jeudi 22 décembre 2016

Énigme

Le Tenancier (c'est moi !) aime les devinettes, énigmes et charades de l'Ancien Régime. Ne demandez pas pourquoi, c'est comme ça.
Voici encore une énigme issue des mêmes ouvrages dans lesquels il a l'habitude de piocher, à savoir un collection du Mercure de France de 1789, donc intéressante au-delà des quelques amusements que contiennent les numéros. Sa série n'est pas complète d'ailleurs, ce qui nous fait envisager un tarissement de la source plus rapidement encore...
Mais qu'est-ce que votre Tenancier est bavard, ce soir... Allez, je vous laisse avec l'énigme :
Je blanchis,
Je noircis,
J'embellis,
J'enlaidis,
Je salis,
J'éclaircis,
Je détruis,
Je guéris.

(Par M. T...é de Rochefort, en Bretagne)

Merci de donner la réponse dans les commentaires.

lundi 19 décembre 2016

La typothèque du plomb

Les spécimens édités par les fonderies de caractères sont passionnants à plusieurs titres. Ils fournissent de précieuses clés pour percevoir l'évolution de la lettre dans les mouvements artistiques majeurs des XIXe et XXe siècles. Ainsi d'Eugène Grasset à Adrian Frutiger nous voyageons de l'Art and Craft et l'Art nouveau à l'Art déco puis dans l'École suisse à la fin de l’âge du plomb.

Les plaquettes et dépliants, distribués gracieusement aux imprimeurs et aux graphistes, sont des supports promotionnels qui montrent les déclinaisons disponibles des caractères et ornements. Souvent ils s'apparentent dans la forme à des brochures qui complètent le catalogue par des exemples d'applications dont l'imprimeur pourra se servir pour aider ses clients dans leurs choix. Ils deviennent alors des passerelles entre art et labeur, des supports pédagogiques et des guides de métiers qui, du croquis calque de Thibaudeau aux derniers catalogues de Deberny et Peignot, vont accompagner imprimeurs et graphistes.

En feuilletant les 4 numéros des « Divertissements typographiques », on perçoit bien l'esprit qui anime à la fois Maximilien Vox et Charles Peignot, et aussi la volonté de modernité et d'accompagnement du métier qui motive la réalisation annuelle de « Caractères Noël ». La guerre passée, cela conduit Vox, Garcia, Ranc, et Peignot à créer l’École de Lure.
Le dernier document de la typothèque, le seul catalogue général de la fonderie Deberny et Peignot que nous publions, est une œuvre révolutionnaire très Lursienne. Ce catalogue, d'un façonnage et d'un graphisme très modernes, obéit à la classification Vox ; Maximilien y introduit chaque chapitre...

Sabine, ancienne lectrice de ce blog, dite Mouton dans ses commentaires, les rassemblait avec le scrupule que l'on connaît aux bibliophiles. C'est une partie de sa collection qui a été numérisée, renseignée et mise en ligne. Nous souhaitons enrichir cette typothèque, aussi appelons tous les lecteurs à nous confier leur archives, qui seront numérisées, rapidement retournées, et publiées à leur nom. Nous cherchons par exemple le 5e numéro des « Divertissements typographique » ou la suite de l'édition des marques d'Auriol...

ARD

LES BIBLIOTHÈQUES DE L'ÂGE DU PLOMB

mercredi 7 décembre 2016

Boîte de cirage

De même qu'un bon vendeur de chaussures prendra soin de proposer une boîte de cirage à son client en conclusion de la vente, un employé de librairie après avoir vendu « À la recherche du temps perdu », de Proust sera avisé de proposer en complément « L'emploi du temps », de Butor.

