— « OH ? Vous n’avez pas de poésie aujourd’hui dans votre caisse à 1 euro ?
………
— Bon, je repasserai cet après-midi, peut-être que d’ici-là, il y en aura. »
Cette historiette a été publiée pour la première fois en décembre 2011 sur le blog Feuilles d'automne
dimanche 7 décembre 2014
samedi 6 décembre 2014
De l’écriture manuscrite, considérée dans sa possible disparition
Faire sa fête à l’écriture
manuscrite : l’idée provient sans doute d’un consortium d’hyper cerveaux du
côté de quelque Silicon Valley. Il s’agit de substituer à l’apprentissage, par
enfants et adolescents, du geste graphique, le glorieux et rapide
« traitement de texte » que permet la technologie. Pratique obscurantiste
et démodée que l’écriture manuscrite ? Avatar médiéval ? Luxe
aristocratique ? Nous y sommes. S’agirait-il de la mettre hors la loi,
comme c’est le cas désormais dans une partie des états américains ? et
comme c’est en débat dans certains états d’Europe du Nord ? L‘école ne serait plus un lieu où la
pensée se construit à la main, dans le sillon des lignes. Adieu plumes et
stylos, crayons et feutres. Au revoir la page intimidante, les brouillons
griffonnés, les incipit emblasonnés, les calligraphies tâtonnantes où la lettre
prend corps. Exit enfin,la musicalité du cahier, cet ensemble relié de
variations sur le thème de l’apprentissage personnel.. Autant d’accessoires à
ranger au cabinet des antiques , avec étiquette datée, pour tout cet
attirail devenu historique, obscur témoin de l’écriture et de la différence.
C’est d’ailleurs cette « différance », avec ses ratures et ses
marges, qu’il s’agit de traiter comme une approximation, ou une tare. Mais
s’est-on suffisamment enquis de ce que pourrait bien signifier une enfance sans
trace écrite, et, dans nos sociétés, une entrée dans la vie dénuée de cettealchimie
lettriste qui ouvre la porte des signes ?
Alors oui, surveillons nos plumes et nos (belles) lettres ! Quelles que soient par ailleurs nos pratiques sociales et culturelles, applaudissons l’écriture manuscrite, canevas premier d’une toile ultérieur. Retrouvons parfois l’émotion du « vide papier que sa blancheur défend »… Mesurons aussi l’ampleur des risques à l’aune de la « haine de l’écriture », et de ses conséquences historiques.
Alors oui, surveillons nos plumes et nos (belles) lettres ! Quelles que soient par ailleurs nos pratiques sociales et culturelles, applaudissons l’écriture manuscrite, canevas premier d’une toile ultérieur. Retrouvons parfois l’émotion du « vide papier que sa blancheur défend »… Mesurons aussi l’ampleur des risques à l’aune de la « haine de l’écriture », et de ses conséquences historiques.
Jean-François Cassat
jeudi 4 décembre 2014
L'Ange des livres
Je connaissais toutes les librairies de New York dans
lesquelles on trouvait des livres français.
Leurs propriétaires, vieux et juifs pour la plupart me laissaient errer dans les réserves. Ils comprenaient. Lorsque je poussais la porte, ils faisaient une mine à la fois grognonne et narquoise, hochaient la tête ; puis avec un soupir, ils se levaient, tournaient des boutons : la magie des couloir s’illuminait ; sans un mot ils regagnaient leur coin, se penchaient de nouveau sur leurs paperasses. J’entrais dans un silence immortel.
Il est certain que je fus souvent guidé. Tout se passait comme si une invisible Sagesse se fût condensée en clé pour m’ouvrir certaines portes. Les ouvrages que je voulais — que je devais — connaître, en cette heure essentielle de la jeunesse, l’Ange des livres aussitôt les plaçait entre mes mains.
Il existe indubitablement — ainsi que Breton a tenté de l’établir dans les parties scientifiques de son œuvre — une connexion occulte entre le désir et son objet.
Occulte parce que l’objet ne se donne pas toujours à qui le convoite quand il le convoite. De sorte que les sceptiques ont beau jeu, qui prétendent que cette connexion est illusoire, et que ceux qui y croient sont les dupes de leur imagination.
De fait, Il ne serait pas trop difficile de montrer qu’ici comme ailleurs ce sont les sceptiques qui sont les dupes de leur scepticisme, lequel empêche les phénomènes dont ils nient l’existence de se produire.
