mercredi 13 décembre 2017

Le Chien (Une aventure de Claire)


Eh bien, voici que votre Tenancier figure au sommaire d’une fort plaisante et toute nouvelle revue : Le Novelliste. Il existe un agrément réel à se faire publier dans un Numéro Un, tout en sachant que le risque d’en essuyer les plâtres reste minime. En effet, l’ouvrage est de bonne tenue, professionnelle, comparable aux revues de librairie que votre Tenancier a pu croiser dans sa carrière passée. On vous enjoint d’aller jeter un coup d’œil au sommaire et ensuite de le commander illico. Que l’on aime ou pas la prose du soussigné importe peu ici. Mais enfin, tout de même, vous pourriez faire un effort. En revanche, à bien réfléchir, rares sont les revues à se consacrer à la nouvelle en ce qu’elle constitue un mode de narration à part entière et non un pis-aller pour romancier. On aimerait donc que la tentative prenne une chair assez consistante pour qu’elle se pérennise. Pour cela, une seule chose : engagez-vous, rengagez-vous, procurez-vous ce numéro, le suivant et encore celui d’après. Et puis quand les abonnements seront ouverts, s’il vous plaît, lancez-vous ! S’il est d’ailleurs deux revues prestigieuses auxquelles ont devrait distraire quelques sesterces, ce sont bien celle que je vous présente ici et le Visage Vert, maison également fréquentée par votre serviteur, ce qui n’a rien à voir avec le prestige le concernant, d’ailleurs (peut-être en rapport avec des gens de goût ?). L’arrivé du Novelliste dans les rayons du Tenancier est fraîche, juste le temps d’entrouvrir le sommaire et de rédiger la présente notule. On en reparlera.
On peux toujours vous signaler que notre nouvelle, Le Chien, fait partie, encore, des histoires du Fleuve et de la série consacrée aux Aventures de Claire. Céline Brun-Picard a livré une superbe illustration. Joie, pampre et mousse… le Tenancier est ce soir un homme heureux.

lundi 11 décembre 2017

Pour les femmes du monde

« Les romans remplissent le monde et ils ont, selon le mot de Mgr Landriot, envahi jusqu'aux retraites autrefois pacifiques et solitaires du toit domestique. Aussi les femmes, à cause de leur existence plus retirée, sont-elles souvent plus exposées à leur dangereuse influence, surtout si elles appartiennent à des familles où la frivolité, les voyages, les villégiatures et les longs loisirs constituent des... devoirs de bienséance. Ce qu'elles cherchent, ce qu'elles trouvent trop facilement dans ces lectures, nous n'avons pas à le discuter ici.
Ce que les liseuses mondaines trouveront dans la liste ci-après, ce sont généralement - pas toujours - des livres mondains, des histoires sentimentales, soignées, assez discrètement assaisonnées de tendresses ou de mollesses pour être réputés honnêtes aux yeux des gens qui "en ont vu bien d'autres". Dans quelle mesure et à quelles conditions ces lectures resteront-elles inoffensives, c'est au tact chrétien des intéressées qu'il appartient de le préciser. Pendant que les messieurs s'empoisonnent avec des liqueurs fortes, vous prenez du "doux", Madame ; mais du "doux", c'est encore de l'alcool, et l'alcool, qui n'est utile qu'à titre de remède ne devrait se prendre que sur ordonnance. »

L'Abbé Louis Bethléem : Romans à lire & Romans à proscrire
Nil Obstat & imprimatur, 1908 - Huitième édition, 1922

L'on vous fait grâce de la liste...

(Citation déjà publiée en mai 2009 sur le blog Feuilles d'automne)

dimanche 10 décembre 2017

Une attente
(Pour les happy few...)

On vous l'avait indiqué il y a plusieurs jours, le Tenancier travaillait pour certains d'entre vous, c'est-à-dire un petit nombre. Que ceux qui n'ont rien reçu patientent. Aux autres, hélas plus nombreux qu'on le voudrait et dont la boîte aux lettres restera vide, le Tenancier leur présente ses excuses. Il peuvent se consoler en lisant le texte de la brochure représentée ci-dessous, dans ce blogue, précisément ici. Ce petit texte est le deuxième d'une petite série d'histoires autour du Fleuve en cours d'édition(*) en cette fin d'année. 


