dimanche 14 avril 2019
mercredi 10 avril 2019
10/18 — Alexandre Dumas : Mille et un fantômes
Alexandre Dumas
Mille et un fantômes
Suivi de
La femme au collier de velours
Introduction par Hubert Juin
n° 911
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
440 pages (448 pages)
Dépôt légal : 1er trimestre 1975
Achevé d'imprimer le 23 décembre 1974
Volume sextuple
(Contribution du Tenancier)
Index
Mille et un fantômes
Suivi de
La femme au collier de velours
Introduction par Hubert Juin
n° 911
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
440 pages (448 pages)
Dépôt légal : 1er trimestre 1975
Achevé d'imprimer le 23 décembre 1974
Volume sextuple
(Contribution du Tenancier)
Index
dimanche 7 avril 2019
Idylle dans une bibliothèque
Mon père semblait vouloir profiter du répit que lui laissait sa maladie pour achever les aménagements entrepris à Broglie. Les deux bibliothèques nouvelles étaient terminées. Il s’agissait de ranger les livres venus de Paris dont les caisses s’entassaient depuis la mort de mon grand-père en 1901 dans les écuries. Mais le classement de ces volumes que l’on voulait intégrer dans la bibliothèque principale posait des problèmes que seul un spécialiste pouvait résoudre. Mon père s’adressa au baron de Barante. La famille de Barante avait été très liée avec Mme de Staël et le château de Barante contenait une bibliothèque presque aussi considérable que celle de Broglie. Elle avait été reclassée récemment. Le baron de Barante recommanda sans hésiter un bibliothécaire émérite que mon père engagea aussitôt pour la saison. M. Marie-Louis P. était un Belge originaire de Liège, connu pour ses travaux sur les incunables. On s’attendait à un vieil érudit et on fut surpris de voir arriver un grand jeune homme bien tourné avec de beaux yeux et une superbe moustache. Il parlait beaucoup, sa verve était intarissable et son savoir immense. Il avait tout lu, tout étudié. Dès le premier jour, je fus médusée. Je passais des heures avec lui au milieu des livres amoncelés par terre en tas sur le plancher. Il fallait réunir les tomes, les chercher un à un, classer d’après l’auteur ou la matière, décider de la place la plus logique pour chaque ouvrage. Perché sur la grande échelle, Maris-Louis P. prenait le livre que le lui tendais, en lisait quelques lignes avec des remarques pertinentes puis casait le volume sur un rayon, classant et reclassant sans cesse. Je prenais un intérêt prodigieux à ce travail géant qui semblait devoir être sans fin. J’en oubliais les jeux, les promenades, les lectures chez ma grand-mère, les lettres à mon amie de cœur. Il fallait me forcer à faire quelques tours de parc en bicyclette ou même aller à Trouville voir la mer que j’aimais tant. Plus rien n’existait pour moi en dehors de cet univers de quarante-cinq mille volumes dominé par un séduisant bibliothécaire. Cela dura environ deux mois. Le jeu était dangereux, mes parents ne s’apercevaient de rien. Vers le 15 août mon frère Maurice et ma sœur me proposèrent d’aller passer quelques jours à Dieppe. […] une dépêche alarmante nous rappela à Broglie. C’était le 20 août : l’état de mon père s’était brusquement aggravé. Il fallait revenir en toute hâte pour trouver une situation presque désespérée. Des crises de suffocation se renouvelaient malgré la présence de deux médecins. J’appris dès l’arrivée que devant l’inquiétude croissante Marie-Louis P. avait cru discret de se retirer, laissant son immense classement inachevé. La bibliothèque était vide, les derniers livres rangés en hâte sur les planches du bas. L’espèce de chagrin que je ressentis en apprenant la nouvelle me fit mesurer avec effroi l’emprise que le jeune homme