samedi 7 mai 2016
Idiot
Idiot : Insulte vague; Elle
peut s'adresser à des gens d'esprit. — « Il a l'air d'un chien de
chasse. Est-il idiot, hein ? — Aussi, tu l'agaces, ma chère.. » (E.
Villars.)
Une historiette de Béatrice
Halènes
Halènes : Outil de voleur. —Allusions aux halènes de cordonniers ? — « Crois-moi, balance tes halènes. » (Vidocq.)
vendredi 6 mai 2016
Gadoue
Gadoue : Salope(*). — Du vieux mot gadoue : ordure. — « File, mon fiston, roule ta gadoue, mon homme, ça pue. » (Catéchisme Poissard, 44.)
Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881
(Index)
(* ) Salope adjectif et nom. Malpropre. Sitôt qu'il fût parti, la servante de l'auberge se déclara grosse de son fait. C'était une vilaine salope. (J-J. Rousseau) Il se faisait gloire d'être salope. (Hamilton) | Duchesne/Leguay : La Surprise, dictionnaire des sens perdus, 1990
(Index)
(* ) Salope adjectif et nom. Malpropre. Sitôt qu'il fût parti, la servante de l'auberge se déclara grosse de son fait. C'était une vilaine salope. (J-J. Rousseau) Il se faisait gloire d'être salope. (Hamilton) | Duchesne/Leguay : La Surprise, dictionnaire des sens perdus, 1990
jeudi 5 mai 2016
Sur les routes — II
Nous quittâmes la maison le jour fixé et nous atteignîmes
dans la soirée Malaucène, au pied de la montagne, en direction du nord. Nous y
restâmes une journée, et aujourd’hui, enfin, nous avons entrepris, non sans
peine, l’ascension, aidés chacun d’un serviteur. La masse du mont, un
amoncellement de rochers, est fortement escarpée et presque inaccessible ;
mais le poète l’a bien dit, « labeur opiniâtre vient à bout de
tout ». La longue journée, la température clémente, l’enthousiasme, la vigueur,
l’agilité du corps, tout favorisait notre escalade ; seule faisait
obstacle la nature du terrain. Dans une petite vallée, nous rencontrâmes un
vieux berger qui tenta de mille manières de nous dissuader de monter, nous
racontant que lui aussi, cinquante ans auparavant, poussé par la même ardeur
juvénile, il avait fait l’ascension jusqu’au sommet, qu’il n’en avait rapporté
que larmes et sueur, le corps et les vêtements déchirés par les pierres et les
ronces, et qu’il n’avait jamais entendu dire que d’autres, avant ou après lui,
eussent tenté pareille expédition. Mais, ainsi est la jeunesse, sourde à tout
conseil, plus il criait pour nous mettre en garde, plus nous sentions croître
notre désir de passer outre. Alors, quand le vieillard eut compris que ses
efforts étaient vains, s’avançant un petit peu parmi les rochers, il nous
montra du doigt un sentier abrupt, tout en réitérant ses avertissements, et il
nous en prodiguait encore, que nous lui avions depuis longtemps tourné le dos.
