L’autre fois, j’ai effectué une
promenade un peu triste dans
ma ville natale, livrée à une spéculation immobilière qui détruit des
quartiers
entiers, abolissant à jamais une certaine urbanité au profit d’une
classe
moyenne motorisée, qui relègue ses pauvres importés à coup de Ouigo
dans des
périphéries merdiques et bétonnées. Bien que j’y habite à une
soixantaine de
kilomètres, je m’y déplace peu, désenchanté par une cité que je ne
reconnais
plus. L’occasion se présentait tout de même pour une opération de
reconnaissance, car un bouquiniste chez lequel je trouvais quelques
affaires
(dont le facsimilé d’Alcools
d’Apollinaire illustré par Marcoussis pour une bouchée de pain) avait
fermé
définitivement, y compris les autres boutiques à son enseigne dans la
ville. J’arpentai
donc, je déambulai, guère convaincu de trouver l’équivalent. Je
remarquai
toutefois un libraire que je me promis de visiter ultérieurement,
lorsque
j’aurai quelques sesterces à dépenser pour une édition un peu relevée.
Là, ce
jour, il n’en était pas question. Je me dirigeai tout de même au marché
des
bouquinistes qui se tient sur une place pas désagréable au cœur de la
ville,
malgré la méfiance que suscite ce genre de manifestation à cause des
prix
pratiqués. Je me gourais. Les deux Mark Twain ci-dessous m’ont coûté
cinq euros
pièce. Il s’agit d’éditions tardives, 1930 et 1932 mais dans la
présentation de
la grande époque du Mercure. Certes, je possède également les Contes humoristiques parus en 1989, dont
on retrouve ici quelques nouvelles, mais je préfère l’agrément de ces
formats
in-12. Ils complètent l’embryon de rayon consacré à l’auteur et
alimentent mon
goût pour les textes courts. Cinq euros, j’en suis presque déçu :
voici le
tarif pour un bon auteur dans une édition pas moche qui se tient encore
(à la
différence des Mercure fin-de-siècle aux brunissures irrémédiables),
alors que
la moindre merdouille en poche vaut pratiquement le double. Le constat
ajoute à
la mélancolie de la visite. Allez zou, je vais faire un peu de place
pour ces
deux là.
Sinon, que voulez-vous que je vous dise sur Mark Twain ? Ah, si… comme Balzac, il s’est mêlé d’histoires de typo et y a perdu sa fortune. Il faudra bien le raconter ici un jour, tiens…
Le surlendemain, je passai à ce qui est devenu l’unique boîte
à livres de ma ville. Je vous avais déjà causé de sa disposition, qui
l’ouvre
hélas aux quatre vents et surtout aux pluies transversales. On imagine
le
désastre d’une bourrasque bretonne sur les bouquins que des indélicats
ne
songent pas à remettre tout au fond. À cela, ajoutons un personnage
curieux, qu’il
faudra bien que je suive un jour pour satisfaire de ma curiosité et qui
y opère
une razzia, à remplir des sacs entiers de tout et n’importe quoi.
Évidemment,
cela tient de la compulsion maladive, ce qui n’étonne guère lorsqu’on
le croise
devant le rayon à ciel ouvert — ou presque. Ai-je eu du bol en trouvant
ce
Spitz en Marabout, en passant avant lui, ou bien celui-là ne lui disait
rien :
mouches, couverture noire, etc. ? Difficile de circonscrire les
critères
de choix de cet étrange personnage. Cela faisait longtemps, pour cette
boîte à
livres, et encore plus longtemps que je n’avais pas eu envie de rouvrir
ce
Spitz. Allez zou, je l’ai pris. Je découvre peu après que le volume
coûtait
4,10 francs à Euromarché, grâce à une étiquette apposée sur un des
contreplats.
On excusera le ton un peu désabusé, mais le Tenancier a fait face il y a peu au temps qui passe et il vous confirme que c’est bien une saloperie…
Mark Twain : Le legs de 30.000 dollars — Mercure de France, 1930
Mark Twain : Exploits de Tom Sawyer détective et autres nouvelles — Mercure de France — 1932
Jacques Spitz : La guerre des mouches — Marabout, 1970
Sinon, que voulez-vous que je vous dise sur Mark Twain ? Ah, si… comme Balzac, il s’est mêlé d’histoires de typo et y a perdu sa fortune. Il faudra bien le raconter ici un jour, tiens…
On excusera le ton un peu désabusé, mais le Tenancier a fait face il y a peu au temps qui passe et il vous confirme que c’est bien une saloperie…
Mark Twain : Le legs de 30.000 dollars — Mercure de France, 1930
Mark Twain : Exploits de Tom Sawyer détective et autres nouvelles — Mercure de France — 1932
Jacques Spitz : La guerre des mouches — Marabout, 1970
En quoi ce Spitz était-il une saloperie, cher Tenancier ? Je n'ai pas eu l'occasion de lire les oeuvres de ce larron, hors donc...
RépondreSupprimerOtto Naumme
Vous m'étonnez, Otto, je n'ai écrit nulle part que c'était une saloperie... ou alors je serais singulièrement maso, non ?
SupprimerEh bien, cher Tenancier, c'est peut-être moi qui ai la comprenette en berne, mais votre dernière phrase...
SupprimerOu je n'ai rien compris du sujet qu'elle évoquait ?
Otto Naumme
La sale loterie, c'est le temps qui tasse, cher Otto.
SupprimerMais vous qui êtes si féru de contrepéteries, cher Otto, vous n'aurez pas manqué de remarquer que le malicieux Jacques Spitz (dandy homosexuel notoire et futur membre du groupe Arcadie) a glissé avec ce titre un discret clin d'œil à ne pas ébruiter mais que permettait encore cette époque débridée de l'entre-deux-guerres :
SupprimerL'amour des gays (Chhh…)