avait exercée sur moi. L’émotion fut augmentée par l’arrivée d’une lettre qui me parvint par miracle. Elle était correctement adressée à « Mlle de Broglie, aux bons soins de la duchesse de Broglie ». Un domestique me l’apporta sur un plat d’argent sans qu’elle ait été ouverte. Ma mère, hélas, avait d’autres soucis. En quelques lignes sobres, Marie-Louis P. m’exprimait sa reconnaissance pour l’aide que je lui avais apportée et son regret d’avoir quitté Broglie sans pouvoir me dire adieu, mais il ajoutait cette phrase romantique et pour moi bouleversante : « Bien qu’un abîme social nous sépare, croyez, Mademoiselle que je ne vous oublierai jamais ». Cette déclaration voilée me produisit un choc affreux. C’était la première fois que de pareilles paroles m’étaient adressées. J’avais lu de mauvais et de bons romans, je n’ignorais pas les plus belles pages de Jean-Jacques Rousseau, mais jamais ne ne m’étais vue dans le rôle de la Nouvelle Héloïse. Puis voilà que me revenaient des souvenirs. N’avait-il pas un soir appuyé sa main sur mon épaule sous prétexte de me remettre mon écharpe ? Une autre fois en lui tendant un livre, ses lèvres n’avaient-elles pas effleuré mes doigts ? Comment était-il possible que je n’avais rien vu, rien remarqué. Je brûlai la lettre dans ma petite chambre mansardée près de la grosse tour et je pleurai toute la nuit sur ce bonheur impossible avec l’attristante pensée qu’en raison de « l’abîme social » l’amour me serait toujours interdit. Marie-Louis P. était-il réellement parti à cause de l’état de mon père, ou bien ma vieille nurse anglaise qui passait ses vacances dans le château était-elle intervenue pour quelque chose dans ce départ brusqué ? Je l’ai toujours soupçonné et je pense aujourd’hui que si cela est vrai, c’est le plus grand service qu’elle m’ait jamais rendu. |
Comtesse de Pange : Comment j'ai vu 1900
Tome II : Confidences d'une jeunes fille
Tome II : Confidences d'une jeunes fille
samedi 6 avril 2019
jeudi 4 avril 2019
La bibliothèque du docteur
Hugot
Les consultations de l'excellent docteur Oehlenshläger
« Le docteur boit du rouge »
in : Charlie mensuel n° 86, mars 1976
mardi 2 avril 2019
Le secret du vélo
Récité et mimé par Coquelin Cadet, de la Comédie Française
Poésie de M. Ernest d'Hervilly
Photographhies de M. da Cunha
La Vie au Grand Air
n° 42 — 2 juillet 1899
Poésie de M. Ernest d'Hervilly
Photographhies de M. da Cunha
La Vie au Grand Air
n° 42 — 2 juillet 1899
lundi 1 avril 2019
dimanche 31 mars 2019
Se laisser faire
Le Tenancier aime, malgré ses dénégations vigoureuses, ces
petits coups du destin qui le font mentir. Ainsi, déclarant il y a quelque
temps qu’il ne se livrerait pas à la réparation d’une nostalgie, voulant
rester sur une saveur d’enfance, voici qu’il se trouve confronté à un artefact
l’y renvoyant. Sans faire d’effort particulier, une histoire liée à la
jeunesse du Tenancier resurgit. Il a cédé et l'a pris.
On conclura de notre côté que, dans ce temps imparti qui
passe, nous presse et nous pousse, nous l’occupons à nous leurrer. La leçon vaut parfois le coup.
samedi 30 mars 2019
Où le Tenancier s'apitoie (et il sent qu'il va le regretter...)
Le Tenancier sait que certains de ses lecteurs s’engluent
dans une navrante nostalgie. Il suffit de voir quels articles sont consultés
couramment ici. Si on les écoutait, on se verrait contraint de rouvrir les
anciens dossiers — et pourquoi pas les anciens blogues. Ces pouacres s’imaginent
donc que l’âge contribue à la vertu. Tant d’apitoiement sur soi écœure. Tant pis pour
eux, nous ne perdurerons plus à nous porter garant de leur sauvegarde. Donnons
leur cette pitoyable pitance, regrets, soupirs et chagrins.
