— « Alors, Tenancier, ça
baigne ?
— Z’êtes bien familier.
— Depuis le temps que je vous interpelle…
— Ça fait trois fois, si je ne me trompe. C’est vrai qu’à ce stade-là, c’est plus de l’intimité. Bientôt, va falloir que je vous cède un bout de mon plumard ou de ma gamelle, non ?
— C’est pas possible, ça, toujours de mauvaise humeur !
— J’aime pas qu’on me dérange. Est-ce que je viens, moi, vous emmerder dans les recoins ? Comme je vais encore avoir droit à des questions, allez-y tout de suite.
— Pas de question cruciale, non… je voulais seulement savoir si vous étiez au courant de ce qui s’est passé à Toulouse.
— Non, et ?
— Je vous résume alors : un dessinateur a entrepris de créer un blog où il avait rassemblé les histoires de harcèlement ordinaire dont les femmes étaient victimes. Tous les harceleurs étaient uniformément représentés sous la forme de crocodiles, d’où le nom, d’ailleurs : Projet Crocodiles. C’est souvent bien observé, et un éditeur a décidé d’ailleurs d’en publier quelques planches en album.
— Je connais, je suis allé sur ce blog.
— Une expo a été prévue à Toulouse, donc. D’après ce que j’ai compris, les dessins devaient être exposées dans la ville. La municipalité a décidé que ça ne se ferait pas étant donné la « violence » de certaines planches.
— Ah ouais ? Sont forts, ces Toulousains…
— N’est-ce pas ?
— On pourrait même se poser une question.
— Laquelle ?
— Tous les Toulousains sont-ils des crocodiles ?
— Certainement pas. Enfin, j'espère que non...
— C’est marrant, tout de même, comme l’ordre moral revient au galop. Moi, je m’attendais à une condamnation quelconque pour obscénité pour un livre ou un spectacle, mais j’avais compté sans le côté faux-derche de nos censeurs : l’alibi d’une violence supposée, alors que pas un édile n’a dû se poser la question de l’obscénité de la représentation de la violence, celle dont les images sont nettement plus explicites et qui courent les rues et les médias. De là à se dire qu’ils se sentent concernés directement par le sujet du harcèlement sexuel…
— Oh, doucement, Tenancier, il y a une femme qui est venue expliquer tout ça devant une caméra. Je crois qu’elle fait partie du Conseil municipal. Il y aurait des enfants choqués potentiellement par les planches exposées au public.
— Et alors ? Je ne vois pas pourquoi les femmes ne seraient pas complices. On voit bien des chiens ne jamais ronger leur laisse… Pour les mômes, je rigole doucement, comme s’ils n’étaient pas confrontés à pire. D’ailleurs, s’ils sont assez grand pour comprendre le sens de ces crobards, ils sont assez mûrs pour en saisir les implications. Ce serait toujours ça de pris. Enfin pas par les gluants toulousains, en tout cas. J’aime bien les censeurs, moi, quand même.
— ?
— Oui, on est jamais déçu dès qu’il s’agit de guetter les contorsions par lesquelles ils passent pour interdire un truc. Enfin, le coup de la violence vis à vis des enfants, c’est pas très frais comme idée. Mais après tout, c’est à la hauteur de l’objet censuré. Sans faire injure au dessinateur, c’est pas du Genet, quoi… Dans le temps, on faisait intervenir les paras.
— On voit la nostalgie dans vos yeux d’azur..
— Négatif, mon p’tit gars, mais faut reconnaître qu’ils savaient crever leur plafond !
— Pas des gonzesses, quoi.
— Allez, rompez ! »
— Z’êtes bien familier.
— Depuis le temps que je vous interpelle…
— Ça fait trois fois, si je ne me trompe. C’est vrai qu’à ce stade-là, c’est plus de l’intimité. Bientôt, va falloir que je vous cède un bout de mon plumard ou de ma gamelle, non ?
— C’est pas possible, ça, toujours de mauvaise humeur !
— J’aime pas qu’on me dérange. Est-ce que je viens, moi, vous emmerder dans les recoins ? Comme je vais encore avoir droit à des questions, allez-y tout de suite.
— Pas de question cruciale, non… je voulais seulement savoir si vous étiez au courant de ce qui s’est passé à Toulouse.
— Non, et ?
— Je vous résume alors : un dessinateur a entrepris de créer un blog où il avait rassemblé les histoires de harcèlement ordinaire dont les femmes étaient victimes. Tous les harceleurs étaient uniformément représentés sous la forme de crocodiles, d’où le nom, d’ailleurs : Projet Crocodiles. C’est souvent bien observé, et un éditeur a décidé d’ailleurs d’en publier quelques planches en album.
— Je connais, je suis allé sur ce blog.
— Une expo a été prévue à Toulouse, donc. D’après ce que j’ai compris, les dessins devaient être exposées dans la ville. La municipalité a décidé que ça ne se ferait pas étant donné la « violence » de certaines planches.
— Ah ouais ? Sont forts, ces Toulousains…
— N’est-ce pas ?
— On pourrait même se poser une question.
— Laquelle ?
— Tous les Toulousains sont-ils des crocodiles ?
— Certainement pas. Enfin, j'espère que non...
