Les meilleurs esprits de nos jours réclament une réforme dans la
toilette, mais je ne sache pas que, jusqu'ici, personne ait indiqué
l'abus d'où naissent tous les autres, le vice fondamental qu'il faut
corriger avant d'espérer aucune amélioration ; je veux dire l'ignorance
complète où est le tailleur de l'importance de sa profession. Bien
peu, sous ce rapport, s'élèvent au-dessus de l'artisan ; tous, ou peu
s'en faut, font un habit, comme d'autres font des chaises et des
tables. Et cependant, depuis que l'homme est sorti de l'état sauvage
pour vivre en société, de quelle grave fonction se trouve chargé le
tailleur ? Qu'on se figure aujourd'hui un homme nu, ses semblables le
fuient, la société le repousse, il est condamné à vivre isolé, à
retourner à l'état sauvage. Car qui dit homme, dans la civilisation,
dit homme habillé ; l'homme sorti nu des mains de la nature est
inachevé, pour l'ordre de choses où nous vivons ; c'est le tailleur qui
est appelé à le compléter. Nous ne pouvons entrer dans le monde, y
accomplir notre destinée qu'à la condition de passer par ses mains ;
aussi, à peine sommes-nous jetés dans la vie, qu'il nous saisit, nous
suit toujours, nous retient et nous enserre par tous les côtés ; nous
ne lui échappons que pour entrer dans notre lit de mort. Et quel
tailleur a jamais réfléchi à l'importance de pareilles fonctions ? Quel
a jamais songé combien le sort d'un homme était étroitement lié à son
habillement ?
Honoré de Balzac : Physiologie de la toilette, Des habits rembourrés (1830)
(Photogrammes : Fritz Lang, La femme sur la Lune)
Joli pastiche.
RépondreSupprimerDonc si ce n'est vous, c'est vraiment du Balzac... Il s'auto-pastiche, il surjoue sa propre manière... Enfin c'est le sentiment que j'ai eu.
SupprimerL'habit ne fait pas le mort, en somme.
RépondreSupprimer——
ArD