Nous rouvrons l’accès à notre ancien blogue.
vendredi 29 mars 2019
Tourne, tourne le petit astronaute et ne redescend plus...
Le Tenancier n’a pas toujours été Tenancier,
savez-vous ?
Il a eu la chance de faire un peu de microédition. Tout vous sera exposé ici (après une tentative incomplète sur le présent blogue il y a pas mal de temps).
Il a eu la chance de faire un peu de microédition. Tout vous sera exposé ici (après une tentative incomplète sur le présent blogue il y a pas mal de temps).
Lectures prérévolutionnaires
L’autre jour, votre Tenancier remarquait la parution du
livre de Robert Darnton, Un tour de
France littéraire qui selon son sous-titre évoque « Le monde du livre à la
veille de la Révolution ». À la vérité, on le renvoyait à une lacune importante
dans sa culture personnelle, car cette période lui est à peu près inconnue,
faute d’autant moins explicable qu’il détenait par ailleurs un ouvrage
largement antérieur du même auteur, publié la première fois en 1983 qui
s’intitulait Bohème littéraire et
Révolution, doté d’un sous-titre plus général, mais qui aurait pu être
échangé avec la publication plus récente puisqu’ici il était question du « monde
des livres au xviiie
siècle ». On l’avait certes un peu picoré, et notamment toute la première
partie qui décrivait la population des écrivassiers de soupentes, auteurs de
libelles et de pamphlets, « philosophes ratés », mais vrais pornographes, où
certains allaient réapparaître à la Révolution sous d’autres habits : Desmoulins,
Hébert ou Marat, par exemple. Certains, à l’époque incertaine des publications
sous le manteau ne craignaient pas d’émarger à la police en mouchardant et
Darnton de donner des exemples tirés des archives de cette police. Ce chapitre
délectable et étonnant ne se retrouve pas dans Le tour de France littéraire, qui s’attache plus à ce qui fait
aussi la plus grande matière de la Bohème
littéraire, c’est-à-dire le commerce clandestin du livre. Celui-ci atteint
des proportions ahurissantes, qui nous poussent à réévaluer l’image que nous
possédons de la vie intellectuelle de l’époque et sur la présence de certains
ouvrages dans les bibliothèques, certainement surévaluées. Le constat peut sans
doute s’effectuer sans peine à notre époque contemporaine : combien de
livres inutiles gisent dans les bibliothèques, destinés à l’oubli et combien
passeront le cap d’une certaine postérité. Le phénomène reste vérifiable dans
les bibliothèques du xxe
et du xixe siècle,
d’autant plus commodément que nous possédons des traces de la circulation des
livres grâce aux catalogues d’éditeurs et de bien d’autres sources
documentaires. Il se trouve que dans la période prérévolutionnaire, nombre
d’ouvrages de contrebande provenaient de philosophes des lumières et que les
ballots des contrebandiers contenaient aussi bien ces titres-là que des
pamphlets ou des œuvres philosophiques, au point que le terme devint
l’appellation pudique pour des ouvrages quelque peu enlevés. De là, difficile
de quantifier et d’évaluer la teneur exacte de la contrebande. Darnton dans le
premier essai avance avec prudence sur le sujet, puisqu’il reste difficile de
retrouver des traces abondantes des commandes de clientèles (en revanche on en découvre de la part des libraires aux imprimeurs situés hors de France, comme à
Genève). Un autre aspect de La Bohème littéraire
— somme de plusieurs conférences qui ont pour certaines quarante-cinq ans —
revient au constat que le mécontentement politique et social s’alimente des
libelles qui font état de la vie dissolue à la cour, les scandales qui mettent
en scène clergé et noblesse, alimentés par des faits divers et des exactions…
Bien évidemment, ce phénomène renvoie à toutes les situations où une société
vacille sur ses bases, lorsqu’elle s’alimente à d’autres sources que les
organes autorisés. L’évocation possède quelques résonnances à notre époque,
même si les informations ne passent plus par une contrebande organisée (mais
que l’on aimerait bien réprimer tout de même). La production subversive,
variée, clandestine recèle quelques pépites. L’an 2440 de Louis-Sébastien Mercier en fait partie. En cela,
il faut sans doute recommander de lire Bohème
littéraire et Révolution avant Un
tour de France littéraire, qui explore la structure du commerce clandestin,
le premier opus servant d’ouverture. Cette ouverture vaut certainement pour au
moins deux autres titres de l’auteur : Édition
et sédition — L’univers de la littérature clandestine au xviiie siècle et L’affaire des quatorze — Poésie, police et
réseaux de communication à paris au xviiie
siècle. Il semble bien que l’effort de transposition ne soit pas si ardu à
une époque où l’écrit ou la lecture redeviennent des fonctions subversives et
où la police inspecte de nouveau les bibliothèques personnelles pour identifier
le délinquant politique.