Ayant laissé près de lui les vêtements et les objets qui pouvaient gêner notre
marche, nous nous apprêtons à monter seuls et nous avançons d’un bon pas. Mais
comme il arrive souvent, à un effort violent succède une brusque fatigue, et
nous voici contraints de faire halte sur une roche toute proche. Puis nous
reprenons notre progression, mais plus lentement ; moi surtout, qui
grimpais d’un pas plus lourd, tandis que mon frère, qui coupait en longeant la
crête, s’élevait toujours plus. Moi, peinant, je descendais et, quand il
m’appelait pour m’indiquer le chemin le plus direct, je lui répondais que
j’espérais trouver un sentier plus facile de l’autre côté de la montagne et
qu’il ne me déplaisait pas de faire une route plus longue, pourvu qu’elle fut
plate. Je prétendais ainsi excuser ma paresse et, alors que mes compagnons
étaient déjà au sommet, moi, j’errais par les vallées, sans distinguer nulle
part de sentier plus amène ; la route, en réalité, montait, et l’inutile
fatigue m’accablait. Las d’errer, je décidai de me diriger directement vers le
haut, et quand, épuisé et haletant, j’eus réussi à rejoindre mon frère qu’une
longue pause avait ragaillardi, nous fîmes un bout de chemin ensemble. Nous
avions à peine quitté ce col que moi, oublieux de mes précédentes errances, je
me sens à nouveau tiré vers le bas et, tandis que je traverse à nouveau la
vallée à la recherche d’un sentier plat, je me précipite dans de graves
difficultés. Je voulais différer la fatigue de la montée, mais la nature ne
cède pas à la volonté humaine, et il est impossible pour un corps de gagner les
hauteurs en descendant. Bref, en peu de temps, sous les rires de mon frère et
dans mon abattement, cela m’arriva trois fois ou plus. Découragé, je m’asseyais
souvent dans quelque creux et là, passant rapidement des choses du corps à celles
de l’esprit, je me faisais ce genre de réflexions : « Ce que tu as
tant de fois tenté aujourd’hui en escaladant cette montagne se répétera pour
toi et pour tant d’autres qui veulent toucher à la béatitude ; si les
hommes ne s’en rendent pas compte aussi facilement, cela vient du fait que les
mouvements du corps sont visibles, tandis que ceux de l’esprit sont invisibles
et cachés. La vie que nous appelons heureuse occupe les hauteurs et, comme dit
le proverbe, “ étroite est la route qui y mène ”. Nombreux aussi sont les cols
qu’il faut passer, de même nous devons avancer par degrés, de vertu en
vertu ; sur la cime est la fin de toutes choses, le but vers lequel nous
dirigeons nos pas. Tous veulent l’atteindre, mais comme dit Ovide, “vouloir est
peu ; il faut, pour parvenir, désirer ”. Toi, bien sûr, si tu ne te
trompes pas une fois de plus, non seulement tu veux, mais tu désires. Qu’est-ce
donc qui te retient ? Rien d’autre, évidemment que la route plus plate qui
passe par les bas plaisirs terrestres et qui semble à première vue plus
facile ; mais quand tu auras beaucoup erré, il te faudra monter vers la
cime de la béatitude en peinant sous le poids d’une fatigue fâcheusement
différée, ou bien tomber d’épuisement dans les vallées de tes péchés ; et
si — je frémis à cette pensée — les ténèbres et l’ombre de la mort s’emparent
de toi, tu devras vivre une nuit éternelle de perpétuelles tourments ». Je ne
puis dire à quel point cette pensée me redonna courage et force pour le reste
du chemin. Puissé-je accomplir avec mon âme ce voyage auquel jour et nuit
j’aspire, comme je l’ai accompli après avoir surmonté les difficultés avec mon
corps ! Et j’ignore si ce que l’âme peut réaliser en un clin d’œil et sans
bouger quoi que ce soit, en laissant agir sa nature immortelle, est plus facile
que ce que doit accomplir dans le temps un corps promis à la mort et qui croule
sous le poids de ses membres.
Pétrarque — L’ascension du mont Ventoux — 1353
Traduit du latin par Denis Montebello.
Pétrarque — L’ascension du mont Ventoux — 1353
Traduit du latin par Denis Montebello.
Factionnaires
Factionnaires : Excréments
déposés aux abords de certains murs ; comme un factionnaire, ils
empêchent d'y passer. — « Dans les escaliers, elle vous pose des
factionnaires qui ne crient pas : qui vive ! aux passants. » (Dalès.)
mardi 3 mai 2016
Ébouriffant
Ébouriffant : Excessif au point de faire ébouriffer les cheveux sur la tête. C'est une variante de à faire dresser les cheveux sur la tête qui a paru sans doute trop connu.