lundi 5 décembre 2016

Une époque rêveuse

L’autre jour, le Tenancier, alors qu’il se dirigeait vers le cagibi où il consigne les ustensiles et matériaux utilisés pour réaliser les paquets qu’il devait expédier l’avant-veille, leva les yeux dans le couloir. Ses yeux captèrent furtivement l’affiche qui ornait l'emboîtage, au-dessus de l’étagère à dévédés. Il contenait le film Top Hat : Fred Astaire, Ginger Rogers. Le Tenancier est cinéphile à ses heures mais fredonne également pour lui-même quelques chansons, dont celle du film. Vous savez, « Heaven, I’m in heaven… », etc.
La chanson s’intitule Cheek to Cheek.
Irving Berlin, tout de même.
Il la chantonna donc, tout en rassemblant son matériel. Chanter, c’est bien, écouter de la musique, c’est plus mélodieux, surtout si l’on a déjà entendu le Tenancier. Il alluma alors la radio, France Musique en l’occurrence, ce samedi matin, pour écouter… six ou sept versions de la chanson qu’il fredonnait il y a à peine cinq minutes.
Avec toute la rigueur requise dans ce genre de circonstances, en toute objectivité, on est en droit de déclarer que le Tenancier de ce présent blog est un mutant. Un « précog », selon le jargon en vigueur dans la littérature conjecturale.
Et vous-mêmes, êtes-vous mutant ?
N’avez-vous parfois pas ressenti fortement une coïncidence dans la sourcilleuse succession de vos lectures et d’autre événement plus ou moins fortuits ?
Récemment, la lecture consécutive de La boîte en os d’Antoinette Peské (livre doté d’une préface boursouflée et inepte dans l’édition que j’avais entre les mains, qui n’est pas celle de Mac Orlan), de Titus d’Enfer de Mervyn Peake, le visionnage d’une émission sur ce mystérieux producteur, écrivain et mentor de Jacques Tourneur que fut Val Lewton, et le souvenir encore très vivace de La Féline, de ce même duo, avaient fait germé l’idée en moi que les années 40, avec leur cortège de destructions et d’horreurs, étaient également une époque mélancoliquement rêveuse et qui empruntait les éléments de sa rêverie à l’arsenal du Romantisme. Rappelons également que Le Seigneur des Anneaux fut rédigé durant cette décennie et en emprunte parfois les mêmes accents. D’une façon surprenante, ce monde fermé et voué à la destruction s’enfermait dans des récits qui faisaient appel à un effroi paradoxal, feutré, ou en proie à une étrange fièvre obsidionale. L’amateur de Romantisme fantastique n’y trouverait peut-être pas tout à fait son compte : pas de ces burgs ténébreux ou de ces enceintes sadiennes en forme de labyrinthe concentrique. Non, plutôt un univers traversé les yeux mi-clos sur des murailles hautement verticales, comme des somnambules sur le faîte d’un toit. Le monde d’alors rêvait dangereusement, en déséquilibre au-dessus du gouffre. Ainsi, fortuitement, j'avais lu ou rencontré une somme d'ouvrages qui formaient une collection d'impressions, comme si j'avais capté une rumeur dispersée, quelques fragments de l'inconscient d'une époque.
Bien sûr, cet inconscient ne traversait pas toute la littérature ou tout le cinéma, mais cette mélancolie aux relents fantastiques semble avoir pris une place importante. Peu à peu, en réfléchissant à ces sensations, on se prend à regarder les prémisses et les séquelles de l'époque avec un autre esprit.
Il est parfois intrigant de retrouver une série heureuse dans les lectures ou les visionnages, comme si le hasard vous menait par le bout du nez d’un coin à l’autre de votre bibliothèque pour vous insinuer des parfums. Parfums d’époque ou saveurs littéraires plus épicées, coïncidences, précognitions, conjectures et surtout rêveries dans une barque qui vous mène dans des bras secondaires et inattendus.
Quel lecteur n’a pas eu ce sentiment de suivre une voie impalpable, dictée par des caprices extérieurs à sa volonté propre ? Et, qui n’a pas eu la sensation diffuse d’être possédé par un étrange pouvoir de prolonger une saveur d’un livre à l’autre en ayant malgré tout abdiqué toute volonté dans leur choix ? Ainsi, le soupçon que le dieu Pan n’est pas mort nous vient à l’esprit. Thamus n’était donc qu’un gros menteur.
Le Tenancier, attentif aux augures et, après ce raisonnement, doute du pouvoir qu’il s’était hâtivement attribué.
Les cieux étant toujours cléments à ceux qui obéissent à leurs signes, par précaution, tout de même, il va apprendre à faire des claquettes.