MERCIER : « Avocat, homme bizarre, farouche ; il ne plaide ni ne consulte. Il n’est pas sur le tableau, mais il prend le titre d’avocat. Il a fait le Tableau de Paris en quatre volumes et d’autres ouvrages. Ayant peur de la Bastille, il s’en est allé, puis il est revenu et il voudrait s’attacher à la police. » |
MARAT : Hardi charlatan. M. Vicq d’Azir demande au nom de la Société Royale de Médecine qu’il soit chassé de Paris. Il est de Neuchâtel en Suisse. Beaucoup de malades sont morts dans ses mains. Mais il a un brevet de médecin qu’on lui a acheté. » |
samedi 16 mars 2019
Révisons nos classiques
Georgius
Le Cid
Ah, si Corneille entendait ça !
Ah, la drôle d'histoire que je vais chanter là !
Au petit village de Santa Madonna
Habitait Rodrigue
Un brave et beau zigue
Qui avait du poil sur l'estomac
Son père qui était un roublard, et comment !
Qu'aimait pas s' biler, qu'était un peu fainéant
Avait la manière
De tout lui faire faire
En le prenant par les sentiments
— Rodrigue, as-tu du cœur ?
— Tout autre que mon père l'éprouverait sur l'heure !
— Ah bon ? Alors va me chercher un paquet d' cigarettes
Balaye le garage, gonfle ma bicyclette
Rodrigue, as-tu du cœur ?
— Je t'en supplie, papa, ne doute pas d' mon honneur !
— Bravo, mon cher enfant, j'aime ta dignité
Alors, cire mes chaussures et fais-les bien briller
Olé !
À la grande ville, tous les dimanches matin
Ils s'en vont tous deux pour se distraire un brin
C'est le beau Rodrigue
Qui est l' fils prodigue
Le père avare n'a pas un rotin
Pour se taper la cloche ils entrent bientôt
À l'Hostellerie du Canard aux Pruneaux
Le papa commande
Une grosse limande
Et s'écrie devant le plat bien chaud
— Rodrigue, as-tu du cœur ?
— Tout autre que mon père l'éprouverait sur l'heure !
— Très bien. Alors coupe le poisson qui est dans mon assiette
Donne-moi les filets et mange les arêtes
Rodrigue, as-tu du cœur ?
— Papa, je t'en supplie, ne doute pas d' mon honneur !
— Bravo, mon cher enfant, t'es noble comme un lion
Alors, appelle la bonne et règle l'addition
C'est bon !
Le père adorait les courses de taureaux
Il entre aux arènes avec son grand Roro
Le combat fait rage
C'est un vrai carnage
Jamais on n' vit plus méchant taureau
Il a déjà tué quatorze picadors
Six banderillos et le toréador
Une panique immense
Secoue l'assistance
Le papa s' lève et remet ça encore
— Rodrigue, as-tu du cœur ?
— Tout autre que mon père l'éprouverait sur l'heure !
— Parfait ! Alors, cours au taureau qui prend cet air bravache
Et dis-lui de ma part que c'est une vieille vache
Rodrigue, as-tu du cœur ?
— Oh oui, papa, j'en ai, j' vais te l' prouver sur l'heure
Car je viens de comprendre que tu étais cinglé
Je vais t' faire interner
À l'asile d'aliénés
Allez, à la douche !
