Jacques-Élisée Veuillet
La lettre close
Angers — Éditions Deleatur, 1995
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages,
dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en octobre 1995
sur
les presses de Deleatur pour le compte de quelques amateurs
Le
Tenancier : Voici un texte qui possède une saveur
poétique que l’on retrouve jusque dans le nom de son auteur. Cette
prose séduit
le Tenancier par sa précision, son choix des mots et son approche très
allusive
jusqu’à son terme. Quel beau récit ! Mais qui est donc
Jacques-Élisée
Veuillet ? Je sais par le catalogue de Deleatur que ce n’est pas
sa seule
production, mais qu’elle est parcimonieuse. Pourquoi ai-je une
sensation de
familiarité avec lui, cette envie de lui emboîter le pas ? Comme
cette
histoire est curieuse, comme cette rareté est regrettable ! Y
a-t-il
suffisamment de matière pour qu’on puisse regrouper ce qui a été publié
et ce
qui pourrait l’être ?
Pierre Laurendeau : Cher Tenancier, ton vibrant hommage au texte de Jacques Veuillet me va droit au cœur ! J’ai fait sa connaissance en 1972. Il figurait comme éditeur de référence dans l’anthologie des Poètes singuliers du surréalisme et autres lieux, de AV Aelberts et JJ Auquier, parue en 10/18 (1971) – complément indispensable à L’Anthologie de l’humour noir d’André Breton !
Je lui avais adressé un manuscrit, un vrai, écrit à la main par un gaucher contrarié. Il m’a répondu par une lettre aimable, précisant qu’il avait été sensible à l’énergie d’un jeune poète un peu rebelle mais qu’il me conseillait, pour être lu, d’acheter une machine à écrire. Ce que je fis séance tenante, y consacrant l’argent de mon activité d’été d’arroseur de pelouses aux HLM de la ville d’Angers. J’eus le culot d’aller le voir chez lui – son adresse figurait dans le livre – imaginant, à dix-neuf ans, un vaste complexe de bâtiments où s’activerait une nuée de secrétaires et autres commis d’édition. Je découvris un appartement certes bien agencé mais particulier, où Jacques me reçut avec amabilité et, je pense, un certain amusement. Il était très lié aux surréalistes et aux poètes du Manifeste électrique (Bulteau, Messagier, Pélieu…). Il m’offrit plusieurs ouvrages, que j’ai conservés. Sa marque d’éditeur – activité totalement clandestine – s’appelait Première Personne. Il avait alors publié deux livres : Clément Magloire-Saint-Aude, Dialogue de mes lampes, avec des gravures de Camacho, de Wifredo Lam et la première d’Hervé Télémaque[1]. L’autre : Sang de Satin, de Michel Bulteau, était illustré d’une magnifique gravure de Jacques Hérold, dont il était un ami proche.
Chaque fois que je venais à Paris, j’allais le voir. Il était toujours disponible et orientait mes lectures : il me fit découvrir, entre autres, Les Vanilliers de Georges Limbour et Peter Ibbetson de George du Maurier.
Il me fit un éloge sincère – je pense – de mon premier livre, une pièce de théâtre marquée par mes lectures surréalistes, notamment Jean-Pierre Duprey : Moche ou la Quête du Rabot, que je vais rééditer prochainement pour fêter les cinquante ans de la première édition.
Lorsque parut au Soleil noir La Victoire à l’ombre des Ailes de Stanislas Rodanski, auteur que j’avais repéré dans l’anthologie d’Aelberts et Auquier, je découvris au fil du texte un certain Jacques Veuillet que Rodanski tour à tour encensait ou vouait aux gémonies. Je demandai à Jacques si c’était lui. Il me fit alors la confidence de ses années de jeunesse à Lyon, de son amitié « toxique » avec Rodanski[2] et de son rejet final lorsque Rodanski lui lança un appel à l’aide désespéré, juste avant de se présenter à l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu, où il restera toute sa vie.
En 1983, je proposai à Jacques d’intégrer le « consortium » Deleatur pour y poursuivre son activité éditoriale, notamment les textes de Rodanski dont il possédait un grand nombre[3], dans des cartons – ceux publiés par Le Soleil noir provenaient de Julien Gracq, chez qui Rodanski abandonnait des textes quand il venait à Paris – ainsi que chez Jacques Hérold. De Rodanski, parurent chez Première Personne nouvelle formule : Spectracteur, puis Le Journal d’Arnold, La Montgolfière du Déluge et le Journal 44-48.
En 1987, Jacques me fit un plaisir immense en m’invitant à rejoindre sa collection pour mes Ethnograffiti, qui l’avaient enchanté, plaisir doublé par des illustrations et une lithographie de Jorge Camacho.
Je découvris tardivement le talent d’écrivain de Jacques Veuillet : lorsque je créai la collection des mini-livres, il m’adressa La Lettre close, puis Oncle Ted. Avec parcimonie, je dirais… puisque je ne publiais rien de plus.