Yves Letort
(d'après Jules Verne)

Une attente

Granit House
2017

Tiré à vingt exemplaires sur vergé crème
« Pour les lecteur du Fleuve »
Broché sous jaquette illustrée

Bibliographie du Fleuve


(*) Ne sont pas comptées les dix micronouvelles autour du Fleuve en cours de parution sur le site Les Deux Zeppelins.

vendredi 8 décembre 2017

Ainsi...

Ainsi, puisqu’un personnage qui eût pu, jadis, passer pour un intrigant de salons littéraires, disparaît de la surface de la terre, les gâchettes de la dithyrambe se dévoient encore une fois à l’antenne. Une journaliste, entendue à France Culture, a déclaré que si les Français aimaient Jean d’Ormesson, c’était en quelque sorte pour se racheter d’avoir coupé la tête de quelques aristocrates lors de la Grande Révolution. La manie fâcheuse de tout pardonner aux morts, y compris la médiocrité dont ils on fait preuve dans leur existence anthume, ne va pas jusqu’à ses thuriféraires. La spontanéité, feinte ou non, de la citation expose de toute façon ce qui est en jeu : la rédemption. C’est le maître mot de cette France réactionnaire : les « citoyens français », les « Français », bref cette abstraction chère à une certaine canaille politique, doit expier les péchés de ses pères que sont la Grande Révolution, la Commune, Mai 68… Que l’on aille pas croire que cette réaction soit forcément « de droite », le péché de la Colonisation en arrange beaucoup également, à d’autres bords. Ainsi, dans notre « volonté de nous racheter », nous nous serions attachés aux vérités prudhommesques érigés en profondeurs philosophiques de la part d’un histrion médiatique. Cette littérature émétique, produite à la chaîne, démontre à l’envi la veulerie d’une production éditoriale et le renoncement d’une certaine forme de librairie qui, pour pouvoir bouffer, dispose en pile cette daube littéraire à chaque fin d’année. L’alerte fut chaude mais courte, la médiocrité en chassant une autre, et parce qu’un mort encore tiède vaut toujours mieux qu’un cadavre qui se refroidit, voici que d’Ormesson s’efface déjà. Le vocabulaire change, les acteurs sont les mêmes : les « Français », sont remplacés par le « Peuple », défait, en pleurs et en butte à la compassion de la même racaille politique autour de la mort d’un chanteur. Nous avons eu chaud, la messe solennelle va être remplacée par l’évocation de funérailles nationales… Le pleur des chaumières, à tout prendre, vaut bien une expiation.

mercredi 29 novembre 2017

mardi 21 novembre 2017

10/18 — Jules Verne : Le pilote du Danube




Jules Verne

Le pilote du Danube

Préface par Francis Lacassin
Postface par Piero Gondolo della Riva

n° 1286

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « Jules Verne inattendu »
Volume quintuple

301 pages (304 pages)
Dépôt légal : 1er trimestre 1979
ISBN : 2.264-00967-5

TABLE DES MATIÈRES

Préface : Jules Verne et le roman policier, par Francis Lacassin [5-18]
Jules Verne : Le pilote du Danube [19-294]
Postface : L'affaire Pilote du Danube, par Piero Gondolo della Riva [295-301]


(Contribution du Tenancier)
Index

dimanche 19 novembre 2017

Seul un fou...

Un étrange sentiment veille toujours chez votre Tenancier lorsqu’il passe au large des correspondances littéraires ou historiques. Il ne réside pas dans l’incomplétude souvent présente dans ces recueil, souvent amputés de leurs réponses, parcellaires, perdus, détruits, etc. Ce qui prévaut, au contraire est l’envie que toutes les correspondances s’articulent sur un registre temporel. Ainsi l’on verrait qui a écrit quoi, par exemple, le 17 décembre 1867, toutes correspondances ou extraits de journaux intimes confondus. Ce registre renverrait aux volumes qui le renferment. Ce serait un vaste travail de recollement, une entreprise monstrueuse et colossale… une tentative de saisir un moment perdu, une date sans signification particulière, seulement parce qu’un personnage, un jour, a écrit une missive, laissé une pensée. On organiserait des chasses qui courraient d’un volume à l’autre pour reconstituer un segment de temps : 17 décembre et son lendemain — puisque la poste à cette époque permettait de se répondre un jour sur l’autre… Tous ces écrits ne concernent pas forcément un fait précis, un événement historique. Ce serait surtout une curieuse polyphonie, diffuse, qui subsisterait d’un air du temps, disparu, un 17 décembre ou un autre jour, une autre année.
Qui ferait cela ? Seul un fou…