Ah, la drôle d'histoire que je vais chanter là !
Au petit village de Santa Madonna
Habitait Rodrigue
Un brave et beau zigue
Qui avait du poil sur l'estomac
Son père qui était un roublard, et comment !
Qu'aimait pas s' biler, qu'était un peu fainéant
Avait la manière
De tout lui faire faire
En le prenant par les sentiments
— Rodrigue, as-tu du cœur ?
— Tout autre que mon père l'éprouverait sur l'heure !
— Ah bon ? Alors va me chercher un paquet d' cigarettes
Balaye le garage, gonfle ma bicyclette
Rodrigue, as-tu du cœur ?
— Je t'en supplie, papa, ne doute pas d' mon honneur !
— Bravo, mon cher enfant, j'aime ta dignité
Alors, cire mes chaussures et fais-les bien briller
Olé !
À la grande ville, tous les dimanches matin
Ils s'en vont tous deux pour se distraire un brin
C'est le beau Rodrigue
Qui est l' fils prodigue
Le père avare n'a pas un rotin
Pour se taper la cloche ils entrent bientôt
À l'Hostellerie du Canard aux Pruneaux
Le papa commande
Une grosse limande
Et s'écrie devant le plat bien chaud
— Rodrigue, as-tu du cœur ?
— Tout autre que mon père l'éprouverait sur l'heure !
— Très bien. Alors coupe le poisson qui est dans mon assiette
Donne-moi les filets et mange les arêtes
Rodrigue, as-tu du cœur ?
— Papa, je t'en supplie, ne doute pas d' mon honneur !
— Bravo, mon cher enfant, t'es noble comme un lion
Alors, appelle la bonne et règle l'addition
C'est bon !
Le père adorait les courses de taureaux
Il entre aux arènes avec son grand Roro
Le combat fait rage
C'est un vrai carnage
Jamais on n' vit plus méchant taureau
Il a déjà tué quatorze picadors
Six banderillos et le toréador
Une panique immense
Secoue l'assistance
Le papa s' lève et remet ça encore
— Rodrigue, as-tu du cœur ?
— Tout autre que mon père l'éprouverait sur l'heure !
— Parfait ! Alors, cours au taureau qui prend cet air bravache
Et dis-lui de ma part que c'est une vieille vache
Rodrigue, as-tu du cœur ?
— Oh oui, papa, j'en ai, j' vais te l' prouver sur l'heure
Car je viens de comprendre que tu étais cinglé
Je vais t' faire interner
À l'asile d'aliénés
Allez, à la douche !
mercredi 13 mars 2019
Sur l'imparfait du Subjonctif
On raconte que dans un grand hebdomadaire parisien un seul
auteur avait un libre accès à l’imparfait du subjonctif. Se voyant concurrencé
par un nouveau venu, qui prétendait aussi en faire jouir ses lecteurs, il fit
tant et si bien que l’arrogant fut renvoyé dans sa province.
Le propre de l’imparfait du subjonctif est d’être à la fois un cadavre et un survivant. Cadavre : « L’exemple le plus célèbre de cette évolution du français est la disparition de l’imparfait du subjonctif tué par le ridicule et l’almanach Vermot. Les que je susse, que je visse, n’ont pas résisté aux plaisanteries les plus élémentaires et l’enseignement officiel a même éliminé ce malheureux temps. » C’est Raymond Queneau qui l’affirme (Bâtons, chiffres et lettres) Survivant : « Il s’impose encore, non seulement pour les livres, mais pour les journaux. Comme le passé simple, il n’a plus qu’une existence littéraire. Mais il ne faudrait pas en conclure que sa disparition est prochaine […] Les formes de l’imparfait du subjonctif sont précieuses pour l’écrivain […]. » C’est Brunot et Bruneau qui le disent (Précis de, grammaire historique de la langue française). Cadavre dans la langue parlée, survivant dans la langue écrite. |
Jacques Drillon : Propos sur l’imparfait (1999)
mardi 5 mars 2019
Bibliographie
Les plus curieux d’entre vous ont certainement noté la présence d’une bibliographie de votre serviteur dans une des pages de ce blog. Celle-ci se trouve à l’étroit et manque de clarté, c’est la raison pour laquelle une nouvelle est en cours d’élaboration sur un mini site que l’on vous invite à découvrir en cliquant sur l’image ci-dessous. Accessoirement, vous serez informés de quelques ouvrages à paraître…
On procédera sous peu à l'élimination de la page du blog.
