lundi 9 janvier 2017

Abbaye

Abbaye : Four. (Vidocq.) — Un four est voûté comme un cloître d'abbaye.

Abbaye ruffante :  Four chaud. (Idem.) — Mot à mot : four rouge de feu. Ruffant semble dériver du latin rufus : rouge. (?)

Abbaye de Monte à Regret : Échafaud. (Idem.) — Comme une abbaye, l'échafaud sépare de ce monde , et c'est à regret qu'on monte les marches

Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881



Abbaye : Four. Four à plâtre ; il sert de domicile aux vagabonds.

Abbaye de Monte-à-Regret : L'échafaud.

Abbaye des s'offre-à-tous : Lupanar.

Abbaye ruffante : Four chaud.

Jules Vallès : Dictionnaire d'argot et des principales locutions populaires, 1894

(Index)

dimanche 8 janvier 2017

Trois étoiles


(Dédié à Otto en 2009... comme c'est le type d'alcool qui vieillit bien, le Tenancier persiste et signe tout en tendant son verre.)

Mystérieuse matin, midi et soir...



J’avais dix ou onze ans, je traversais alors un monde neuf dans lequel mon meilleur ami d’enfance, Vincent, venait de faire son intrusion en s’installant dans le bâtiment d’à côté. Je sautais par la fenêtre du rez-de-chaussée pour cavaler à en perdre haleine entre l’odeur de l’herbe coupée, celle des feuilles mortes encloses dans du grillage et dans lesquels nous prenions nos bains de saveurs sèches. L’automne lui-même vivifiait nos aventures ; il n’y avait nulle saison qui tenait notre perpétuelle mobilité. Seule une maladie de gosse, Zorro à la téloche le jeudi après-midi et la lecture savaient suspendre nos va-et-viens en biclou et nos écorchages de genoux. Et l’école ? L’école n’existait pas, c’était un hiatus fâcheux, une sorte de stase entre deux aventures, comme pour des astronautes dans un coma artificiel qui vivraient un rêve épouvantablement chiatique. La livraison de nos journaux de mômes suspendait également la frénésie. Vincent était abonné à Mickey. Je n’aimais pas trop, même si Guy Léclair m’aurait enchanté... mais le moyen de se plonger dans l’enchantement sur deux planches qui s’arrêtaient net. Le tourné de la page avait autant d’importance que maintenant. Vincent fut à l’école de la patience, il lisait assidûment et hebdomadairement ces aventures-là, progressant pas à pas. Non loin, Onc’ Picsou nageait sempiternellement dans sa réserve d’or sur plusieurs pages. J’étais sans doute assez cancre pour ne pas savoir attendre. Mon père rapportait un numéro de Pilote pratiquement toute les semaines, tout cela traînait au large de ma curiosité que je n’hésitais pas à rassasier... mais pour moi, c’était Pif gadget, évidemment pour le gadget d’abord, mais ceci est une autre histoire. J’y trouvais des aventures complètes, des histoires de guerre et puis les Pionniers de l’Espérance, qui ne finissait pas au bout de deux planches, et puis d’autres trucs encore qu’on se racontait à l’heure de la récré au même titre que le feuilleton qui passait la veille et que certains — dont moi — avaient pu regarder. Crevé le lendemain, rêveur près de la fenêtre, dans la forme des nuages... Et puis un jour déboula sous mes yeux Mystérieuse, matin midi et soir de Jean-Claude Forest. J’avais dix ou onze ans. J’appris par la suite que l’histoire était adaptée de l’Île mystérieuse, de Verne. J’avais été captivé par l’étrange atmosphère de ce récit de naufragés résidant dans un arbre géant. La suite n’est pas venue. Je sus bien plus tard que la rédaction de Pif en avait arrêté la publication. Restait cet inachèvement, longtemps, jusqu’à maintenant, à vrai dire. Verne faisait partie déjà de mes lectures. En fait je vivais une liberté totale dans mes choix. Pas de sourcilleux pédagogue pour me dicter ce que je devais lire, pas d’écrivains pour la jeunesse ou pour ado ! Alors Verne, malgré mes dix ans et puis l’Étoile du néant de Pierre Barbet dans un volume « à la fusée » de la collection Anticipation et puis des lectures de mômes et d’un peu moins môme que je ne lisais même pas en cachette, des livres oubliés, ou que je croise encore du coin de l’œil... Tout m’allait. Ce qui m’importait, c’était que l’histoire se termine, c’était d’arriver à bout autant qu’au bout du récit, de l’épuiser sous moi, comme un canasson rétif, comme pour racheter les remords de ne jamais avoir pu achever cette île mystérieuse et dont le roman original paraissait un succédané. Pourtant j’aimais Verne, j’aime Verne, mais le dessin de Forest, mais la magie du trait...
Le temps passa. Dix ans plus tard, à peu près, animant une émission de radio sur la SF, je rencontrai André Ruellan. Nous nous fréquentâmes ensuite de loin en loin... Et puis, à la librairie où je travaillais, qui, avant internet, recherchait des livres épuisés, je croisai Jean-Claude Forest, client de passage. Je fus sans doute trop timide et puis il y avait la crainte de proférer une niaiserie, je ne parlai pas de cela, de cette île inachevée. Dix ans s'écoulèrent encore et voici qu’André au détour d’une conversation me révèla que le titre était de lui : une prescription de toubib, en somme — ce qu’il avait été — : Mystérieuse, matin, midi et soir...
Et puis en 1997, j’édite du Jean-Claude Forest grâce à André : une autre histoire que celle qui me l’avait fait connaître, mais avec le texte d’André Ruellan. Ce fut un moment exceptionnel pour moi, détaché des contingences de l’enfance, pourtant. L’île s’estompait, curieusement, comme si au contact des deux hommes, toute espèce de nostalgie était bannie. La photo d’un billet récent ne montre rien que quatre personnes attablées à une besogne assez sommaire. C’était pourtant un moment heureux. En évoquant ce passage fugace revient à la pratique fuligineuse de cette nostalgie qui avait semblé me fuir lorsque je la vivais. L’enfance et puis ce moment-là... et je réalise que je ne lui avais jamais parlé de cette lecture inachevée, alors que peu à peu, au cours de ces années, les faits et les livres convergeaient à cette rencontre, à partir de  quelques planches publiées en 1971. J’avais dix ou onze ans... Je suis nettement plus vieux, maintenant, et je sais que je ne pourrai pas revenir en arrière, prendre le temps de dire à André, ou à Jean-Claude tout ce que j’aurais dû dire, comme il arrive pour tous ceux que l’on regrette. Qu’importe, les regrets valent mieux que les remords.
Et puis, j’ai lu, j’ai lu encore et toujours. Et, bien évidemment, je n’ai jamais repris la lecture de Mystérieuse matin, midi et soir.
Il y a bien des façons d’avoir dix ou onze ans...

