lundi 17 septembre 2018

Haussons les épaules sur le bord du précipice

Un sujet de divertissement pour le Tenancier, ces jours-ci réside dans la récurrence de papiers à vocations « philosophiques » qui dissertent sur le monde, l’effroi, la fin. Non qu’à ses yeux elles se révèlent injustifiées mais il semble que tous ces messieurs (pas trouvé de dame sur le sujet, mais je n’ai pas tout regardé) se soient donné le mot, comme un nouveau fonds de commerce à exploiter. Le catastrophisme de salon avec la rhétorique ad hoc plaît et alimente la petite musique des médias. La fin est proche, repentons-nous ! Comme si nous avions négligé les avertissements, depuis le temps et comme si tout le monde se sentait concerné. Eh non, on va tous mourir, m’sieur dame, sachant que la seule fin du monde dont nous sommes sûrs est celle qui accompagne la fin de notre existence personnelle. En attendant, à l’instar des années quatre-vingt lorsque nous nous résignions à recevoir des SS20 sur la gueule au beau milieu de nos pistes discos, nous continuerons à cracher dans l’eau où flottent les poissons le ventre à l’air. Car ce monde ne vaut que cela. J'exagère ? Vous croyez bien à la sincérité de Hulot et au système électoral...

jeudi 13 septembre 2018

Le Novelliste n°2


 
Le Tenancier est un gentil camarade, ainsi fait-il part de la parution du deuxième numéro du Novelliste, tout frais, tout beau, bien qu’il n’y participe pas pour cette fois. Le Tenancier est grand et équanime (c’est pas dans le dico, mais il aime bien) en vous conseillant de vous le procurer. Enfin, le Tenancier ne s’adonnera pas à sa critique, étant donné qu’il vient à peine de le recevoir. Pour vous le procurer, c’est par ici.
Allez zou !

mercredi 12 septembre 2018

Entre deux portes

« — Et à part ça, Tenancier, comment ça va, en ce moment ?
— Ben, ça roule pour lui…
— Vous êtes bien rare.
— Tout comme les lecteurs du blog.
— Ah…
— Eh oui. »

samedi 8 septembre 2018

Réponses d'éditeurs

Coup sur coup, deux éditeurs ont adressé à votre Tenancier un commentaire élogieux sur ses productions au point qu’il s’est demandé s’il n’y avait pas d’erreur sur la personne. Et puis non, sachant par ailleurs que l’excès de modestie confine justement à l’immodestie. Fort heureusement, un troisième a su commenter notre travail de façon différente et propre à dégonfler un éventuel melon  :
« Parfait !
Nous tenons le bon bout, comme disait la péripatéticienne à son client. »
Nous allons jouir de ces trois interventions comme il se doit, bien entendu. Mais la saveur de la dernière nous a fait redescendre un peu, tout en nous faisant rire…

dimanche 2 septembre 2018

Question de kilométrage

Le Tenancier vient de boucler une histoire et, à cette occasion vient de changer la recharge de son stylo-bille. Le Tenancier écrit fin et à la main après avoir fait un premier jet au clavier (il fait trois passages au moins avant les révisions, dont un obligatoirement manuscrit). Pour cette même occasion, il a terminé le bloc de papier dont il se sert. Donc, les prochains travaux du Tenancier seront composés avec des accessoires neufs. Le Tenancier a remarqué que la recharge garantie 3 500 mètres d’écriture. Le Tenancier s’interroge : combien de blocs tiendra-t-il avec ça ? En définitive, à la question posée récemment sur Facebook : « Le but d’un écrivain est-il de raconter sa vie ? », la seule réponse raisonnable serait de poser la question de son kilométrage et de sa consommation de papier sur la distance. Cela en dirait long sur sa graphie et ses ratures (qui consomment plus qu’une écriture régulière — il en va de l’écriture manuscrite comme de la conduite en bagnole !) et cela nous épargnerait quelques manifestes domestiques. Le Tenancier est pour l’apaisement et se défie désormais des échanges byzantins. Mais il n’empêche personne de s’y livrer. Peut-être qu’un jour le Tenancier vous dira combien de bloc ont été consommés avec une seule recharge de stylo.
Tant pis pour vous.

