dimanche 1 septembre 2024

Les pleurs de Boccace

[…] Il y avait près de deux siècles que Boccace, séjournant au royaume de Naples, et avide de voir la bibliothèque du célèbre monastère du Mont Cassin, avait demandé à un moine de lui faire la grâce de la lui ouvrir. Il s’était entendu répondre : « Monte, c’est ouvert. » Et de lui montrer une longue échelle. Boccace, tout joyeux, monte : il trouve un local sans porte, entre, voit que l’herbe pousse entre les fenêtres ; stupéfait, il remarque de nombreux ouvrages d’auteurs anciens où manquent des cahiers entiers, où l’on a coupé les marges des pages. Pleurant de douleur, il demande au premier moine qu’il rencontre dans le cloître pourquoi des livres si précieux ont été mutilés ; on lui répond que les moines, pour gagner quatre ou cinq sous, arrachent un cahier de temps en temps et en font des petits psautiers qu’ils vendent aux enfants ; d’autres avec des marges découpées, font des bréviaires qu’ils vendent aux femmes.

Manuel de Dieguez : Rabelais par lui-même (1960)



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