jeudi 25 janvier 2024

Fake news, mon cul !

Parmi les mots anglo-saxons à la mode, Fake News tient bien la rampe depuis plusieurs années dans les médias qui, l’on s’en aperçoit de plus en plus, se casse de moins en moins le tronc pour livrer une traduction du terme. Le Comité d’enrichissement de la langue française (sic !) propose le mot-valise « infox » qui fleure bon son montage technocratique à l’usage des « communicants ». Quant à nous, nous préférons encore cette vieille catin de langue française, enfin celle qui n'a nul besoin d'être « enrichie » :
CANARD : Fausse nouvelle, récit mensonger inséré dans un journal. — « Nous appelons un canard, répondit Hector, un fait qui a l’air vrai, mais qu’on invente pour relever les Faits-Paris quand ils sont pâles. » (Balzac.) — « Ces sortes de machines de guerre sont d’un emploi journalier à la Bourse, et on les a, par euphémisme, nommés canards. » (Mornand.) — Une anecdote du tome Ier du Dictionnaire de l’Industrie (Paris, Lacombe, 1776), semble nous livrer l’origine de ce mot :
 
On lit, dans la Gazette d’agriculture, un procédé singulier pour prendre les canards sauvages. On fait bouillir un gland de chêne, gros et long, dans une décoction de séné et de jalap ; on l’attache par le milieu à une ficelle mince, mais forte ; on jette le gland à l’eau. Celui qui tient le bout de la ficelle doit être caché. Le gland avalé purge le canard qui le rend aussitôt ; un autre canard survient, avale ce même gland, le rend de même ; un troisième, un quatrième, un cinquième s’enfilent de la même manière.
On rapporte à ce sujet l’histoire d’un huissier, dans le Perche, qui laissa enfiler vingt canards ; ces canards, en s’envolant, enlevèrent l’huissier. La corde se rompit, et le chasseur eut la cuisse cassée.
Ceux qui ont inventé cette histoire auraient pu la terminer par une heureuse apothéose, au lieu de la terminer par un denoûment aussi tragique.

 
La grossièreté de cette histoire, comme dit notre citation, — l’aura fait prendre comme type des contes de gazette, et canard sera resté pour qualifier le genre entier. On trouve « donner des canards : tromper » dans le dictionnaire d’Hautel (1805).
Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d’argot (1881)
 
Mais se priver de la mémoire des mots fait sans doute, également, partie d’un « projet »…

6 commentaires:

  1. « Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde », écrivait Camus en 1944 en hommage à Brice Parain, mais perso je le trouve assez astucieux, ce terme d' « infox » — tout comme « divulgâcher » —, bien plus en tout cas que « balado-diffusion » (à ce sujet, je rappelle que ça fait des années que Jean-Noël Jeanneney à lancé un appel aux auditeurs pour proposer une traduction acceptable de podcast, sans succès damné jusqu'à présent…)

    Concernant le terme « canard », mon Bescherelle du XIXe m'apprend qu'en tant que palmipède c'est la deuxième division de la famille des anas (pas des anars !), dont l'autre se regroupe sous le nom d'« hydrobates » (pas des hydropathes !) et atteste l'expression « Donner des canards à quelqu'un » : l'abuser, lui en faire accroire.

    Mais le fait est que les canards sauvages ne sont pas des enfants du bon dieu…

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  2. Jules19:59

    Bobard ou bourrage de crâne, ça marchait bien aussi.

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  3. Anonyme09:45

    Pourrait aussi y avoir "infaux" (ce qui n'est pas très pratique en parlant...). Quant au "canard", cela pourrait être gênant par rapport à un actuel Canard qui, l'immense majorité du temps, n'en colporte justement pas, de "canards".

    Otto Naumme

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  4. Dans le monde réellement renversé, l'infox est un moment d'ivresse.

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    1. Anonyme06:14

      Le fameux canard du doute aux lèvres de vermouth ?

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    2. Très judicieux, Anonyme, je n'y avais pas songé !
      Mais étant donné la misère de notre temps, je crois qu'on dirait plutôt que l'autre est aval…

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