— « Menez une jeune fille au bal, tous les yeux flambent autour d'elle,
et vous lui dites : tu ne brûleras pas !... vous êtes ébouriffant, ma
parole d'honneur ! » ( Physiol. des Amoureux. 41.)
Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881
(Index)
mercredi 27 avril 2016
Sur les routes — I
Donc nous partîmes en avant, au-delà, sans nous soucier de
la marée, ni s’il y aurait plus tard un passage pour gagner terre. Nous avions
besoin jusqu’au bout d’abuser de notre plaisir et de le savourer sans en rien
perdre. Plus légers que le matin, nous sautions, nous courions sans fatigue,
sans obstacle, une verve de corps nous emportait malgré nous et nous éprouvions
dans les muscles des espèces de tressaillements d’une volupté robuste et
singulière. Nous secouions nos têtes au vent et nous avions du plaisir à
toucher les herbes avec nos mains. Aspirant l’odeur des flots, nous humions,
nous évoquions à nous tout ce qu’il y avait de couleurs, de rayons, de
murmures : le dessin des varechs, la douceur des grains de sable, la
dureté du roc qui sonnait sous nos pieds, les altitudes de la falaise, la
frange des vagues, les découpures du rivage, la voix de l’horizon ; et
puis, c’était la brise qui passait comme d’invisibles baisers qui nous
coulaient sur la figure, le ciel où il y avait des nuages allaient vite,
roulant une poudre d’or, la lune qui se levait, les étoiles qui se montraient.
Nous nous roulions l’esprit dans la profusion de ces splendeurs, nous en
repaissions nos yeux ; nous en écartions les narines, nous en ouvrions les
oreilles ; quelque chose de la vie des éléments émanant d’eux-mêmes, sans
doute à l’attraction de nos regards, arrivait jusqu’à nous et, s’y assimilait,
faisait que nous les comprenions dans un rapport moins éloigné, que nous les
sentions plus en avant, grâce à cette union plus complexe. A force de nous en
pénétrer, d’y entrer, nous devenions nature aussi, nous diffusions en elle,
elle nous reprenait, nous sentions qu’elle gagnait sur nous et nous en avions
une joie démesurée ; nous aurions voulu nous y perdre, être pris par elle
ou l’emporter en nous. Ainsi que dans les transports, on souhaite plus de mains
pour palper, plus de lèvres pour baiser, plus d’yeux pour voir, plus d’âme pour
aimer ; nous étalant dans la nature dans un ébattement plein de délire et
de joies, nous regrettions que nos yeux ne pussent aller jusqu’au sein des
rochers, jusqu’au fond des mers, jusqu’au bout du ciel, pour voir comment
poussent les pierres, se font les flots, s’allument les étoiles ; que nos
oreilles ne pussent entendre graviter dans la terre la fermentation des
granits, la sève pousser dans les plantes, les coraux rouler dans les solitudes
de l’Océan. Et dans la sympathie de cette effusion contemplative, nous aurions
voulu que notre âme, irradiant partout, allât vivre dans toute cette vie pour
revêtir toutes ses formes, durer comme elles, et se variant toujours, toujours
pousser au soleil de l’éternité ses métamorphoses !
Mais l’homme n’est fait pour goûter chaque jour que peu de nourriture, de couleurs, de sons, de sentiments, d’idées. Ce qui dépasse la mesure le fatigue ou le grise ; c’est l’idiotisme de l’ivrogne, c’est la folie de l’extatique. Ah ! que notre verre est petit, mon Dieu ! que notre soif est grande ! que notre tête est faible !
Gustave Flaubert : Par les champs et par les grèves. — 1881
Mais l’homme n’est fait pour goûter chaque jour que peu de nourriture, de couleurs, de sons, de sentiments, d’idées. Ce qui dépasse la mesure le fatigue ou le grise ; c’est l’idiotisme de l’ivrogne, c’est la folie de l’extatique. Ah ! que notre verre est petit, mon Dieu ! que notre soif est grande ! que notre tête est faible !
Gustave Flaubert : Par les champs et par les grèves. — 1881
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