Je dois à Jacques Veuillet sinon mon amour des livres, du moins mon orientation professionnelle : c’est grâce – ou à cause ? de lui que je suis devenu éditeur.
Pierre Laurendeau : Cher Tenancier, ton vibrant hommage au texte de Jacques Veuillet me va droit au cœur ! J’ai fait sa connaissance en 1972. Il figurait comme éditeur de référence dans l’anthologie des Poètes singuliers du surréalisme et autres lieux, de AV Aelberts et JJ Auquier, parue en 10/18 (1971) – complément indispensable à L’Anthologie de l’humour noir d’André Breton !
Je lui avais adressé un manuscrit, un vrai, écrit à la main par un gaucher contrarié. Il m’a répondu par une lettre aimable, précisant qu’il avait été sensible à l’énergie d’un jeune poète un peu rebelle mais qu’il me conseillait, pour être lu, d’acheter une machine à écrire. Ce que je fis séance tenante, y consacrant l’argent de mon activité d’été d’arroseur de pelouses aux HLM de la ville d’Angers. J’eus le culot d’aller le voir chez lui – son adresse figurait dans le livre – imaginant, à dix-neuf ans, un vaste complexe de bâtiments où s’activerait une nuée de secrétaires et autres commis d’édition. Je découvris un appartement certes bien agencé mais particulier, où Jacques me reçut avec amabilité et, je pense, un certain amusement. Il était très lié aux surréalistes et aux poètes du Manifeste électrique (Bulteau, Messagier, Pélieu…). Il m’offrit plusieurs ouvrages, que j’ai conservés. Sa marque d’éditeur – activité totalement clandestine – s’appelait Première Personne. Il avait alors publié deux livres : Clément Magloire-Saint-Aude, Dialogue de mes lampes, avec des gravures de Camacho, de Wifredo Lam et la première d’Hervé Télémaque[1]. L’autre : Sang de Satin, de Michel Bulteau, était illustré d’une magnifique gravure de Jacques Hérold, dont il était un ami proche.
Chaque fois que je venais à Paris, j’allais le voir. Il était toujours disponible et orientait mes lectures : il me fit découvrir, entre autres, Les Vanilliers de Georges Limbour et Peter Ibbetson de George du Maurier.
Il me fit un éloge sincère – je pense – de mon premier livre, une pièce de théâtre marquée par mes lectures surréalistes, notamment Jean-Pierre Duprey : Moche ou la Quête du Rabot, que je vais rééditer prochainement pour fêter les cinquante ans de la première édition.
Lorsque parut au Soleil noir La Victoire à l’ombre des Ailes de Stanislas Rodanski, auteur que j’avais repéré dans l’anthologie d’Aelberts et Auquier, je découvris au fil du texte un certain Jacques Veuillet que Rodanski tour à tour encensait ou vouait aux gémonies. Je demandai à Jacques si c’était lui. Il me fit alors la confidence de ses années de jeunesse à Lyon, de son amitié « toxique » avec Rodanski[2] et de son rejet final lorsque Rodanski lui lança un appel à l’aide désespéré, juste avant de se présenter à l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu, où il restera toute sa vie.
En 1983, je proposai à Jacques d’intégrer le « consortium » Deleatur pour y poursuivre son activité éditoriale, notamment les textes de Rodanski dont il possédait un grand nombre[3], dans des cartons – ceux publiés par Le Soleil noir provenaient de Julien Gracq, chez qui Rodanski abandonnait des textes quand il venait à Paris – ainsi que chez Jacques Hérold. De Rodanski, parurent chez Première Personne nouvelle formule : Spectracteur, puis Le Journal d’Arnold, La Montgolfière du Déluge et le Journal 44-48.
En 1987, Jacques me fit un plaisir immense en m’invitant à rejoindre sa collection pour mes Ethnograffiti, qui l’avaient enchanté, plaisir doublé par des illustrations et une lithographie de Jorge Camacho.
Je découvris tardivement le talent d’écrivain de Jacques Veuillet : lorsque je créai la collection des mini-livres, il m’adressa La Lettre close, puis Oncle Ted. Avec parcimonie, je dirais… puisque je ne publiais rien de plus.
Je dois à Jacques Veuillet sinon mon amour des livres, du moins mon orientation professionnelle : c’est grâce – ou à cause ? de lui que je suis devenu éditeur.
[1] Je ne possède hélas que l’édition courante…
[2] Alain Jouffroy consacre un ouvrage à Rodanski, Le Temps d’un livre, où il fait part de l’impossibilité de vivre avec lui.
[3] Vers la fin de sa vie, il en fit don à la Bibliothèque Jacques-Doucet. François-René Simon poursuit l’édition de ce fonds, aux éditions des Cendres notamment.