vendredi 14 novembre 2014

Balades dans la Cité de la nuit — III

A cette époque, je n’avais pas pris de drogue et il ne m’était pas venu à l’esprit d’y toucher. Je me mis en quête d’un acheteur pour les deux articles et c’est ainsi que je fis la connaissance de Roy et d’Herman. Je connaissais un petit truand natif de New York qui travaillait comme cuistot chez Jarro’s, « histoire de se faire oublier », comme il l’expliquait. Je l’appelai pour lui dire que j’avais quelque chose à fourguer et lui donnai rendez-vous à l’Angle, un bar de la 8e Avenue près de la 42e Rue.
Ce bar était le quartier général des voyous de la 42e Rue, une bande de petits demi-sel. Ils étaient perpétuellement à la recherche d’un « cerveau » capable de monter des coups et de leur dire exactement ce qu’il fallait faire. Comme aucun « professionnel » n’aurait accepter de s’acoquiner avec des types aussi visiblement paumés et ratés, ils s’obstinaient à chercher, tout en racontant d’énormes bobards sur leurs gros coups, se faisant oublier en travaillant comme plongeurs, barmans ou serveurs, tabassant à l’occasion un ivrogne ou un pédé timide, toujours à la recherche du « cerveau » sur une grosse affaire qui leur dirait un jour : « Je t’ai bien observé. Tu es le type dont j’ai besoin pour ce coup. Maintenant, écoute-moi… »
 
William Burroughs : Junkie — 1953
(Trad. Catherine Cullaz et Jean-René Major)

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