Ce texte publié en janvier 2009 sur le blog Feuilles d'automne trouve une curieuse résonnance avec ce qui est récemment arrivé au Tenancier. La récurrence de la présence de Trieste dans sa vie intellectuelle (et même jusque dans son cercle familial) suscitait de nouveau quelques interrogations. Mais après tout, cette ville semble une contrée onirique aussi proche géographiquement que le Farghestan ou The Shire...
Toujours est-il que votre Tenancier n'a toujours pas appris à faire des claquettes, mais n'est plus libraire — sans savoir si cela a un rapport.

dimanche 4 décembre 2016

L'affaire de « la Joie de Lire »

Le document reproduit ci-dessous demeure depuis des années dans les archives du Tenancier. Anonyme, il ne craint pas de faire état de menaces physiques à l’encontre de Jean-Edern Hallier. Nonobstant cette violence, ce tract montre que déjà, à l’époque, certaines personnes n’étaient pas dupes de ses manœuvres, ce qu’une certaine presse a tendance à vouloir occulter voire à laisser sous le boisseau à l’heure actuelle. Ce tract a été publié dans le contexte de la vente de la librairie militante de François Maspero, « la Joie de Lire » vers 1976.
(On a tenté tant bien que mal de respecter la composition de ce tract imprimé en offset de bureau).

La librairie la Joie de Lire
Du combat à l’imposture
 
La grande librairie de combat du Quartier Latin « la Joie de lire » a été fondée en 1956 par François MASPERO, éditeur révolutionnaire qui a bien failli y laisser sa peau. Aussitôt l’électricité est passée entre ce centre de culture devenu forum et la jeunesse du quartier. Par ses vitrines, ses revues, ses libelles, ses tracts, elle est devenue la grande sœur nourricière et conseillère de plusieurs générations d’étudiants, notamment des pays du tiers monde. Les fascistes ont essayé à maintes reprises de la démolir, en vain.
En 1976, pour des raisons diverses où chacun de nous porte une part de responsabilité, « la Joie de lire » a dû être vendue, mise aux enchères. Des escrocs, car nous sommes à l’ère des escrocs, s’en sont emparé. En tête l’imposteur N° un de mai 1968, Jean-Edern HALLIER.
QUI EST HALLIER ?
Un quadragénaire, fils de général, célèbre dans les salons littéraires pour sa paranoïa roublarde. Cet homme de lettres qui essaie de cacher son esprit sordide dans une prose enveloppée, a commencé comme militant d’extrême-droite, avant de trouver sa voie : l’imposture. Son imposture consiste à camoufler le culte délirant de sa personnalité derrière le masque du gauchisme. Ce châtelain, cet aristocrate inscrit dans le Bottin Mondain, cet ex-mari d’une riche fille de maître de forges italien, n’hésite pas à intituler et sous-titrer ses livres : la Cause des peuples !
Ce claqueur de fric dans les brasseries célèbres qui refusent désormais ses ardoises, lance avec l’argent d’une riche héritière protestante un journal que Sartre et Simone de Beauvoir dénoncent (le Monde du 15 mai 1971) comme une tentative de « néo-professionnalisme qui utilise le mouvement révolutionnaire comme valeur marchande. »
Comme HALLIER se prend, en plus d’un grand écrivain, pour un homme d’affaires de génie (il le répète sans pudeur), il fonde une maison d’édition, mais comme toujours, avec l’argent des autres, en payant ses fournisseurs avec des traites-fantômes. Récemment, il vient de se faire virer de la présidence par son conseil d’administration et il est barré dans toutes les banques. Il ne peut plus émettre de chèques.
En 1975, après avoir servilement sollicité le prix Goncourt, il part en guerre contre l’académie des Dix. Il offre de l’argent à des jeunes pour lancer des cocktails Molotov et couvrir les murs de graffiti. Il s’associe à Jack THIEULOY, écrivain authentique, lui, et prolétaire, qui, auteur d’un tract brûlant contre les éditeurs-escrocs, se retrouve en prison.
Alors HALLIER entre en scène à la radio, à la TV : il récupère l’événement, décerne un prix « l’antigoncourt » à THIEULOY et lui fait remettre publiquement un chèque de cinq millions d’anciens francs. Ce chèque s’avère sans provisions. THIEULOY, volé, porte plainte.
IMPOSTURE ET ESCROQUERIE QUI SONT BIEN DANS LA NATURE DE HALLIER !
Cet homme qui a fondé ses éditions en dénonçant publiquement les escroqueries des grands éditeurs, de Gallimard entre autres, se révèle un négrier. Non seulement il ne paie pas ses collaborateurs et ses auteurs, mais encore il veut les faire travailler à l’imprimerie, à la promotion de leurs livres, et maintenant comme libraires à « la Joie de Lire ».
« CET HOMME EST DANGEREUX EN TOUS POINTS » a dit Sartre qui le connaît bien.
Est-il besoin de rappeler le détournement de l’argent récolté en Europe pour les émigrés du Chili, à la suite d’une tentative de mainmise sur une agence de presse démocratique ? De même, cet homme qui a déclaré vouloir devenir le maître à penser, après Sartre de sa génération, avait voulu s’emparer du journal « Libération ». ce journal l’ayant traité de voleur, d’imposteur, HALLIER fit mine de lui faire un procès, mais au dernier moment, il se dégonfla et ne se présenta pas au tribunal. L’avocat de LIBÉ était Me Henri LECLERC, ex (et pour cause !) ami et défenseur de HALLIER !
Bien entendu, HALLIER ne paie pas plus ses avocats que ses auteurs ou ses libraires. Il estime que la notoriété de son nom est un paiement suffisant…
HALLIER aurait voulu que THIEULOY, son écrivain-« vedette » reste en prison, il l’a dit. Et pour ce, il le délaisse, il le calomnie, lui fait une réputation de pyromane (Daniel GUÉRIN est témoin) et il refuse d’avancer la caution de sa liberté provisoire.
Et quand THIEULOY sort de prison, HALLIER prend peur…
Voilà HALLIER : si cet homme dangereux ne bénéficiait pas de certaines protections, il serait déjà en prison. Ses ennemis irréductibles sont innombrables. Il reçoit chaque jour des menaces téléphoniques et de purs militants (on lui a déjà cassé la gueule) ont juré de prendre leur revanche.
C’est ce mythomane, escroc et imposteur rusé, qui prétend maintenant dans son état-majour de « la Joie de Lire » représenter les esprits du Quartier-Latin.
NOUS NE NOUS LAISSERONS PAS FAIRE.
« La Joie de Lire » appartient à la jeunesse progressiste du Quartier-Latin. Nous débusquerons l’imposteur HALLIER.
LA JOIE DE LIRE APPARTIENT À UN VOLEUR.
ACHETEURS DE LIVRES, FAITES-LUI LE COUP DU VOLEUR VOLÉ.
FORMONS DES PIQUETS DE SURVEILLANCE. Soyons en permanence présents et vigilants rue saint-Séverin.
A cette seule condition, le renard enfumé sortira de sa tanière. Démasqué.
DÉNONÇONS-LE DANS SA LIBRAIRIE MÊME…

