La venue massive de gourous portés
par les vidéos en ligne
et le fait que leurs délires grandissants touchent une population de
plus en
plus naïve ne doit pas nous faire perdre de vue qu’avant cette
résurgence sous
forme numérique, tout un pan de l’édition se livrait à la production de
balivernes dans les années 1960 et 1970. On a ainsi connu les
ouvrages d’Erich
Von Däniken, Robert Charroux et autres imbécillités relayées désormais
par des
JacquesGrimault et des imposteurs vidéastes de l’archéologie fabulée. On se
rappelle
ici que l’impulsion fut donnée par le fameux
Matin des
magiciens, pondu par les duettistes Bergier et Pauwels et
que, sur la lancée, des collections entières vaticinaient à
tout-va :
soucoupisme, Grands Anciens, vie post-mortem, mysticisme de bazar, etc.
L’autre
vecteur, toujours sous forme imprimée était la revue Planète qui, pour
être
honnête, s’était également diversifiée vers les contre-cultures (non
exemptes,
d’ailleurs, de fabuleuses conneries !).
Ainsi, votre serviteur conserve le numéro de
Planète plus
consacré à Bob Dylan et la
beat generation, surtout
par pur fétichisme. En effet, on a lu
mieux. Pour vous situer cette collection au format de la revue mère,
l’on y
trouvait des parutions vouées à Artaud, Ramakrishna, René Guénon, Henry
Miller,
Mounier, Jung et Krihnamurti. Mais qui achetait donc ces machins ?
L’on n’ose songer à des publications militantes en faveur des
réalités alternatives, même si Peyotl et Grands Initiés aux remugles
fascistes
semblaient avoir provoqué la fonte de quelques fusibles dans la
rédaction. Bien
au contraire, nous estimons que ces porte-parole de la sottise mystique
avaient
conscience de s’adresser à du CSP++, c’est-à à dire une catégorie
socioprofessionnelle
plutôt aisée, genre classe moyenne, voyez-vous, mais subissant un fort
déclassement
qui la pousserait à des succédanés religieux ou culturels (nous ne
sommes pas
très loin du petit bourgeois marxien, d’une certaine manière). Hélas,
dans ce
numéro de
Planète plus (daté d’Avril-Mai 1971),
pas de publicités, indices forts de la catégorie du lectorat (ce qui
permettait
de savoir, par exemple que le
Nouvel
Observateur était un journal de gros bourges.) En revanche…
En revanche, la maison Planète, soucieuse d’instaurer un
ordre
nouveau dans les consciences
planétaires proposait à nos chers petits Français des voyages
d’initiation qui
permettait à un occidental de se balader sans vergogne dans une contrée
alors du
« tiers-monde » ou presque. On
découvrira ci-dessous que la pilule de la pauvreté s’avale plus
facilement vue
du dos d’un éléphant et entre deux palaces, bien sûr après avoir visité
quelques ashrams ou bien des récipiendaires de savoirs millénaires.
Le tarif est éloquent : 5350 francs de 1971 (avec
un supplément de 400 balles pour une chambre individuelle) vous donnera
accès
aux clefs de la sagesse orientale. Cela représente plus de 6500 €
actuels selon
le convertisseur de l’INSEE. On appréciera peut-être la modicité de la
somme
pour un voyage organisé de vingt jours en Orient. On attrapera la
nausée en
imaginant ce que pouvait signifier une telle somme pour les
travailleurs autochtones,
même encore maintenant (2 € par jour de salaire minimum en 2020).
La
pudeur n’a jamais vraiment touché la maison Planète, née
vraisemblablement
avant le concept d’obscénité. Reconnaissons toutefois que ces voyages
semblaient honorés par les organisateurs, ce qui n’est pas le cas pour
ce qui
concerne certains égyptologues fabulistes à l’heure actuelle.
On constate avec dépit que l’engouement pour les gourous s’est
quelque peu avili sous la férule de la loi du marché et des nouveaux
médias.
Avouons-le aussi, le gogo devient moins fortuné et adepte des charters.
Il
semble bien que la période Planète fut un Eldorado pour les marchands
de
gris-gris…
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