Leurs propriétaires, vieux et juifs pour la plupart me laissaient errer dans les réserves. Ils comprenaient. Lorsque je poussais la porte, ils faisaient une mine à la fois grognonne et narquoise, hochaient la tête ; puis avec un soupir, ils se levaient, tournaient des boutons : la magie des couloir s’illuminait ; sans un mot ils regagnaient leur coin, se penchaient de nouveau sur leurs paperasses. J’entrais dans un silence immortel.
Il est certain que je fus souvent guidé. Tout se passait comme si une invisible Sagesse se fût condensée en clé pour m’ouvrir certaines portes. Les ouvrages que je voulais — que je devais — connaître, en cette heure essentielle de la jeunesse, l’Ange des livres aussitôt les plaçait entre mes mains.
Il existe indubitablement — ainsi que Breton a tenté de l’établir dans les parties scientifiques de son œuvre — une connexion occulte entre le désir et son objet.
Occulte parce que l’objet ne se donne pas toujours à qui le convoite quand il le convoite. De sorte que les sceptiques ont beau jeu, qui prétendent que cette connexion est illusoire, et que ceux qui y croient sont les dupes de leur imagination.
De fait, Il ne serait pas trop difficile de montrer qu’ici comme ailleurs ce sont les sceptiques qui sont les dupes de leur scepticisme, lequel empêche les phénomènes dont ils nient l’existence de se produire.
Charles Duits : André Breton a-t-il dit passe (1969)
Galant(e)
Galant(e)
Fille galante, prostituée. — La Baudoin, la trouvant d'ailleurs d'une figure intéressante, n'eut pas de peine à lui faire embrasser l'état de fille galante. (Inspect. de Police.)
Vert galant : jeune homme entreprenant auprès des femmes. — Belle servante et mari vert galant. (La Fontaine, Contes.)
Galante : femme qui recherche des aventures amoureuses. — Tudieu, quelle galante ! Comme elle prend feu d'abord ! (Molière, Pourceaugnac.)
Marie-François Le Pennec : Petit glossaire du langage érotique aux
XVIIe et XVIIIe siècles (1979)Fille galante, prostituée. — La Baudoin, la trouvant d'ailleurs d'une figure intéressante, n'eut pas de peine à lui faire embrasser l'état de fille galante. (Inspect. de Police.)
Vert galant : jeune homme entreprenant auprès des femmes. — Belle servante et mari vert galant. (La Fontaine, Contes.)
Galante : femme qui recherche des aventures amoureuses. — Tudieu, quelle galante ! Comme elle prend feu d'abord ! (Molière, Pourceaugnac.)
(Index)
mardi 2 décembre 2014
Où le Tenancier soliloque et sent confusément qu'il va y avoir de la relance dans la gelée de coings à cause d'un éditeur qui ferait des livres, paraît-il...
Il m’a été donné de montrer mon exaspération à plusieurs
reprises dans le présent blogue et celui qui le précédait au sujet du commerce
du livre et de la librairie, position que l’on jugera légitime si l’on se
souvient que je suis dans ce métier depuis 1979, ou bien anormale si l’on
considère mon éloignement des pratiques de la librairie de neuf ou toute autre
métier s’y rapportant depuis quelques années. Je m’aperçois avec la distance
que l’énervement ou l’inquiétude que je manifestais ne se rapportait pas tant
aux pratiques qu’aux mentalités qui prévalent toujours dans ce milieu et qu’il
m’arrive de constater souvent lorsque je rentre dans certaines librairies, ou
bien lorsque j’ai affaire professionnellement à elles — pas trop souvent, fort
heureusement. Que l’on ne se méprenne pas sur ces précautions oratoires ;
par ce préambule j’énonce simplement l’endroit « d’où je parle » et
je ne cherche pas un instant à me conférer une quelconque légitimité en matière
de commerce de livre. A la vérité, cette distance a été entérinée il y a des
années, lorsque j’ai déclaré que jamais je ne retournerai en librairie de neuf.