Des Amis de « la Joie de Lire »

En complément, on trouvera ici l’extrait d’un entretien avec François Maspero en 1976 pour le Nouvel Observateur, peu de temps après la cession de « la Joie de Lire » et qui donne une extension aux furieuses déclarations du tract, avec un fond cruel de lucidité :
[…] Le 8 octobre 1974, j’ai annoncé au personnel que je projetais de vendre la librairie à Claude Nedjar, dans des conditions qui préserveraient l’emploi. Claude Nedjar, producteur, propriétaire de « la Pagode », souhaitait rassembler plusieurs activités audiovisuelles : films, livres, disques (les disques de Pierre Barouh). La cession a eu lieu en décembre. Sur plus de quarante personnes, pas une seule, pendant ce délai de deux mois ne m’a dit : « Attention, tu fais peut-être une connerie !... » Il y avait à l’époque quatre délégués du personnel, quatre membres du comité d’entreprise, des délégués, une section syndicale ; l’ouverture des livres de comptes était totale…
Les difficultés financières angoissaient tout le monde. Mon absence, ma maladie avaient été ressenties comme une trahison. Dans une atmosphère différente, l’expérience l’a montré, j’aurais pu trouver des ressources pour apurer la situation financière et repartir. Oui mais voilà, il fallait repartir. La crise était profonde. « La Joie de Lire » était devenue un lieu de spectacle où chacun venait représenter ses phantasmes. Visiteurs — clients ou voleurs —, travailleurs, tous étaient comme intoxiqués par un psychodrame permanent qui créait une tension difficile à vivre… Tout cela, il était possible de le redresser ; mais avec un regard neuf, une attitude nouvelle, en prenant de la distance. C’est pour ça que je pensais que l’arrivée de Claude Nedjar pouvait être positive.
L’accord avec Claude Nedjar prévoyait davantage une collaboration qu’une vente. Il apportait des capitaux, réorganisait la gestion économique et me laissait un contrôle professionnel et politique. Le jour de la signature de l’acte, en décembre 1974, il est venu avec un « associé » imprévu, un certain Bernard Lallement, qui s’est révélé être le véritable bailleur de fonds, auréolé d’un passé de gestionnaire à « Libération ». Mais alors quel gestionnaire ! Toujours est-il que de ma présence et de mon travail à « la Joie de Lire », il n’a plus été question.
Il faut bien comprendre que j’avais vendu la librairie nette de tout passif. Le prix de vente suffisait à régler ce qui restait dû aux fournisseurs eu jour de la cession, y compris le stock de livres. Bref, Lallement n’a jamais payé le prix de vente. Il a fait traîner les actes, n’a pas honoré ses traites. Je le répète, c’est tout simple : il n’a pas payé. Là où ça a mal tourné, c’est quand il s’est mis à ne pas payer non plus les relevés des éditeurs à qui il achetait des livres. En juillet, nous l’attaquions devant le tribunal de commerce. De son côté, le personnel de la librairie, d’abord rassuré (« tous les patrons se valent ») s’est mis en grève. Un administrateur judiciaire a été nommé. Au début de 1976, « la Joie de Lire » était liquidée. Les locaux et les livres ont été vendus en juillet, aux enchères. M. Jean-Edern Hallier s’est présenté pour les racheter. Accompagné de qui, bras dessus, bras dessous ? De M. Bernard Lallement !...
Ainsi, Jean-Edern Hallier achète aux enchères, très légalement, à bas prix, des librairies qui n’ont pas été payées, contenant des livres non payés à leurs éditeurs, et après que tous les travailleurs ont été licenciés. Et savez-vous ce qu’il dit dans la presse, M. Hallier ? « Je me considère comme l’héritier moral de “ la Joie de Lire ”. » Moral, bien sûr. C’est une sage précaution d’ajouter cet adjectif. Mais c’est encore trop, car la morale dans cette histoire… Si M. Hallier est l’héritier de quelque chose, c’est d’une escroquerie. Quant à la librairie Maspero, elle existe toujours, et il y en a qu’une : elle se trouve à mon adresse, 1, place Paul-Painlevé. Bien entendu, nous continuons, de même que les éditeurs lésés dans cette affaire, à poursuivre Claude Nedjar et Bernard Lallement. »
 