samedi 7 janvier 2017

Abatage (Maison d'), Abattage

Abattage (Vente à l') : Vente sur la voie publique que les objets exposés couvrent comme si on le y avait abattus.

Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881



Abatage : Étalage de marchandise en plein vent. Vive réprimande.

Jules Valles : Dictionnaire d'argot et des principales locutions populaires, 1894



Abatage (Maison d') : Maison de tolérance à gros débit.

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)



Abattage n.m. Commerce galant rapide, à prix fixe et de tarif modeste. S'emploie presque uniquement dans l'expression « maison d'abattage ».
Situé dans le quartier Saint-Paul, le « Fourcy », la plus illustre maison d'abattage parisienne, pratiquait jusqu'en 1939 le tarif de 5,50 F somme ainsi décomposée, comme le clamaient sans arrêt les sous-maîtresses à l'adresse des clients : « Cinq francs la dame et la chambre !... Qui donne dix sous ? Qui monte ? » Les dix sous supplémentaires étant non un pourcentage pour le service mais le prix de la serviette. Ce « prix unique » de l'amour connaissait les samedis, dimanches et jours chômés, une telle affluence de clientèle que certaines pensionnaires avenantes se voyaient en ces périodes fastes quotidiennement honorées jusqu'à soixante-dix fois. Détail : pour faciliter l'accès aux étages, pensionnaires et clients, les unes précédant les autres, devaient, dans l'escalier étroit, tenir leur droite, à la montée comme à la descente, selon les principes d'une circulation bien réglée.
Nécessairement robustes pour soutenir un effort prolongé, les pensionnaires de maison d'abattage étaient souvent fort jolies. On y reconnaissait des transfuges des maison haut cotées. En règle générale ces sujets exceptionnels se trouvaient là pour deux ou trois semaines en expiation d'une incorrection commise à l'égard de leur homme, ou encore pressés par la nécessité de remettre à flot une trésorerie compromise sur les hippodromes par l'élu de leur cœur. ○ EXEMPLE : La Léa a fait un galoup au Gros Gégène... Il l'a cloquée pour trois semaines dans une taule d'abattage.

Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)

(Index)

vendredi 6 janvier 2017

Une historiette de Béatrice

« En fait c’est cool votre boulot, vous rassemblez des livres qu’on vous donne et vous les vendez ! »

10/18 — Karl Marx : Manifeste du Parti communiste




Karl Marx

Le manifeste du Parti communiste

suivi de
La lutte des classes

n° 5

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Volume double

188 pages (192 pages)
Couverture de Pierre Bernard
Achevé d'imprimer : 23 octobre 1978
Dépôt légal : 2e trimestre 1962
ISBN : 2-264-00840-7

TABLE DES MATIÈRES

Introduction, par Robert Mandrou [5 — 8]
Karl Marx et Friedrich Engels : Le manifeste du Parti communiste (1847) [9 — 63]
       Préface de l'édition anglaise de 1888, par Friedrich Engels [11 — 17]
       Notes du Manifeste [62 — 63]
Karl Marx : Les luttes de classes en France (1848 — 1850) [67 — 188]


(Contribution du Tenancier)
Index

jeudi 5 janvier 2017

Abatis, Abattis

Abatis, Abattis : Pieds, mains. — Allusion aux abatis d'animaux. — « Des pieds qu'on nomme abatis. » (Balzac) — « C'est plus des pieds ; c'est de la marmelade... Ils me coûtent joliment cher, ces abattis-là. » (Commentaires de Loriot, Auxerre, 69.) — « A bas les pattes ! Les as-tu propres, seulement, tes abattis, pour lacer ce cordage rose ? » (E. Villars)

Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881



Abatis : Les pieds, les mains, les membres en général. Abatis canailles, extrémités grosses, rougeaudes, massives.

Jules Valles : Dictionnaire d'argot et des principales locutions populaires, 1894



Abatis : Membres. (bras et jambes). Ex. : Numéroter ses abatis : compter ses os avant ou après un danger.

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)

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mercredi 4 janvier 2017

Signez ici

Lors de la présentation de l’ouvrage de Raymond Gid, une de nos lectrices assidues (il s'agit en réalité d'ARD, sur le blog Feuilles d'automne, où ce billet fut publié primitivement en février 2009) fit allusion à une mention que j’avais donnée dans le descriptif de l’ouvrage, à savoir qu’il avait été justifié par l’auteur. A juste titre, elle s’interrogeait sur le fait que la justification que je donnais ne concernait pas le contenu. En fait, en d’autres termes, il apparaissait que la disposition de la typo n’était pas alignée à droite ou à gauche — ou bien les deux —, c’est à dire justifiée, selon les termes du métier.


La justification de tirage de « Comptine pour saluer le métier de marbreur », ouvrage présenté dans un précédent billet

En effet, ici, le terme ne s’appliquait nullement à la disposition typographique mais avait un rapport avec le tirage de l’ouvrage. Pour plus de clarté, on reviendra dans un article ultérieur sur la mise en page car il appelle quelques développements qui risqueraient de nous mettre dedans. Ce serait malheureux : on vient à peine de sortir de la torpeur...
La notion de bibliophilie a toujours été accolée à celle de tirages restreints ou à tout le moins limités pour l’un de ses composants. Pour vérifier la justesse de ce tirage, on avait coutume de numéroter les exemplaires, souvent même d’y appliquer plusieurs types de numérotation selon les papiers : chiffres arabes, romains, alphabet.


Une justification de tirage de « Un Pari de milliardaire » de Mark Twain, au Mercure de France en 1925. Une numérotation toute simple, pas de déclinaison de papier puisque nous sommes ici face à une réédition.

