dimanche 29 octobre 2017

Une bibliothèque


Jacinto poussa une porte, nous pénétrâmes dans une nef toute d’ombre et de majesté, en laquelle je reconnus la bibliothèque lorsque je butai dans une pile monstrueuse de livres neufs. Mon ami effleura du doigt le mur : aussitôt un feston de lumières électriques, brillant le long des moulures du plafond, éclaira les monumentales étagères en ébène massif où reposaient plus de vingt mille volumes, reliés de blanc, de rouge, de noir, avec des filets d’or, que leur pompeuse solennité raidissait comme des docteurs réunis en concile. (...)
J’avançai et parcourai ébaudi huit mètres d’économie politique. J’avisai ensuite les philosophes et leurs commentateurs, qui revêtaient un mur entier, depuis les écoles pré-socratiques jusqu’aux écoles néo-pessimistes...Sur ces étagères trônaient plus de deux mille systèmes, qui se contredisaient tous les uns les autres.(...)
Plus loin étincelait, habillée de claires reliures, l’aimable bibliothèque des poètes comme pour reposer l’esprit éprouvé par cette accumulation de science positive. Jacinto avait installé auprès d’un coin confortable, avec un divan, une table de citronnier, plus brillante qu’un émail délicat, couverte de cigares, de cigarettes orientales de tabatières du XVIIIe siècle. Sur un coffre en bois poli vous attendait, comme oublié, un compotier d’abricots confits venus du Japon.

Eça de Queiroz - 202 Champs Élysées

Ici comme en mai 2009 sur le blog Feuilles d'automne, où ce texte fut retranscrit primitivement, nous remercions Dominique pour nous l'avoir fait découvrir...

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