dimanche 3 mars 2019
jeudi 28 février 2019
Raconter le processus
Certes, l’auteur ne doit pas interpréter. Mais il peut
raconter pourquoi et comment il a écrit. Les essais de poétique ne servent pas
toujours à comprendre l’œuvre qui les a inspirés, mais ils servent à comprendre
comment on résout ce problème technique qu’est la production d’une œuvre.
Poe, dans sa Genèse d’un poème raconte comment il écrit Le Corbeau. Il ne nous dit pas comment nous devons le lire, mais quels problèmes il s’est posé pour réaliser un effet poétique. Et je définirais l’effet poétique comme la capacité, exhibée par un texte, de générer des lectures toujours différentes, sans que jamais on en épuise les possibilités. L’écrivain (ou le peintre ou le sculpteur ou le compositeur) sait toujours ce qu’il fait et ce que cela lui coûte. Il sait qu’il doit résoudre un problème. Les données de départ sont peut-être obscures, pulsionnelles, obsédantes, ce n’est souvent rien de plus qu’une envie ou un souvenir. Mais ensuite, le problème se résout sur le papier, en interrogeant la matière sur laquelle on travaille — matière qui exhibe ses propres lois naturelles mais qui en même temps amène avec elle le souvenir de la culture dont elle est chargée (l’écho de l’intertextualité). Quand l’auteur nous dit qu’il a travaillé sous le coup de l’inspiration, il ment. Genius is twenty per cent inspiration and eighty per cent perspiration. Lamartine écrivit à propos d’un de ses célèbres poèmes dont j’ai oublié le titre qu’il était né en lui d’un seul jet, par une nuit de tempête, dans un bois. À sa mort, on retrouva les manuscrits avec les corrections et les variantes : c’étaient le poème le plus « travaillé » de toute la littérature française ! Quand l’écrivain (ou l’artiste en général) dit qu’il a travaillé sans penser aux règles du processus il veut seulement dire qu’il travaillait sans savoir qu’il connaissait la règle. Un enfant parle très bien sa langue maternelle et pourtant il ne saurait en écrire la grammaire. Mais le grammairien n’est pas le seul à connaître les règles de la langue parce que l’enfant, sans le savoir, les connaît très bien lui aussi : le grammairien sait pourquoi et comment l’enfant connaît la langue. Raconter comment on écrit ne signifie pas prouver que l’on a « bien » écrit. Poe disait que « l’effet de l’œuvre est une chose et la connaissance du processus en une autre ». Quand Kandinsky ou Klee nous racontent comment ils peignent, ils ne nous disent pas si l’un des deux est meilleur que l’autre. Quand Michel-Ange nous dit que sculpter signifie libérer de son oppression la figure déjà inscrite dans la pierre, il ne nous dit pas si la Pietà du Vatican est plus belle que la Pietà Rondanini. Il arrive que les pages les plus lumineuses sur les processus artistiques aient été écrites par des artistes mineurs qui réalisaient des effets modestes mais savaient bien réfléchir sur leur propre processus : Vasari, Horatio Greenough, Aaron Copland… |
Umberto Eco : Apostille au Nom de la rose
lundi 25 février 2019
mercredi 20 février 2019
lundi 11 février 2019
10/18 — André Pieyre de Mandiargues : Le musée noir
André Pieyre de Mandiargues
Le musée noir
Suivi de : Mandiargues ou les droits de l'imagination par Guy Dumur
n° 136
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
187 pages (192 pages)
Dépôt légal : 3e trimestre 1963
Achevé d'imprimer le 25 septembre 1963
(Contribution du Tenancier)
Index
Le musée noir
Suivi de : Mandiargues ou les droits de l'imagination par Guy Dumur
n° 136
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
187 pages (192 pages)
Dépôt légal : 3e trimestre 1963
Achevé d'imprimer le 25 septembre 1963
(Contribution du Tenancier)
Index
samedi 9 février 2019
10/18 — Geoffroy Chaucer : Les Contes de Cantorbéry
Geoffroy Chaucer
Les Contes de Cantorbéry
Introduction et traduction par Juliette Dor
n° 2153
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « Bibliothèque médiévale »
254 pages (258 pages)
Dépôt légal : janvier 1991
Couverture : Tacuinum Sanitatis MS 1041 (XIVesiècle)
Bibliothèque de l'université de Liège
ISBN 2.264-01251-X
Volume quintuple
(Contribution du Tenancier)
Index
vendredi 8 février 2019
État de la misère, prémonition du « Mooc »...