Cette longue citation est extraite des archives du Nouvel observateur et se poursuit sur deux pages que vous trouverez ici et .
Au terme de ces deux citations fort sévères pour les protagonistes, on est en droit de se demander à qui peut bien « profiter le crime ». S’il ne fait pas de doute que la librairie « la Joie de Lire » ait été victime d’une certaine impéritie et de larcins répétés de « camarades » conscientisés, François Maspero a précisé que la situation n’était pas aussi désespérée qu’il y paraissait. Par la suite, il avouera sa lassitude, cette même lassitude qui allait décider la passation de sa maison d’édition à d’autres mains… ce qui rend cette cession plus compréhensible.
En revanche les autres acteurs de la braderie de la librairie présentent un curieux point commun qui, sans nous inciter à élaborer une stupide théorie du complot, donne un caractère d’aubaine à toute l’opération. Hallier, Nedjar (sans doute dans une moindre mesure) et Lallement étaient des satellites de la mitterrandie. On connaît la relation passionnelle, pour le moins, qui lia Hallier à Mitterrand. On sait l’activité militante d’un Nedjar qui le rendait proche de ces milieux et enfin le fait que Bernard Lallement se retrouva dans le staff électoral du futur élu de mai 81. On émet la possibilité que cette opération fût effectuée avec l’aval du milieu, sinon du maître. L’extrême-gauche encore puissante au milieu des années 70 embarrasse les calculs électoraux de la gauche réformiste. L’élimination d’un foyer officiel de contestation n’était pas pour déplaire à un Mitterrand qui allait par la suite continuer sa stratégie avec une gauche de moins en moins radicale jusque vers les communistes, pratiquement réduits désormais au rôle de supplétifs, comme il vient d’être fait, du reste, avec les écologistes. Accuserait-on les socialistes de l’époque de complicité d’escroquerie ? C’est aller trop loin sur la base d’une présomption. À tout le moins peut-on supposer un laisser-faire qui arrangeait tout le monde, politiquement… ou bien « mégalomaniaquement » pour ce qui concerne Hallier. Pourquoi pas la droite, me dira-t-on ? Celle-ci a toujours besoin d’un ennemi intérieur. C’était à l’époque le « gauchiste ». Cela n’a pas changé jusqu’à Tarnac. Le repoussoir est utile à ceux-là et est intégré dans le système politique qui utilise les extrêmes des bords opposés pour canaliser les velléités autonomes. La fable est tenace parce qu'elle démontre son efficacité depuis des lustres, elle enferme la population dans le paradigme du marchandage électoral. En fait, la violence du tract qui ouvre ce billet, si elle est bien datée dans son style, demeure un document intéressant. Tout cela dévoile ironiquement d’où partait l’apparente pureté d’un soi-disant changement de régime au début des années 80. Plus de cinq auparavant, le fric et les hâbleurs étaient déjà en place pour le grand cirque. Le mensonge continue.

