II. « »
Face à la
progression de l'écriture du nouveau roman, les réactions d'Annie
Wilkes peuvent paraître des plus étranges. Il semblerait que la
présence (et l'absence) de la lettre « n » soient la clef de
ses troubles du comportement. La représentation de cette lettre n'est
pas au centre du film de Rob Reiner, il est cependant intéressant de
s'y attarder, car « n » est l'introduction de la présence de
Dieu dans la narration. C'est cet aspect qui régit le comportement
d'Annie, et donc son rapport à l'écriture ainsi que les choix de plans
et de montage cinématographique évoqués notamment dans la première
partie.
« N » is my Name, i'm insane... En 2008, Stephen King publie un recueil de nouvelles, Juste avant le crépuscule. Contrairement aux autres, la huitième est inédite, elle est intitulée N. La nouvelle relate le traitement psychiatrique d'un comptable, photographe amateur, qui est persuadé d'être le gardien d'un portail entre deux mondes situé sur le terrain Ackerman. Après s'être rendu là-bas pour une séance photo, l'homme, par des événements inexplicables en est ressorti complètement névrosé. Durant ses séances, son médecin est de plus en plus intrigué par l'histoire de son patient. Il se rend également à l'emplacement décrit par N. Il est alors affecté des mêmes troubles obsessionnels compulsifs. Leur folie respective les mènera tous les deux au suicide. L'héritage de la folie au centre de cette histoire semble puiser son origine dans Misery. Annie Wilkes souffre de troubles affectifs et dans une certaine mesure de bipolarité. Quotidiennement, elle passe d'un état irrité, colérique, à une joie, une surexcitation exacerbée. Ces symptômes se révèlent dès le début de l'histoire, la première fois que Paul Sheldon l'autorise à lire quelques page de son écrit. L'euphorie laisse vite place à une rage incommensurable quand elle découvre la mort de Misery. Elle se sent personnellement offensée.
Misery appartient au domaine de la fiction et Annie est là pour ressentir les choses à sa place. Reiner multiplie les gros plans sur le visage de l'actrice, ce qui permet aux spectateurs de voir avec précision les variations instantané de ses expressions. La mort de l'héroïne secoue Annie dans son fort intérieur. Comme l'incarnation réelle du personnage, elle se sent étouffée, enterrée vivante, et crie de rage et de douleur pour se faire entendre par Paul.
Elle peut également passer d'une phase suicidaire à un comportement enfantin et naïf quand elle présente à Paul son cochon nommé Misery. Annie répond à des critères de troubles de la personnalité de type schizophrénique. Elle vit seule bien loin de la ville, elle n'a pas d'amis proches et de relations avec l'extérieur. Elle préfère la compagnie de son cochon à celle des humains. À presque la cinquantaine, elle saute dans tous les sens de manière très enfantine quand elle est heureuse mais redeviens tout de suite plus adulte dès qu'il s'agit d'émotions négatives telle que la frustration. Un autre aspect très important est qu'Annie ne ressent aucune empathie et ne semble en aucun cas avoir de regrets pour son comportement destructeur. Elle pense que Paul est heureux avec elle. Sa perception de la vie et la réalité des relations humaines est en décalage, fantaisiste, certainement du à la relation qu'elle entretient avec Dieu. Elle considère sa rencontre avec Paul divine :
La schizophrénie et la présence de Dieu sont également introduites par la lettre « N ». La machine à écrire que Annie apporte à Paul de possède plus de « n ». Dans la mise en scène de Reiner, cet objet « amputé » nous est présenté dans un cadre très serein. Les deux acteurs jouent avec un grand sourire. Pour Annie, c'est le signe que elle et son auteur fétiche devaient se rencontrer. « n » est une réconciliation. L'infirmière parle calmement et se met au service de l'écrivain pour collaborer à l'écriture du roman : elle voudrait rajouter la lettre manquante manuellement. Mais peu importe à qui appartiendrait la main intervenant sur le manuscrit. Cette main ici renverrait à trois personnalité, trois esprits, et ce serait ce « n » qui définirait qui pourrait intervenir sur le manuscrit ou non. On retrouve la lettre dans Paul SheldoN et ANNie. Pourquoi deux « n » dans Annie ? Car elle est possédée. Dieu l'habite. Les gros plans sur son visage illuminé peuvent nous faire penser aux icônes religieuses. Le duo du huis clos évolue alors en un trio humain et divin, comme un manque à combler.
« N » comme négation... Dans une réflexion plus large, on peut constater que le livre en lui même ne se suffit plus: les romans sont adaptés à l'écran. La nouvelle N. est transposée en bande dessinée. Dans notre société iconophage, où nous avons constamment le besoin de voir les choses, l'apport visuel donne à l’œuvre une crédibilité.
« N » is my Name, i'm insane... En 2008, Stephen King publie un recueil de nouvelles, Juste avant le crépuscule. Contrairement aux autres, la huitième est inédite, elle est intitulée N. La nouvelle relate le traitement psychiatrique d'un comptable, photographe amateur, qui est persuadé d'être le gardien d'un portail entre deux mondes situé sur le terrain Ackerman. Après s'être rendu là-bas pour une séance photo, l'homme, par des événements inexplicables en est ressorti complètement névrosé. Durant ses séances, son médecin est de plus en plus intrigué par l'histoire de son patient. Il se rend également à l'emplacement décrit par N. Il est alors affecté des mêmes troubles obsessionnels compulsifs. Leur folie respective les mènera tous les deux au suicide. L'héritage de la folie au centre de cette histoire semble puiser son origine dans Misery. Annie Wilkes souffre de troubles affectifs et dans une certaine mesure de bipolarité. Quotidiennement, elle passe d'un état irrité, colérique, à une joie, une surexcitation exacerbée. Ces symptômes se révèlent dès le début de l'histoire, la première fois que Paul Sheldon l'autorise à lire quelques page de son écrit. L'euphorie laisse vite place à une rage incommensurable quand elle découvre la mort de Misery. Elle se sent personnellement offensée.