Plus sérieux, et donc plus dangereux, sont les modernistes de la gauche […] qui revendiquent une « réforme de structure de l’université », une « réinsertion de l’Université dans la vie sociale et économique », c'est-à-dire son adaptation aux besoins du capitalisme moderne. De dispensatrices de la « culture générale » à l’usage des classes dirigeantes, les diverses facultés et écoles, encore parées de prestiges anachroniques, sont transformées en usine d’élevage hâtif de petits cadres et de cadres moyens. Loin de contester ce processus historique qui subordonne directement un des derniers secteurs relativement autonome de la vie sociale aux exigences du système marchand, nos progressistes protestent contre les retards et défaillances que subit sa réalisation. Ils sont les tenants de la future Université cybernétisée qui s’annonce déjà ça et là. Le système marchand et ses serviteurs modernes, voilà l’ennemi. |
jeudi 7 février 2019
Prométhée
Photos : Lon Chaney, M.J.
Billet paru en juillet 2009 sur le blog Feuilles d'automne
mardi 5 février 2019
La nostalgie n'est plus ce qu'elle était
Le cocktail éditorial ne figure pas dans les fréquentations
de votre serviteur. Outre que son ancienne activité de libraire le rendait
inutile voire tricard dans ce genre de manifestation, les prétextes pour s’y
rendre restaient somme toute assez minces. Toutefois, le hasard aidant, le vice
travaillant également au complot, il m’est arrivé de me trouver dans un coin à
contempler la prise d’assaut du buffet, occasion d’ailleurs, où votre serviteur
mit en pratique au moins une fois sa théorie tirée de la technique du môle et
de l’enroulement pratiquée au rugby. Il n’existe pas de connaissance sotte,
sauf si elle se révèle inutile. Mes compagnons (ce jour-là, salariés d’une
start-up de vente de livre, rare fierté de ce passage) se gobergèrent, moi itou, revanche des obscurs
et des sans-grade à ces banquets qui n’avaient rien de platonicien par
ailleurs.