Partant de cela, je ne vais pas non plus me réfugier dans une sorte de fausse
modestie. J’ai bouffé du livre à toutes les sauces depuis à peu près trente-cinq
ans, vendu des merdes immondes ou des livres sublimes, des populaires ou des
tirages de tête, tenu des stands de BD (Les Humanoïdes, s’il vous plaît !)
et me suis un peu torché lors d’une convention de SF (et n’en suis pas fier),
édité des livres fabriqués par un grand artisan du livre, critiqué, fabriqué
très modestement des bouquins fautifs avec des coquilles dans le coin de mon
burlingue, et j’en ai lus aussi. J’ai appris finalement que le déluge pouvait
tomber après moi parce que j’aurai mon comptant de livres jusqu’à ce que on me
balance dans le trou et que je vais finir avec un retard de lecture abyssal,
jouissance de la plénitude jamais assouvie, assez masochiste, en somme. Tout cela m’appartient, y compris
le fait que j’ai fini par savoir ce qu’est un livre correct. Non, je ne sais
pas ce qu’est un livre. Je ne suis
pas cuistre à ce point. Ce savoir là est détenu par l’artisan que je cite plus
haut ou bien par des personnes qui portent l’amour du livre jusqu’à en avoir
des exigences d’amant. Moi, je me contenterai du livre correct, celui qui ne se
fout pas de la gueule du monde, qui respecte le lecteur et son auteur, dont la
mise en page observe quelques règles, dont le brochage ne sort pas de chez
Barnum, dont la maquette et l’allure générale ne fait pas dans cette fausse
frugalité qui recouvre l’impéritie. Voici ce que j’écrivais en commentaire d’un de mes
billets il y a cinq ans :
Ce billet constitue une réponse au billet d’un blog d’éditeur ; je ne le citerai pas et ne mettrai pas de lien. Il m’est arrivé d’avoir de ses productions entre les mains. Il m’est arrivé d’en avoir vendu (à la Librairie Delatte, déjà citée dans ce blogue). Il m’est même arrivé d’en critiquer l’aspect publiquement et de m’être attiré le courroux d’un auteur ami et publié par celui-ci. Le conflit pour le conflit ne m’intéresse pas. Une chose est sûre, j’ai acheté un livre par amitié et un autre il y a longtemps pour compléter une connaissance. A mon avis, on ne m’y reprendra pas parce que ce sont des livres qui ne me respectent pas.
« Allons au bout de notre pensée, pour ne point trop être sibyllin : se moquer de la fabrication d'un livre c'est accepter qu'il soit fabriqué n'importe comment, c'est donc abaisser son critère d'exigence au plus petit dénominateur commun avec le papier hygiénique. Mépriser la fabrication du livre, sa mise en page, ses formats, sa composition, sa typo, s'est se disqualifier définitivement lorsque l'on vient me vanter du livre en tant que matériaux irremplaçable de la lecture. Certes, cela n'empêchera personne de lire que de le faire sur du papier dégueulasse, une mise en page déséquilibrée, etc. Mais l'enjeu de sa pérennité est là. En ne vivant que dans la précarité du présent, la plupart des libraires de neuf que je croise encore n’ont aucune idée de la tradition du livre, de son passé et de ses créateurs. Et ces libraires mêmes condamnent leur outil de travail par indifférence affichée.Il s’avère que cette appréciation agacée que je livrais à l’encontre des libraires peut fort bien se reporter à certains éditeurs qui, croyant pourfendre les libraires refusant de prendre leurs ouvrages semblent ne pas vouloir s’apercevoir de la médiocrité de ce qu’ils fabriquent. Ces mêmes éditeurs ont beau traiter les libraires de boutiquiers, il n’en demeure pas moins qu’ils ne valent pas mieux lorsque l’on contemple ce qu’ils osent appeler des « livres ».
Alors, oui, on peut ne pas savoir faire une différence entre un in-8° et in-4°, entre une reliure et un cartonnage, entre un livre de la Pléiade et un beau livre... Mais ne venez pas vous plaindre que, vendant des livres de merde, ils le soient sur des supports aussi indigents. Et demandez-vous pourquoi les éditeurs de bibliophilie contemporaine, les créateurs qui travaillent main dans la main : typographes, graveurs, poètes ou écrivains, lithographes, etc., ne se reconnaissent qu'à peine dans vos activités de libraires... et pourquoi ces livres se retrouvent hors de vos rayons. »
Ce billet constitue une réponse au billet d’un blog d’éditeur ; je ne le citerai pas et ne mettrai pas de lien. Il m’est arrivé d’avoir de ses productions entre les mains. Il m’est arrivé d’en avoir vendu (à la Librairie Delatte, déjà citée dans ce blogue). Il m’est même arrivé d’en critiquer l’aspect publiquement et de m’être attiré le courroux d’un auteur ami et publié par celui-ci. Le conflit pour le conflit ne m’intéresse pas. Une chose est sûre, j’ai acheté un livre par amitié et un autre il y a longtemps pour compléter une connaissance. A mon avis, on ne m’y reprendra pas parce que ce sont des livres qui ne me respectent pas.
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