Cette disposition pratique est encore en usage dans la bibliophilie contemporaine, elle est utilisée notamment dans les exemplaires sur « beau papier » de chez Gallimard ou des Éditions de Minuit, souvent avec une numérotation unique. Cette numérotation excite un morne fétichisme qui veut que le n° 1 ait plus d’intérêt que le dernier numéro du tirage. A notre sens, ces exemplaires se valent : même papier, mêmes couvertures et peut-être même vague ennui que procurent ces publications, sauvées parfois par leur contenu non par leur façon : offset sur vélin, brochage industriel, la belle affaire…
Mais, la bibliophilie c’est aussi autre chose, de ces livres, quelquefois aux tirages confortables, qui se font des mines en parant leurs justifications de tirage d’ajouts baroques, de signatures d’artistes, d’éditeurs, d’illustrateurs, voire des trois…
Justification, le mot est lâché, enfin.
La justification de tirage, ou colophon, est le moyen par lequel l’éditeur fera connaître la teneur du tirage : la qualité et le nombre de beaux papiers proposés, leur quantité dans chaque papier et le numéro qui insère l’ouvrage que vous tenez dans les mains dans cette série. Or, parfois, l’éditeur – ou l’auteur, ou l’illustrateur – ont pour mission d’apposer leur paraphe pour authentifier le travail de l’imprimeur : ainsi, point de double tirage (on est pas dans les lithos de Dali…) Le libraire, devant cette signature, dans le descriptif, dira ainsi que cet exemplaire a été justifié par l’éditeur, par exemple. Ce qui était le cas du livre de Raymond Gid, qui en était également l’auteur.

Justification avec la marque de l'auteur, Rachilde pour « La Jongleuse », au Mercure de France...


... avec la marque du traducteur, Henry-D. Davray, pour les « Premiers Hommes dans la Lune » de Wells, au Mercure de France

Évidemment, ce qui est possible pour une centaine d’exemplaires devient une entreprise quelque peu malaisée lorsqu’il s’agit de justifier un tirage pour le grand public. Or, ce besoin se fit sentir chez quelques éditeurs scrupuleux, désireux que chaque volume dont on avait fixé le tirage au préalable fut approuvé par l’auteur. A cette fin, ces auteurs furent dotés d’une marque personnelle apposée au colophon, lors du tirage. Cette méthode fut quelque fois utilisée aux XIXe et XXe siècles, comme le Mercure de France, Gallimard (rarement, il est vrai), la petite collection Les Introuvables, etc. Ces mêmes eurent recours bien plus souvent à la numérotation. Quelquefois, l’on trouve également la signature imprimée de l’éditeur, certifiant que l’ouvrage émane bien de son officine, précaution quelque peu superfétatoire à une époque ou les contrefaçons littéraires s’étaient estompées depuis plusieurs années.

Ces justifications de tirages du Mercure de France ont été collationnées et reproduites par Christian Laucou-Soulignac pour ses Éditions du Fourneau (plus tard : Fornax) dans l'ouvrage ci-dessus. Il a du reste récidivé pour Les Introuvables, ci-dessous.



Enfin, la bibliophilie moderne redécouvrit la signature originale pour des tirages réduits. Parfois, la justification pouvait même s’accompagner d’une phrase originale de l’auteur, d’un petit dessin, tout dépendait également de l’importance de l'ouvrage ou du projet bibliophilique. Bien sûr ces signatures ne revêtent pas autant d’importance que les envois autographes des mêmes, mais elles témoignent d’un contrat passé entre l’éditeur, l’auteur et son lecteur au terme duquel cet ouvrage a été approuvé et tiré scrupuleusement.

Justification de tirage pour « Marie Mathématique », de Jean-Claude Forest. Pour ce tirage de tête, l'auteur a à la fois apposé sa signature et son monogramme (qui est la transcription idéogrammatique de son nom)


De gauche à droite : Christian Laucou-Soulignac qui réalisa la maquette et l'impression de « Marie Mathématique », André Ruellan, co-auteur, Jean-Claude Forest, l'auteur, et le Tenancier de ce présent blog qui eut la chance de publier tout cela ! On assiste ici à la séance de signature où l'auteur compléta la justification de tirage, comme plus haut... (Cliché de Petra Werlé)
Ainsi, lorsqu’un libraire mentionne qu’un ouvrage a été  « justifié », cela signifie que vous y trouverez une signature ou une marque quelconque qui authentifiera le tirage.

lundi 2 janvier 2017

Abadis

Abadis : Foule, rassemblement. — « Pastiquant sur la placarde, j'ai rembrocqué un abadis du raboin. » (Vidocq)

Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881



Abadie, Abadis
: Foule, rassemblement (de badauds).

Jules Valles : Dictionnaire d'argot et des principales locutions populaires, 1894

(Index)

dimanche 1 janvier 2017

Bonne année


Le Tenancier et les lecteurs du blog recevant les bonnes résolutions de l'année nouvelle apportées par Otto, qui a dû crever cinq chevaux sous lui pour être à l'heure.
(Allégorie croquée sur le vif par M. Jean-Léon Gérôme qui ira loin, ce p'tit gars...)