Le bénéfice dérisoire de picoler un champagne de médiocre qualité par-dessus des denrées trop sucrées et trop salées montre vite ses limites, on le concevra. Restait l’observation de la faune habituelle des attachées de presse et d’autres personnages plus ou moins liés à la maison d’édition et plus sûrement au contenu de la bouffe servie à table. Pas besoin d’être un habitué pour deviner à quel point cette compagnie ne s’élève pas au-dessus du comice agricole. On aurait dû le savoir : si le Salon du Livre de Paris sent l’écurie, ce n’est sans doute pas entièrement redevable au Salon de l’agriculture qui le précède. Alors quoi, n’y avait-il rien à tirer de ces rassemblements. Eh bien, presque. Parfois, avec un peu de chance, on voyait une catégorie de types se faufiler dans ces cocktails et il faut avouer qu’ils avaient plus l’air de s’y sentir à l’aise que ma pomme. À la personne bien informée qui avait réussi à me faire rentrer, je me risquais à demander, « Qui c’est ce type-là ? » Et l’autre qui répond : « Qui ça ? — Eh bien, le gars avec l’imperméable mastic… — Où ? — Là… tu vois, avec les cheveux plaqués en arrière, bien dégagés sur les oreilles, les petites lunettes façon écaille. Bon, il a quitté son pardingue ou son imper, maintenant, il a le petit costard bien ajusté, carrossé par Perrier, tu vois ? — Avec le nœud pap’ ? — Yes, monsieur. — Connais pas personnellement, il fréquente Untel, il paraît qu’il a écrit des articles. Pas lu, pas le temps de tout lire. C’est un ancien khâgneux. Il a pas trente ans. — Tu ne me l’aurais pas dit, hein… — Ah non, mais attend, ce n’est pas le pote de Untel. C’est celui de Duchmol… —… — Mais siii, tu sais, Duchmol de la Revue de la Nouvelle Nation. Cela dit avec l’ami d’Untel, c’est un peu du kif. — Qu’est ce qu’il fait là ? — Ben comme toi, il profite de l’événement, sauf que toi, c’est pour picoler un coup. Lui — à moins que ce soit le pote d’Untel — fait le siège de mon directeur de collection pour placer sa biographie. — Drieu, Brasillach ? — Ouais, un truc dans ce goût-là, mais tu sais, c’est en perte de vitesse, ces conneries, le lecteur potentiel se raréfie, ça bavoche, ça sucre les fraises... Dans le style réac qui peut nous faire de la distance, ce serait plutôt Houellebecq. Avec les vieux fachos, tu peux pas nous la refaire revival façon Claude François, hop, un p’tit coup de lustre sur la pierre tombale et c’est reparti pour un tirage. Vu que le client est occupé à passer le polish sur la sienne, ça déchaîne pas des fièvres. — Houellebecq, il lui faudrait une bonne guerre. — Ah, m’en parle pas, quel tirage ça ferait ! Mais l’autre, là, avec les fringues qu’il a dû piquer à grand-papa, je ne lui donne pas une chance. Pourtant il s’est soigné ! Ça marchait dans les années quatre-vingt, ce genre ‘petit-crevé’ enfin plutôt petite crevure, si tu vois le genre… — Genre ‘Européen’, c’est ça ? Du nostalgique. — Exactement : à faire le voyage aller, en quarante-quatre, au milieu des valoches et en camion Mercedes vers les bords du Danube, et à revenir en truck Ford débâché avec la biroute au cirage, direction Fresnes, si t’es malchanceux. — Bah ! il aurait vu du pays, en tout cas. Tiens, je me rappelle un type qui a eu son petit succès dans les années quatre-vingt, justement, avec son Journal. Je l’avais servi brièvement dans une librairie où j’ai fait un passage éclair, et pour cause… La taulière, une vieille catho versaillaise — et c’est pas une image, crois-moi — se pâmait littéralement ! Tu parles, le clone sous-alimenté de Brasillach ! — C’est marrant, tout de même, ces garçons qui s’adonnent à cette marotte. Tu noteras qu’avec son allure de collabo, il fait un peu le vide autour de lui. — Il a l’air d’aimer ça. — On le remarque. C’est fait pour. Il s’imagine qu’il emmerde tous les juifs qui sont forcément dans l’édition. Ça ne lasse même plus. Tu sais, je parie même que sa biographie n’est même pas écrite et qu’il serait un peu emmerdé sur les bords si on la lui demandait. — Pourquoi tu ne lui fais pas le coup. — Déconne-pas, veux-tu ? Si je me trompe… — Ouais, c’est un risque. Curieux, quand même, j’aurais pensé que l’espèce s’était éteinte. — Mais qu’est-ce que tu veux mon vieux, il reste des jeunes Français patriotes point oublieux de nos aînés, hein ! » Le type se rapprocha de nous. Je m’esquivais tandis que j’entendais mon pote dire que non, en fin de compte, le directeur de collection avait eu un empêchement et que c’était bien dommage… |
lundi 4 février 2019
samedi 2 février 2019
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