samedi 18 novembre 2017

Lectures exaltantes

« Ils lurent d'abord Walter Scott.
Ce fut comme la surprise d'un monde nouveau.
Les hommes du passé qui n'étaient pour eux que des fantômes ou des noms devinrent des êtres vivants, rois, princes, sorciers, valets, gardes-chasse, moines, bohémiens, marchands et soldats, qui délibèrent, combattent, voyagent, trafiquent, mangent et boivent, chantent et prient, dans la salle d'armes des châteaux, sur le banc noir des auberges, par les rues tortueuses des villes, sous l'auvent des échoppes, dans le cloître des monastères. Des paysages artistement composés, entourent les scènes comme un décor de théâtre. On suit des yeux un cavalier qui galope le long des grèves. On aspire au milieu des genêts la fraîcheur du vent, la lune éclaire des lacs où glisse un bateau, le soleil fait reluire les cuirasses, la pluie tombe sur les huttes de feuillage. Sans connaître les modèles, ils trouvaient ces peintures ressemblantes, et l'illusion était complète. L'hiver s'y passa.
Leur déjeuner fini, ils s'installaient dans la petite salle, aux deux bouts de la cheminée ; — et en face l'un de l'autre, avec un livre à la main, ils lisaient silencieusement. Quand le jour baissait, ils allaient se promener sur la grande route, dînaient en hâte, et continuaient leur lecture dans la nuit. Pour se garantir de la lampe Bouvard avait des conserves bleues, Pécuchet portait la visière de sa casquette inclinée sur le front.
Germaine n'était pas partie, et Gorju, de temps à autre, venait fouir au jardin, car ils avaient cédé par indifférence, oubli des choses matérielles.
Après Walter Scott, Alexandre Dumas les divertit à la manière d'une lanterne magique. Ses personnages, alertes comme des singes, forts comme des boeufs, gais comme des pinsons, entrent et partent brusquement, sautent des toits sur le pavé, reçoivent d'affreuses blessures dont ils guérissent, sont crus morts et reparaissent. Il y a des trappes sous les planchers, des antidotes, des déguisements — et tout se mêle, court et se débrouille, sans une minute pour la réflexion. L'amour conserve de la décence, le fanatisme est gai, les massacres font sourire.
Rendus difficiles par ces deux maîtres, ils ne purent tolérer le fatras de Bélisaire, la niaiserie de Numa Pompilius, Marchangy ni d'Arlincourt.
La couleur de Frédéric Soulié, comme celle du bibliophile Jacob leur parut insuffisante — et M. Villemain les scandalisa en montrant page 85 de son Lascaris, un Espagnol qui fume une pipe "une longue pipe arabe" au milieu du XVe siècle.
Pécuchet consultait la biographie universelle — et il entreprit de réviser Dumas au point de vue de la science.
L'auteur, dans Les Deux Diane se trompe de dates. Le mariage du Dauphin François eut lieu le 14 octobre 1548, et non le 20 mars 1549. Comment sait-il (voir Le Page du Duc de Savoie) que Catherine de Médicis, après la mort de son époux voulait recommencer la guerre ? Il est peu probable qu'on ait couronné le duc d'Anjou, la nuit, dans une église, épisode qui agrémente La Dame de Montsoreau. La Reine Margot, principalement, fourmille d'erreurs. Le duc de Nevers n'était pas absent. Il opina au conseil avant la Saint-Barthélémy. Et Henri de Navarre ne suivit pas la procession quatre jours après. Et Henri III ne revint pas de Pologne aussi vite. D'ailleurs, combien de rengaines, le miracle de l'aubépine, le balcon de Charles IX, les gants empoisonnés de Jeanne d'Albret. Pécuchet n'eut plus confiance en Dumas.