Postscriptum
Faut pas déconner : le Tenancier est tout juste un écrivaillon (en plus d'être un garçon décevant) et, évoquant le grave problème du sens de l'écriture, il ne pouvait donner qu'une réponse à sa mesure.

mercredi 29 août 2018

« Je n'ai jamais aimé la littérature policière,
ce qui m'intéresse c'est la littérature délinquante »

Puisque l’on a retenu l’attention de certains sur Jean-François Vilar, il est juste de signaler qu’un blog existe autour de son œuvre.

http://passagejfv.eklablog.com/
(cliquez sur l'image)


Il ne semble plus très actif, la faute sans doute à la bibliographie trop courte de l’auteur. On vous incite bien sûr à la visiter de fond en comble.
Et, pour le plaisir, quelques images animées de Jean-François Vilar ici :


Jean-François Vilar, 95% de réel
Film de Pierre-André Sauvageot
(extrait)

On aimerait pouvoir visionner le film en entier. On peut se reporter sur le site du réalisateur pour en savoir plus.

mardi 28 août 2018

Un peu avant la rue Cambronne

Il n’y avait que quelques pas à faire, je retrouvai le bouquiniste, un peu avant la rue Cambronne. Celui que Katz mentionnait dans son carnet. Une boutique modeste, étroite, avec des boîtes sur le trottoir. Quoi ? Des vieux polars, comme il convient, Série noire cartonnée, vieilles revues Ellery Queen, Mystère Mag. Un mystère, La Chouette. Des livres aussi de Calet, de Guérin. Des Huguenin, beaucoup de Céline, de Drieu. Tout un programme éclectique un peu trop proclamé. La vitrine était touchante. Son fond était un grand classement de tranches de livres, sur étagères. Plusieurs de ces tranches étaient manifestement truquées, des leurres permettant au libraire, de l’intérieur, de surveiller la devanture, la fauche éventuelle. Ce qui suffisait à classer le client comme pas bien franc du collier.
Je m’attardai un temps devant cette vitrine. S’y mêlaient agréablement des éditions rares de Cocteau et des accumulations de Paris-Hollywood, Péret et Vaché, Midi-Minuit première série, etc. J’entrai.
L’intérieur était un parfait capharnaüm. Sans logique apparente s’offraient des piles de Radar, de Match, des bandes dessinées : Cosmos, Big Boss, Blek, etc. Passons sur Cinémonde, Jeunesse Cinéma, Top. Il y avait ça et là des enseigne émaillées, Banania, Cadum, Kub, des Dinky Toys, des poupées Barbie et d’assez rares figurines Mokalux.
En d’autres temps, je me serais refait une mémoire débonnaire, avec quelques achats de base.
Ces bricoles amassées, je les connaissais bien, je les avais perdues dans des séparations, des divorces, des oublis purs et simples, des prêts négligents. Le solde avait été cambriolé.
L’entrée était libre, on ne se précipitait pas sur le client. Je pus fouiner tout à loisir tout en sentant une présence vigilante dans l’arrière-boutique, dont l’issue était planquée derrière un empilement de romans-photos vaguement érotiques. Le librairie fit enfin son apparition.
Un homme petit, sans âge, aux gestes furtifs. Il portait un béret crasseux, une longue blouse grise d’instituteur ou de magasinier, c’était caricatural jusqu’à provoquer le malaise. Blaise — j’eus instantanément la certitude qu’il s’agissait de lui — avait négligé de se raser depuis un jour ou deux. Sa barbe était blanche, tout à la fois drue et clairsemée. L’un de ses yeux était blanc, avec une paupière morte, à demi close. Une profonde cicatrice en étoile marquait le front, se prolongeait vers le haut du crâne. Blaise boitait.
Il donnait l’impression d’être cassé de partout, esquinté, mais obstinément solide, avec du défi anxieux dans son regard de borgne rescapé. Il se taisait.
Je continuai à fouiner. Manière de faire éprouvée. Histoire de gagner du temps. Je feuilletai assez longuement un numéro de Paris Magazine, revue légère d’avant-guerre, avec des photos de Kertész, Man Ray. Des photos de charme, comme on dit maintenant. L’œil du vieux était insupportable. Je me retournai. L’infirme n’avait pas bougé.
— Vous êtes Blaise.
Pas un de ses traits ne frémit. À peine la paupière se fit-elle plus lourde. Pure impression de ma part peut-être.
— Vous êtes Blaise. J’aimerais que vous me parliez d’Alfred Katz.
L’irruption fut immédiate, brutale, jaillie de l’arrière-boutique. Une pile de bouquins s’écroula dans la brusquerie du mouvement, parmi eux des numéros de Signal, le magazine illustré collaborationniste, pendant l’Occupation, d’autres de Je suis partout. L’homme s’interposa entre moi et Blaise. Haut de taille, blazer élégant. Un sportif hâlé, puant l’eau de toilette. Il se fabriqua un sourire, me prit fermement par l’épaule.
— Sortons, voulez-vous ?

Jean-François Vilar : Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués (1993)



(L'auteur confond tranche et dos. On lui pardonnera...)

