Où le Tenancier se
prépare au deuil de son scanner (presque 20 ans de services !),
où il se réjouit de ses trouvailles et, enfin, se félicite d’avoir
croisé
quelques amis. Où la conclusion se révèle toutefois un peu chagrine...
Du jour où je vous écris, se déroule le désherbage de la
médiathèque de la riante sous-préfecture où je réside. Jugeant que
j’avais
assez de livres comme cela, je me résolus à ne prendre que le strict
nécessaire
en y passant ce matin. Mais comme on n’est pas de bois, on n’a pas
échappé à la
fièvre acheteuse, surtout que ces petites choses-là ne coûtent presque
rien :
Je n’ai pas lu de Virilio depuis des années, sans doute
fatigué des récits dystopiques et catastrophistes qu’on nous sert à
l’heure de
l’apéro par les lucarnes aveugles. Suis-je apte à de nouveau tester ma
maigre
appétence pour l’énonciation structurée de nos malheurs ? Le bouquin
est court : 104 pages, en
comptant les liminaires, le sommaire et le catalogue, la dépression
restera brève,
du moins je l’espère.
Je ne suis qu’un très modeste amateur de musique qui reconnaît
volontiers ses lacunes, mais pas au point de me fader de forts volumes
pour
compenser. Cette petite biographie de Bach, courte, mais sans doute
suffisante
pour moi, semblait m’attendre et je ne pouvais la contrarier. Cela ne
veut pas
dire que je ne viendrai pas un jour à un travail monumental… Avec
l’âge, on se
découvre de l’intérêt pour l’Opéra. On trouvera bien quelque chose
l’année
prochaine pour compléter ce rayonnage (pourquoi pas ceux de chez
Fayard) Pardon
pour l’image pourrie, mais mon matériel (honni soit qui mal y pense)
n’est plus
à la hauteur.
Évidemment, dans ce genre de manifestation, il faut s’attendre
à une association de malfaiteurs. Ainsi, outre l’un des
bibliothécaires, dont j’aime
accroire qu’il
est un ami, je rencontrais quelques personnes plus ou moins
proches :
serrages de louches, comment ça va, c’est la rentrée, etc. L’un d’eux,
pervers
bibliomane se trouve à l’origine de mes deux meilleures
acquisitions : d’abord
cette anthologie des
Romans libertins
dans la collection Bouquins. L’on possède certes quelques titres
(Crébillon,
Fougeret de Monbron dans l’édition Pauvert, Nerciat et Vivant Denon),
mais le
sommaire restait alléchant pour moi, qui sortait des
Sonnettes
de Guillard de Servigné —, dont vous avez pu lire un extrait
il y a peu ici. Remercions cet ami-là de me l’avoir mis sous le nez et de ne
pas l’avoir conservé pour lui.
Bien sûr, on le connaissait depuis sa parution, mais on ne peut tout acheter, n'est-ce pas ? On peut du moins réparer les lacunes.
Tout de même, le plus chouette, toujours présenté par ce
dénicheur fou, a été cet ouvrage de Robert Crumb. Que dire de plus
sinon :
joie, reconnaissance, plaisir anticipé, etc. L’ami est généreux et me
l’a
laissé. Je ne possède pas assez de Crumb à la maison. La dernière
acquisition
avait été un roman illustré par ses soins et que j’ai trouvé médiocre,
avec
quelques remarques assez douteuses sur l’alcoolisme des
amérindiens :
Le gang de la clef à mollette, par
Edward
Abbey. Peut-être devrais-je vandaliser l’ouvrage (après tout, je
rejoindrais un
peu le sujet du roman) et ne garder que les illustrations dans un petit
cahier…
Heureusement, ce
Héros du Blues, du Jazz
et de la Country m’enthousiasme. Comment pourrait-il en être
autrement,
dites-moi ?
Toute bonne histoire se termine par de la mélancolie, à
cause du temps qui passe, ce que l’on aurait pu et ce que l’on devrait…
Ainsi s’achève
la chronique du jour, faite des regrets que procure la jouissance
spontanée et
dont la descente, il est vrai légère, se prolonge un peu.
Tant pis.
Paul Virilio : Le Futurisme de l'instant — Stop-Eject — Galilée; 2009
Davitt Moroney : Bach, une vie, traduit de l'anglais par Dennis Collins — Actes Sud / Crea, 2000
Romans Libertins du XVIIIe siècle, textes établis, présentés et annotés par Raymond Trousson — Laffont, coll. Bouquins, 1993
Robert Crumb : Héros du blues, du jazz et de la country — Éditions de La Martinière, 2009