« Dans la salle de service, l’inspecteur de première classe
Tom Lepski, un type grand, brun et maigre, lisait des bandes dessinées, les
pieds posés sur son bureau. A une autre table, l’inspecteur de deuxième classe
Max Jacoby, de quatre ans plus jeune que Lepski, brun et puissamment bâti, tapait un rapport de vol
de voiture sur sa vieille machine.
L’activité de la salle de service, comparée à l’agitation
qui y régnait six semaines plus tôt, était aussi fiévreuse que celle de la
morgue municipale.
Jacoby, arracha feuilles et carbone de sa machine et
s’appuya à son dossier.
— Et voilà, dit-il. Qu’est-ce qu’il y a d’autre à
faire ?
— Rien, bâilla Lepski. Pourquoi ne rentres-tu pas chez
toi ? Inutile de rester là tous les deux.
— J’assure la garde jusqu’à vingt-deux heures. Toi, rentre.
— Oh non ! Je ne suis pas fou à ce point. Si je rentre
maintenant, Carroll voudra me faire tondre la pelouse. Ça ne me tente pas du
tout avec cette sacré chaleur.
Jacoby l’approuva d’un signe de tête.
— Très juste. Bon sang ! Cette chaleur me tue. On
devrait être climatisés ici.
— Dis-en un mot au chef. Tu arriveras peut être à le
persuader. De toute façon, il fera plus frais d’ici quelques jours.
— Et tes vacances, Tom ? Tu te tires la semaine
prochaine, hein ? Où vas-tu ?
Lepski eut un éclat de rire qui aurait fait peur à une
hyène.
— Moi ? je ne vais nulle part. Je reste chez moi. Je
vais m’installer au jardin et lire un livre.
— Un livre ? fit Jacoby en le considérant bouche bée.
Je ne savais pas que tu lisais des livres.
— Je n’en lis pas, mais, bon Dieu, ce sera un changement. Je
veux savoir si j’y perds rien. Si j’en crois les images de certains bouquins,
ça se pourrait bien.
»
James Hadley Chase : La grande fauche (1980)
Traduit par Marcel Frère