Esprit d'escalier

Et tout à coup, en repensant au billet précédent, le Tenancier songe à 2001, l’Odyssée de l’espace.

dimanche 26 août 2018

Que serait l'existence sans un peu de repentir ?

Oui, bon, d’accord, Le Tenancier est un acrimonieux, un rancunier impavide, c’est un lâche qui tire sur une ambulance. Tout de même, il réside en lui un fond d’humanité puisqu’il ne veut nullement la mort du personnage décrit dans son précédent billet, ou alors le plus tard possible ! En effet, votre Tenancier biche à l’idée que cette vie, médiocrement parcourue, soit longue et exacerbée de sa substance consciente et non comme le prolongement indolent à la médiocrité habituelle dont il semble coutumier. Une sorte de charité nous anime, ainsi que le goût de l’expérimentation, dans l’évocation de cette perspective. Ce con possède une qualité tellurique, une pérennité que nous regretterions de voir s’achever à la manière d’un James Dean cacochyme dans le fracas des tubulures de sa chaise roulante. Nous espérons pour lui un destin autre et sans doute héroïque bien qu’un peu passif, celui qui le destinerait au visionnage infini de son existence de série B, révisée à la manière d’un bonus de DVD.
La charité nous perdra.

jeudi 23 août 2018

Un expert éminent

C’était l’époque des vidéocassettes et du doigt en embuscade sur le magnétoscope pour déclencher l’enregistrement sans choper la pub. Nous visitions alors un expert en série télé qui nous prodigua l’aumône du visionnage d’un extrait en exclusivité où, un personnage en scaphandre sortait d’échafaudages. Ceux-ci, après un suspense insoutenable entretenu par le maître des lieux, se révélèrent quelques bribes, non habillées par les effets spéciaux, d’un film de SF, dont notre cicérone ne manqua pas de souligner le budget pharaonique (énoncé avec le phrasé d’un bonus de blockbuster : incrédibeule !). De sartrien, il en possédait le regard, résultat hasardeux du magnétoscopage, qui veillait à la fois sur la télécommande et les pages de Téléstar. Une pièce de son appartement était emplie de rayonnages métalliques, garnis eux-mêmes de cassettes vidéo, alignements noirs comme une bibliothèque de Borniol. Ainsi, l’on nous y enseigna l’existence de séries télévisées complètes que ce vieux garçon énumérait pour notre édification de béotien tout en nous versant un alcool infect… On peut rester vieux garçon même en couple, le cas se révélait ici. Au moins, le compagnon s’annonçait moins turbulent, plus aimable. Inchangés, les clichés confèrent désormais à l'expert une aura attristée, comme l’expression d’un naufrage. Au fait, la boisson était réellement dégueulasse. Le bar, érigé dans un coin de la salle à manger, ressemblait à celui d’une paillote illégale, celle que l’on trouve généralement près de la bouche du collecteur, pas loin de la baraque à frites. Je ne peux plus voir une bouteille de Malibu sans y penser. Le garçon vivait avec sa maman, dans un rapport que l’on peinerait à songer qu’il fut de bonne intelligence, faute de son ingrédient essentiel. On ne rend jamais assez hommage aux mères, même si les rejetons y reportent leurs turpitudes. C’était ici le cas. Le Tenancier, un peu vicelard, demanda au garçon s’il avait regardé la série complète des cassettes de Dallas qui occupait un sacré pan de mur de la salle à manger. Que non, se récria-t-il, c’était pour sa maman… L’expert continua ses énumérations, nous abreuva de projets cinématographiques et télévisuels à coups de millions de dollars de budget. Ainsi endurai-je la logorrhée, dont le vocabulaire allait devenir la matière des bonus des DVD de films à deux balles : même la machine à café y était incroyable de talent. Du coin de l’œil, l’alignement des vidéos de Dallas formait une masse ironique dans la lumière déclinante. Du bourdonnement de notre hôte émergeaient encore des superlatifs, l’engourdissement gagnait. Le soleil d’hiver posait son glacis sur la toile cirée. Je m’ennuyais, ne trouvant aucun livre sur lequel détourner mon attention ; le journal télé ne comptait pas. Autour de moi, on s’intéressait, on s’extasiait et, pour ma détresse, on en redemandait. Du malheur d’avoir été poli et, surtout, mal assorti…
Quelques jours plus tard, un réalisateur que j’appréciais pour sa la parole rare et précieuse, passa à la librairie où je travaillais et cette apparition me fit méditer sur le bonheur de se camper parfois au bon endroit, et sur l’intelligence.
La chance, en tout cas, ça va, ça vient.