samedi 3 décembre 2016

10/18 — Richard Brautigan : Tokyo-Montana express




Richard Brautigan

Tokyo-Montana express

Traduit de l'américain par Robert Pépin

n° 1894

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « Domaine étranger »
Volume quintuple

302 pages (304 pages)
Dépôt légal : janvier 1988
Nouveau tirage : novembre 1995
ISBN : 2.264-01088-6


(Contribution du Tenancier)
Index 

mercredi 30 novembre 2016

Les Historiette de Béatrice sur papier

Les amis du ci-devant blog et celui du défunt Feuilles d’automne ont l’habitude de croiser ici et là les Historiettes de Béatrice que l’on égrène avec un peu de parcimonie tant on voudrait en faire durer le plaisir. Grâce à Christine Luce et Fabrice Mundzik, vous allez pouvoir vous procurer le petit livre qui reprend nombre de ces saynètes par le biais de la petite maison d’édition qu’ils animent, Bibliogs. Fabrice est le maître d’œuvre, Christine a rédigé une nouvelle charmante qui clôt le volume ; le corps de l’ouvrage, vous le connaissez. Dépêchez-vous de vous le procurer. Il n’y en a que trente exemplaires pour ce présent tirage, seulement disponibles chez Béatrice :
Bouquinerie Kontrapas
36, rue Bourgneuf
64100 Bayonne
libkontrapas(petitzigouigoui)laposte.net
Ajoutons que ces bonnes fées animent également, avec un troisième larron, l'excellent blog de l’Amicale des Amateurs de Nids à Poussière, que le Tenancier vous recommande, bien sûr. 

dimanche 27 novembre 2016

Nazis dans le rétro

Puisque c'est dans l'air du temps, amusons-nous à retrouver les sobriquets d'antan, histoire d'être prêts pour « la prochaine » :
Qui ces pseudonymes désignaient-ils :
— La Gestapette
— La Loïe Führer
— L'Amiral Courbette
Le gagnant aura le droit de se connecter sur Radio Courtoisie.

vendredi 18 novembre 2016

André




Pissenlits par la racine (Les) : Entendons-nous. En élaborant cette notice, on a tout à fait conscience de la trivialité de cette expression eut égard à l’objectif avoué de ce dictionnaire, lequel est de présenter un vade-mecum pour le mourant de bonne éducation. La question se pose tout de même au-delà de la forfanterie de l’appellation. Est-il décent et honorable pour le défunt d’avoir des notions d’horticulture ? Hors celles de la rhétorique morbide ou bien celles emballées dans du cristal de fleuriste, le mort peut-il compter les fleurs dans l’horizon noir de son non devenir ? Certes la fleur de cimetière n’est pas qu’une allongée ou une demi-mondaine, elle pousse également dans les caveaux désertés ou bien abonde sur les tombes des pauvres. Le mort de bonne éducation ne devra en aucun cas laisser au hasard l’occupation de la surface de son lieu de repos. On ne glosera pas ici plus avant sur la nécessité de s’adjoindre les services d’un jardinier, voire d’un paysagiste. La chose semble aller de soi. On veillera seulement à ne laisser l’occupation de la tombe qu’à des plantes qui ne s’enracinent point trop. Quel désagrément de voir le bel agencement de nos ossatures transformé en jeu de mikado et d’osselets par la prégnante investigation de racines… En vérité, et à notre avis, il faut renoncer aux charmes de la nature. Notre condition ultime ne peut s’agréer que dans le marbre et le stuc. En ce cas, on peut fort bien admettre rinceaux, pampre, mousse pour agrémenter la frise de nos tombeaux. Parions même sur leur pérennité, point soucieuse du soin de l’arrosage et ne nécessitant que le ciseau du sculpteur et non point ceux de l’horticulteur, ce qui n’appelle pas la même fréquence. La fleur en plastique est à bannir. On s’autorisera à peine quelque follet chrysanthème en vasques de porphyre.

Yves Letort : Encyclopédie du mourant de qualité.