Misery appartient au domaine de la fiction et Annie est là pour ressentir les choses à sa place. Reiner multiplie les gros plans sur le visage de l'actrice, ce qui permet aux spectateurs de voir avec précision les variations instantané de ses expressions. La mort de l'héroïne secoue Annie dans son fort intérieur. Comme l'incarnation réelle du personnage, elle se sent étouffée, enterrée vivante, et crie de rage et de douleur pour se faire entendre par Paul.
Elle peut également passer d'une phase suicidaire à un comportement enfantin et naïf quand elle présente à Paul son cochon nommé Misery. Annie répond à des critères de troubles de la personnalité de type schizophrénique. Elle vit seule bien loin de la ville, elle n'a pas d'amis proches et de relations avec l'extérieur. Elle préfère la compagnie de son cochon à celle des humains. À presque la cinquantaine, elle saute dans tous les sens de manière très enfantine quand elle est heureuse mais redeviens tout de suite plus adulte dès qu'il s'agit d'émotions négatives telle que la frustration. Un autre aspect très important est qu'Annie ne ressent aucune empathie et ne semble en aucun cas avoir de regrets pour son comportement destructeur. Elle pense que Paul est heureux avec elle. Sa perception de la vie et la réalité des relations humaines est en décalage, fantaisiste, certainement du à la relation qu'elle entretient avec Dieu. Elle considère sa rencontre avec Paul divine :
« J'ai demandé à Dieu et Dieu m'a dit je te l'ai amené pour que tu puisses lui montrer le chemin »À nouveau on pourrait citer comme illustration de cette idée la mise en place de l'autel dédiée à Paul dans son salon.
La schizophrénie et la présence de Dieu sont également introduites par la lettre « N ». La machine à écrire que Annie apporte à Paul de possède plus de « n ». Dans la mise en scène de Reiner, cet objet « amputé » nous est présenté dans un cadre très serein. Les deux acteurs jouent avec un grand sourire. Pour Annie, c'est le signe que elle et son auteur fétiche devaient se rencontrer. « n » est une réconciliation. L'infirmière parle calmement et se met au service de l'écrivain pour collaborer à l'écriture du roman : elle voudrait rajouter la lettre manquante manuellement. Mais peu importe à qui appartiendrait la main intervenant sur le manuscrit. Cette main ici renverrait à trois personnalité, trois esprits, et ce serait ce « n » qui définirait qui pourrait intervenir sur le manuscrit ou non. On retrouve la lettre dans Paul SheldoN et ANNie. Pourquoi deux « n » dans Annie ? Car elle est possédée. Dieu l'habite. Les gros plans sur son visage illuminé peuvent nous faire penser aux icônes religieuses. Le duo du huis clos évolue alors en un trio humain et divin, comme un manque à combler.
« N » comme négation... Dans une réflexion plus large, on peut constater que le livre en lui même ne se suffit plus: les romans sont adaptés à l'écran. La nouvelle N. est transposée en bande dessinée. Dans notre société iconophage, où nous avons constamment le besoin de voir les choses, l'apport visuel donne à l’œuvre une crédibilité.
Dans Misery, le « n » est présent pour nous rappeler que
toute œuvre n'existerait pas sans l'être créateur. Le « n »
manquant de la machine à écrire renvoie à la nécessité de l'acte
d'écrire pour l'être humain, et l'invention de toute fiction. Toutes
les histoires que nous lisons proviennent de l'imaginaire de quelqu'un.
Le « n » des noms des personnages seraient alors la marque
que l'homme est la créature de Dieu. Or il faut noter que l'ordre du
monde est bouleversé par cette créature qu'est l'être humain. Les
paroles saintes sont ou mal interprétées ou transgressées. Dans la
Bible, Adam et Ève goûtent au fruit interdit. Dieu les punit :
« Et Yahvé Dieu le renvoya du jardin d’Éden pour cultiver le sol d'où il avait été tiré. Il bannit l'homme et il posta devant le jardin d’Éden les chérubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l'arbre de vie. » (Genèse 3, 23-24)Dans Misery, Annie pense devoir guider Paul. Il s'agirait de faire renaître par le feu donc, son personnage fétiche, puis se suicider après avoir tiré sur l'écrivain. Il est difficile de trouver une réponse au suicide dans la Bible aux vues de des morts héroïques et autres martyrs. Le terme en lui-même n'existe pas. Cependant dans la première épître aux Corinthiens, il est dit que la vie d'un chrétien ne lui appartient pas, elle appartient à Dieu :
« Si son œuvre est consumée, il en subira la perte ; quand a lui il sera sauvé, mais comme à travers le feu. Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu'un détruit de temple de Dieu, celui-là Dieu le détruira. Car le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c'est vous » (Corinthiens 3, 15-17)
« Ainsi donc, que nul ne se glorifie dans les hommes ; car vous êtes à vous, Soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit le présent soit l'avenir. Tout est à vous ; mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu » (Corinthiens 3, 21-22)À l'échelle de la fiction, Annie envisagerait sa mort et celle de Paul comme une révérence. D'un point de vu extérieur, elle est donc dans un acte totalement à l'encontre des pratiques d'un bon chrétien. Mais elle qui est « n », créée par Dieu, devient alors son propre ennemi et celui de son entourage. « N » is your enemy...
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