« Il se peut qu’une certaine forme de roman, dans ses
aspects d’ailleurs les plus conventionnels, paraisse périmée, parce qu’elle n’est
déjà plus en mesure de concurrencer ne serait-ce que ces jeux vidéo à l’intérieur
desquels il est désormais possible de pénétrer et, dans la plus parfaite
illusion, d’affronter de véritables images de synthèse — pourra-t-on bientôt s’y réfugier à jamais, jouir et y mourir de la même
façon ? Mais il n’en est pas moins vrai que la littérature, comme sur le
mode antique et dépassé de l’oracle, reste seule maîtresse et gardienne du
sens. Car, dans ce monde progressivement hypnotisé et hébété par ses prouesses technologiques,
la littérature, en tant qu’elle repose sur l’articulation du signe écrit, et
donc sur le développement d’une pensée discursive, garde encore la capacité de
pas être la dupe de ces nouvelles aliénations.
On voit donc aussi ce que sa composition comporte de périls : sur son déclin tant qu’elle s’obstine à vouloir conserver son statut de simple objet de divertissement, elle ne fait plus le poids, n’ayant ni les moyens ni la volonté de rivaliser sur le terrain de la fascination : en ce quelle consiste à exercer, même indirectement, sa fonction critique, elle constitue un obstacle à l’instauration du pouvoir de la sujétion généralisée. » Alain Nadaud : Malaise dans la littérature (1992), in : Revue Quai Voltaire n°6 |
samedi 17 juillet 2021
Sur la « littérature de divertissement »
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