans la petite salle, aux deux bouts de la cheminée ; — et en face l'un de l'autre, avec un livre à la main, ils lisaient silencieusement. Quand le jour baissait, ils allaient se promener sur la grande route, dînaient en hâte, et continuaient leur lecture dans la nuit. Pour se garantir de la lampe Bouvard avait des conserves bleues, Pécuchet portait la visière de sa casquette inclinée sur le front.
Germaine n'était pas partie, et Gorju, de temps à autre, venait fouir au jardin, car ils avaient cédé par indifférence, oubli des choses matérielles.
Après Walter Scott, Alexandre Dumas les divertit à la manière d'une lanterne magique. Ses personnages, alertes comme des singes, forts comme des boeufs, gais comme des pinsons, entrent et partent brusquement, sautent des toits sur le pavé, reçoivent d'affreuses blessures dont ils guérissent, sont crus morts et reparaissent. Il y a des trappes sous les planchers, des antidotes, des déguisements — et tout se mêle, court et se débrouille, sans une minute pour la réflexion. L'amour conserve de la décence, le fanatisme est gai, les massacres font sourire.
Rendus difficiles par ces deux maîtres, ils ne purent tolérer le fatras de Bélisaire, la niaiserie de Numa Pompilius, Marchangy ni d'Arlincourt.
La couleur de Frédéric Soulié, comme celle du bibliophile Jacob leur parut insuffisante — et M. Villemain les scandalisa en montrant page 85 de son Lascaris, un Espagnol qui fume une pipe "une longue pipe arabe" au milieu du XVe siècle.
Pécuchet consultait la biographie universelle — et il entreprit de réviser Dumas au point de vue de la science.
L'auteur, dans Les Deux Diane se trompe de dates. Le mariage du Dauphin François eut lieu le 14 octobre 1548, et non le 20 mars 1549. Comment sait-il (voir Le Page du Duc de Savoie) que Catherine de Médicis, après la mort de son époux voulait recommencer la guerre ? Il est peu probable qu'on ait couronné le duc d'Anjou, la nuit, dans une église, épisode qui agrémente La Dame de Montsoreau. La Reine Margot, principalement, fourmille d'erreurs. Le duc de Nevers n'était pas absent. Il opina au conseil avant la Saint-Barthélémy. Et Henri de Navarre ne suivit pas la procession quatre jours après. Et Henri III ne revint pas de Pologne aussi vite. D'ailleurs, combien de rengaines, le miracle de l'aubépine, le balcon de Charles IX, les gants empoisonnés de Jeanne d'Albret. Pécuchet n'eut plus confiance en Dumas.
Il perdit même tout respect pour Walter Scott, à cause des bévues de son Quentin Durward. Le meurtre de l'évêque de Liège est avancé de quinze ans. La femme de Robert de Lamarck était Jeanne d'Arschel et non Hameline de Croy. Loin d'être tué par un soldat, il fut mis à mort par Maximilien, et la figure du Téméraire, quand on trouva son cadavre, n'exprimait aucune menace, puisque les loups l'avaient à demi dévorée.
Bouvard n'en continua pas moins Walter Scott, mais finit par s'ennuyer de la répétition des mêmes effets. L'héroïne, ordinairement, vit à la campagne avec son père, et l'amoureux, un enfant volé, est rétabli dans ses droits et triomphe de ses rivaux. Il y a toujours un mendiant philosophe, un châtelain bourru, des jeunes filles pures, des valets facétieux et d'interminables dialogues, une pruderie bête, manque complet de profondeur.
En haine du bric-à-brac, Bouvard prit George Sand.
Il s'enthousiasma pour les belles adultères et les nobles amants, aurait voulu être Jacques, Simon, Bénédict, Lélio, et habiter Venise ! Il poussait des soupirs, ne savait pas ce qu'il avait, se trouvait lui- même changé.
Pécuchet, travaillant la littérature historique, étudiait les pièces de théâtre. Il avala deux Pharamond, trois Clovis, quatre Charlemagne, plusieurs Philippe-Auguste, une foule de Jeanne d'Arc, et bien des marquises de Pompadour, et des conspirations de Cellamare !
Presque toutes lui parurent encore plus bêtes que les romans. Car il existe pour le théâtre une histoire convenue, que rien ne peut détruire. Louis XI ne manquera pas de s'agenouiller devant les figurines de son chapeau ; Henri IV sera constamment jovial ; Marie Stuart pleureuse, Richelieu cruel — enfin, tous les caractères se montrent d'un seul bloc, par amour des idées simples et respect de l'ignorance — si bien que le dramaturge, loin d'élever abaisse, au lieu d'instruire abrutit.
Comme Bouvard lui avait vanté George Sand, Pécuchet se mit à lire Consuelo, Horace, Mauprat, fut séduit par la défense des opprimés, le côté social, et républicain, les thèses.
Suivant Bouvard, elles gâtaient la fiction et il demanda au cabinet de lecture des romans d'amour.
A haute voix et l'un après l'autre, ils parcoururent La Nouvelle Héloïse, Delphine, Adolphe, Ourika. Mais les bâillements de celui qui écoutait gagnaient son compagnon, dont les mains bientôt laissaient tomber le livre par terre. Ils reprochaient à tous ceux-là de ne rien dire sur le milieu, l'époque, le costume des personnages. Le cœur seul est traité ; toujours du sentiment ! comme si le monde ne contenait pas autre chose !