Il perdit même tout respect pour Walter Scott, à cause des bévues de son Quentin Durward. Le meurtre de l'évêque de Liège est avancé de quinze ans. La femme de Robert de Lamarck était Jeanne d'Arschel et non Hameline de Croy. Loin d'être tué par un soldat, il fut mis à mort par Maximilien, et la figure du Téméraire, quand on trouva son cadavre, n'exprimait aucune menace, puisque les loups l'avaient à demi dévorée.
Bouvard n'en continua pas moins Walter Scott, mais finit par s'ennuyer de la répétition des mêmes effets. L'héroïne, ordinairement, vit à la campagne avec son père, et l'amoureux, un enfant volé, est rétabli dans ses droits et triomphe de ses rivaux. Il y a toujours un mendiant philosophe, un châtelain bourru, des jeunes filles pures, des valets facétieux et d'interminables dialogues, une pruderie bête, manque complet de profondeur.
En haine du bric-à-brac, Bouvard prit George Sand.
Il s'enthousiasma pour les belles adultères et les nobles amants, aurait voulu être Jacques, Simon, Bénédict, Lélio, et habiter Venise ! Il poussait des soupirs, ne savait pas ce qu'il avait, se trouvait lui- même changé.
Pécuchet, travaillant la littérature historique, étudiait les pièces de théâtre. Il avala deux Pharamond, trois Clovis, quatre Charlemagne, plusieurs Philippe-Auguste, une foule de Jeanne d'Arc, et bien des marquises de Pompadour, et des conspirations de Cellamare !
Presque toutes lui parurent encore plus bêtes que les romans. Car il existe pour le théâtre une histoire convenue, que rien ne peut détruire. Louis XI ne manquera pas de s'agenouiller devant les figurines de son chapeau ; Henri IV sera constamment jovial ; Marie Stuart pleureuse, Richelieu cruel — enfin, tous les caractères se montrent d'un seul bloc, par amour des idées simples et respect de l'ignorance — si bien que le dramaturge, loin d'élever abaisse, au lieu d'instruire abrutit.
Comme Bouvard lui avait vanté George Sand, Pécuchet se mit à lire Consuelo, Horace, Mauprat, fut séduit par la défense des opprimés, le côté social, et républicain, les thèses.
Suivant Bouvard, elles gâtaient la fiction et il demanda au cabinet de lecture des romans d'amour.
A haute voix et l'un après l'autre, ils parcoururent La Nouvelle Héloïse, Delphine, Adolphe, Ourika. Mais les bâillements de celui qui écoutait gagnaient son compagnon, dont les mains bientôt laissaient tomber le livre par terre. Ils reprochaient à tous ceux-là de ne rien dire sur le milieu, l'époque, le costume des personnages. Le cœur seul est traité ; toujours du sentiment ! comme si le monde ne contenait pas autre chose !
Ensuite, ils tâtèrent des romans humoristiques ; tels que Le Voyage autour de ma chambre, par Xavier de Maistre, Sous les Tilleuls, d'Alphonse Karr. Dans ce genre de livres, on doit interrompre la narration pour parler de son chien, de ses pantoufles, ou de sa maîtresse. Un tel sans-gêne, d'abord les charma, puis leur parut stupide ; — car l'auteur efface son œuvre en y étalant sa personne.
Par besoin de dramatique, ils se plongèrent dans les romans d'aventures, l'intrigue les intéressait d'autant plus qu'elle était enchevêtrée, extraordinaire et impossible. Ils s'évertuaient à prévoir les dénouements, devinrent là dessus très forts, et se lassèrent d'une amusette, indigne d'esprits sérieux.
L'oeuvre de Balzac les émerveilla, tout à la fois comme une Babylone, et comme des grains de poussière sous le microscope. Dans les choses les plus banales, des aspects nouveaux surgirent. Ils n'avaient pas soupçonné la vie moderne aussi profonde.
"Quel observateur !" s'écriait Bouvard." »

[...]

Gustave Flaubert : Bouvard et Pécuchet



BIBLIOTHÈQUE : Toujours en avoir une chez soi, principalement quand on habite à la campagne.
LIVRE : Quel qu'il soit, toujours trop long.

Gustave Flaubert : Dictionnaires des idées reçues


(Billet déjà publié en mai 2009 sur le blog Feuilles d'automne)