vendredi 14 mars 2025

Super héros


Il semble que d’étranges démons rôdent autour de nous, qu’ils ont subverti une certaine vision de notre univers sensible, ce qui articulait certains aspects de notre culture, qui fondait le sens de nos relations, celles régissant le fonctionnement du groupe. Peu à peu, la ruse d’Ulysse et de ses compagnons a été remplacée par l’incarnation d’une surhumanité qui s’absoudrait de façon soudaine de la commensalité au profit d’une mission : héros Marvel, genré jusqu’à l’absurde, ou Berseker flinguant à tout va sur des « victimes innocentes », selon la prose en vogue. D’ailleurs, qu'évoquerait l'idée d'une « victime coupable » ? Serait-il plus justifié que celle-là meure, établissant une hiérarchie de la mise à mort ? L’invasion jusqu’à l’écœurement des supers héros produits de manière industrielle n’attend plus que sa reproduction industrielle également, jusqu’à ce qu’ils s’emparent du monde par leur représentants. C’est en cours.
Certains n’ont pas compris. Nous les avons déjà eus, ces héros-là, ces sales cons qui se frayent un chemin à travers l’humanité par la force et les coups de poing dans la gueule. Ils s’exaltent dans la guerre au prétexte qu’ils défendent la paix, oxymore favori des salauds : « L’Empire c’est la Paix », « Le Travail c’est la Liberté », etc. Mais la paix pour elle-même, mais la culture, mais la douceur de vivre…
Dehors, il fait beau. Combien de temps vais-je encore en profiter avant que des ordures viennent brener sur mes bégonias au nom de la Force, du Droit, de la Justice, inférant qu’elle n’est pas la même pour tout le monde ? Combien de temps encore vais-je goûter le bleu du ciel ?

(Illustration d'Andreas Englund)

4 commentaires:

  1. Jules17:06

    La bonne "victime" ne peut qu'être innocente comme le bon Indien ne peut être que mort (non, pas Trump, Sheridan) ou l'attentat ne peut être que lâche. Imagine-t-on un "courageux attentat" ? Oui ? Crimepensée dirait Orwell.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Anonyme09:22

      Mais également "contexte subjectif", pourrait-on dire. En 40, dans le maquis, les personnes qui s'y battaient étaient appelées par les uns "résistants", par les autres "terroristes". Pourtant, c'étaient les mêmes personnes.
      L'acte et la qualification de l'acte, la carte et le territoire, toutes ces sortes de choses.

      Otto Naumme

      PS : il est important de noter qu'aucune mouche n'a été violentée pour l'écriture de ce commentaire.

      Supprimer
  2. Anonyme09:19

    Tiens, ça m'évoque un truc vu dans le livre De la diatribe considérée comme l'un des beaux-arts que je suis en train de lire (belle préface de George Orwell), où un certain Jack Cade, qui mena une révolte paysanne au XVe siècle (et finit mal, en pièces détachées), cite un texte de la Bible qui ne manque pas de sel par les temps qui courent et par le nombre de zozos qui se réclament d'une religion tout en tordant mots et vérités : "Malheur à ceux qui appellent le mal le bien, et le bien mal, qui changent les ténèbres en lumière et la lumière en ténèbres" (Isaïe, 5 : 20)
    Ca a pas d'âge, ces trucs. Le pire est que des masses entières de cons gobent tout ça sans sourciller.
    On a le monde qu'on mérite...

    Otto Naumme

    RépondreSupprimer
  3. Jules13:07

    "Le mode qu'on mérite", vous exagérez mon cher Otto, même s'il y a ô combien de quoi être colère.
    Vachement appétissant, cette diatribe considérée comme un des beaux-arts, je m'en va de ce pas la commander à ma bibli municipale qui malgré une coupe de budget de 63% (si !) doit encore nous dépanner de temps en temps.

    RépondreSupprimer