Ensuite, ils tâtèrent des romans humoristiques ; tels que Le Voyage autour de ma chambre, par Xavier de Maistre, Sous les Tilleuls, d'Alphonse Karr. Dans ce genre de livres, on doit interrompre la narration pour parler de son chien, de ses pantoufles, ou de sa maîtresse. Un tel sans-gêne, d'abord les charma, puis leur parut stupide ; — car l'auteur efface son œuvre en y étalant sa personne.
Par besoin de dramatique, ils se plongèrent dans les romans d'aventures, l'intrigue les intéressait d'autant plus qu'elle était enchevêtrée, extraordinaire et impossible. Ils s'évertuaient à prévoir les dénouements, devinrent là dessus très forts, et se lassèrent d'une amusette, indigne d'esprits sérieux.
L'oeuvre de Balzac les émerveilla, tout à la fois comme une Babylone, et comme des grains de poussière sous le microscope. Dans les choses les plus banales, des aspects nouveaux surgirent. Ils n'avaient pas soupçonné la vie moderne aussi profonde.
"Quel observateur !" s'écriait Bouvard." »
[...]
Gustave Flaubert : Bouvard et Pécuchet
BIBLIOTHÈQUE : Toujours en avoir une chez soi, principalement quand on habite à la campagne.
LIVRE : Quel qu'il soit, toujours trop long.
Gustave Flaubert : Dictionnaires des idées reçues
LIVRE : Quel qu'il soit, toujours trop long.
Gustave Flaubert : Dictionnaires des idées reçues
(Billet déjà publié en mai 2009 sur le blog Feuilles d'automne)
vendredi 17 novembre 2017
Une historiette de Béatrice
jeudi 16 novembre 2017
mercredi 15 novembre 2017
Une bibliothèque
« Encore une fois, le paysage lui collait à la peau
comme un vêtement familier et achevait de le rendre à ses repères habituels. Il
n’y avait que des prospectus dans la boîte à lettres. Il les laissa dedans pour
qu’ils pussent profiter de la chaleur du soir. Il éprouvait un besoin urgent de
se mettre à l’aise et de faire du feu dans la cheminée. Il ouvrit les fenêtres
pour que l’humidité de la nuit de juillet compense la chaleur de la flambée. La
question du papier pour faire prendre le feu se posa de nouveau. Il avait dans
sa poche, soigneusement plié, un numéro de Suck,
mais il ne voulait pas le sacrifier aussi vite, alors qu’il avait réussi à lui
faire passer la douane. Il préférait brûler un livre et, les yeux fermés, il
attrapa une exemplaire du Quichotte,
des éditions Sopena. C’était un ouvrage contre lequel il gardait une vielle rancœur
et il se délectait d’avance à l’idée qu’il le destinait au bûcher, et son seul
regret venait, tant pis, des illustrations qui accompagnaient les aventures de
cet imbécile.
En manches de chemise, il édifia un curieux échafaudage de petit bois et de bûches, plaça le Quichotte au-dessus, les pages ouvertes et il y mit le feu. La scène lui rappela un vieux conte d’Andersen dans lequel le lecteur assiste avec angoisse à l’évolution d’une fleur de lin de sa naissance jusqu’à sa mort, devenue livre et brûlée dans une joyeuse cheminée de Noël. Il lui restait encore plus de trois mille cinq cent volumes sur les étagères, autant de barreaux de prison. De quoi faire trois mille cinq cent flambées pendant dix ans. »
En manches de chemise, il édifia un curieux échafaudage de petit bois et de bûches, plaça le Quichotte au-dessus, les pages ouvertes et il y mit le feu. La scène lui rappela un vieux conte d’Andersen dans lequel le lecteur assiste avec angoisse à l’évolution d’une fleur de lin de sa naissance jusqu’à sa mort, devenue livre et brûlée dans une joyeuse cheminée de Noël. Il lui restait encore plus de trois mille cinq cent volumes sur les étagères, autant de barreaux de prison. De quoi faire trois mille cinq cent flambées pendant dix ans. »
Manuel Vázquez Montalbán : Tatouage (1976)
Traduit de l’espagnol par Michèle Gazier et Georges Tyras
mardi 14 novembre 2017
samedi 11 novembre 2017
La date (Une histoire du Fleuve)
Quel plaisir de vous annoncer la parution du numéro 29 de la revue Le Visage Vert dans laquelle figure une nouvelle de votre serviteur ! La Date est le titre de cette histoire et a été orné par la très talentueuse Céline Brun-Picard qui avait bien voulu, il y a deux ans illustrer le recueil publié chez le même éditeur. Désormais, il est nettement plus facile de se procurer les publications du Visage Vert, leur distribution étant assurée en librairie.Vous pouvez donc le commander si vous ne le trouvez pas dans les rayons.
Votre serviteur espère que vous tirerez quelque plaisir à la lecture de son texte, ainsi que pour tous les autres qui garnissent cette dernière livraison.
Bien sûr, ce récit faisant parti de l'univers du Fleuve, on le retrouvera mentionné ici.
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