— C’est marrant, tout de même, comme l’ordre moral revient au galop. Moi, je m’attendais à une condamnation quelconque pour obscénité pour un livre ou un spectacle, mais j’avais compté sans le côté faux-derche de nos censeurs : l’alibi d’une violence supposée, alors que pas un édile n’a dû se poser la question de l’obscénité de la représentation de la violence, celle dont les images sont nettement plus explicites et qui courent les rues et les médias. De là à se dire qu’ils se sentent concernés directement par le sujet du harcèlement sexuel…
— Oh, doucement, Tenancier, il y a une femme qui est venue expliquer tout ça devant une caméra. Je crois qu’elle fait partie du Conseil municipal. Il y aurait des enfants choqués potentiellement par les planches exposées au public.
— Et alors ? Je ne vois pas pourquoi les femmes ne seraient pas complices. On voit bien des chiens ne jamais ronger leur laisse… Pour les mômes, je rigole doucement, comme s’ils n’étaient pas confrontés à pire. D’ailleurs, s’ils sont assez grand pour comprendre le sens de ces crobards, ils sont assez mûrs pour en saisir les implications. Ce serait toujours ça de pris. Enfin pas par les gluants toulousains, en tout cas. J’aime bien les censeurs, moi, quand même.
— ?
— Oui, on est jamais déçu dès qu’il s’agit de guetter les contorsions par lesquelles ils passent pour interdire un truc. Enfin, le coup de la violence vis à vis des enfants, c’est pas très frais comme idée. Mais après tout, c’est à la hauteur de l’objet censuré. Sans faire injure au dessinateur, c’est pas du Genet, quoi… Dans le temps, on faisait intervenir les paras.
— On voit la nostalgie dans vos yeux d’azur..
— Négatif, mon p’tit gars, mais faut reconnaître qu’ils savaient crever leur plafond !
— Pas des gonzesses, quoi.
— Allez, rompez ! »
Je n'étais pas au courant de cette histoire, mais j'avoue que je ne suis guère surpris de voir qu'une Anastasie (n'ayons pas peur des mots...) s'est invitée au nouveau conseil municipal toulousain.
RépondreSupprimerPuis bon, c'est dans l'air du temps, les uns sont "offensés", les autres soumis à la "violence" ou je ne sais quoi d'autre...
Ne surtout pas sortir du moule...
Otto Naumme
Si ce n'était qu'une Anastasie, mon cher Otto... J'apprends par ailleurs que Toulouse a mis sur pied une brigade municipale "pour maitriser le phénomène SDF". Mais de cela, il n'est pas question de violence, n'est-ce pas ?...
RépondreSupprimerBah, nous avons une très "belle" municipalité, qui s'occupe effectivement des SDF, qui fait descente sur descente dans les quartiers présumés "chauds" (Arnaud B,, pour ceux qui connaissent, on rigole), qui ont nettoyé certains endroits des prostituées...
RépondreSupprimerVous connaissez le principe, cher Tenancier : la poussière sous le tapis, les falbalas. Ca rassure le bon peuple, qui n'est pas raciste, qui n'a rien "contre ces gens-là".
Ce qui pourrait faire grincer des dents, si ces braves gens n'avaient pas tous un dentier, c'est que c'est en ce moment la journée des femmes battues ou un truc comme ça (je ne connais pas la dénomination exacte). Il est clair que quelques dessins dénonçant ces faits sont bien plus "violents" que les faits en question, n'est-ce pas ?
Mais, après tout, Toulouse commence à ressembler à n'importe quelle concentration de connards de par le monde : on a le maire qu'on mérite. Donc, si vous me permettez cette grossièreté, je pisse à la raie de tous les crétins qui ont voté pour ce type.
Otto Naumme
Le Tenancier ne peut que se montrer solidaire mais s'interroge toutefois sur la limitation de nos débordements urinaires sur une seule personne...
RépondreSupprimerAh mais non ! Pas sur une seule personne ! Relisez : "de TOUS les crétins qui ont voté pour ce type".
SupprimerPour le reste, la polémique s'installe, les réactions volent "haut"...
Evidemment, ça commence par "ce dessinateur est nul". Ca continue par "bite, cul, on peut pas montrer ça aux enfants", ça se termine par "quel horrible amalgame qui fait croire que tous les hommes sont des pervers et les femmes des victimes".
Dévalorisation, amalgame, refus de la réalité, tout est bon dans le cochon...
Otto Naumme
Otto, je pensais à tous les cadors qui veulent se faire élire, tout autant que ceux qui les soutiennent.
SupprimerÇa fait plaisir de vous voir en colère, dites-donc...
Ah oh, oui, bien sûr. Même si, dans le simple environnement toulousain, certains le méritent bien plus que d'autres. Disons que ce genre de choses, de même que pas mal d'autres initiatives vomitoires, n'avaient pas lieu jusqu'à l'arrivée de ce nouveau type.
SupprimerEt oui, un poil ronchon, c'est la période qui veut ça...
Otto Naumme
ceci n'est pas sans rappeler l'esclandre qu'a fait Coppé l'hiver dernier sur le livre pour enfants « Tous à poil » (éd. du Rouergue) où l'on voit se déshabiller des personnes représentatives du quotidien. Coppé y a vu un déshabillage de l'autorité.
RépondreSupprimer--
ArD
Tout juste, ArD !
RépondreSupprimerMais de toute façon, ils ne voient que ce qu'ils veulent bien voir.