Votre Tenancier chéri a abandonné le
métier de libraire
depuis pas mal d’années, désormais. Il constate la perte progressive de
certains processus mémoriels qui étaient liés au boulot. En effet, la
chose s’entretient
presque malgré soi lorsque, lâché entre les rayonnages la stimulation
vient de
toute part. Ce type de mémorisation (titre, auteur, éditeur,
distributeur,
date, tirage, etc.) reste curieuse dans sa structure, elle entraîne à
des
petites manies « cladistiques » qui déborde
parfois sur
le quotidien, au point d’être possédé par la pulsion de classer sa
propre
bibliothèque. Signe de déshérence, celle de votre serviteur se
bordélise,
abandonne la rigueur pour une sorte de schéma vague qui ferait plus
confiance à
l’instinct qu’à l’ordre pour retrouver ce nom de dieu de putain de
bouquin qu’il
cherche depuis des mois (il est sous ton nez, ballot !) À cela
s’ajoute l’accumulation propre au
bibliophage qui décourage également toute tentative de rangement des
ouvrages,
sinon par strates, prenant alors un référencement temporel : les
plus
vieux en dessous de la pile. Bref, on le constate, le soussigné opère
avec brio
l’abandon complet d’un métier pour lequel il n’éprouve plus d’attrait.
Non que
le livre en tant que matériau ou que contenu le désintéressent, mais
sans doute
n’a-t-il plus la patience de supporter la dévotion bêtasse qui se
déploie autour
cette activité. Et puis, entre nous, on aurait l’air fin de revenir à
un métier
que l’on a en apparence renié (pas du tout, en réalité, seulement
auprès de
certains lecteurs approximatifs, constat qui ne décourage même plus
votre
Tenancier qui ne veut plus perdre son temps). En réalité, on respecte
ici le
libraire qui opère des choix, qui a envie, quitte à ce qu’il en paye
les
conséquences.
Alors, en effet, une certaine qualité de mémoire se dilue, tandis que l’on tente de s’entretenir intellectuellement. D’un autre côté, cette déperdition quitte sa dimension aliénante : plus de pulsions chronologiques ou thématiques, l’oubli participe à un fonctionnement spéculatif qui permet de revenir sur un sujet, de le considérer sous un autre angle, sans le frein de l’indexation. Et puis, tout de même, la capacité demeure, même marginale, et se dirige sur des sentiers différents, plus savoureux, plus sensuels, parfois. Cette sorte de renouveau confirme le fait que l’on s’est lassé de classer, que l’on a délaissé une névrose pour d’autres, que l’on espère plus jouissives. Cela dit, ce n’est pas gagné...
Alors, en effet, une certaine qualité de mémoire se dilue, tandis que l’on tente de s’entretenir intellectuellement. D’un autre côté, cette déperdition quitte sa dimension aliénante : plus de pulsions chronologiques ou thématiques, l’oubli participe à un fonctionnement spéculatif qui permet de revenir sur un sujet, de le considérer sous un autre angle, sans le frein de l’indexation. Et puis, tout de même, la capacité demeure, même marginale, et se dirige sur des sentiers différents, plus savoureux, plus sensuels, parfois. Cette sorte de renouveau confirme le fait que l’on s’est lassé de classer, que l’on a délaissé une névrose pour d’autres, que l’on espère plus jouissives. Cela dit, ce n’est pas gagné...
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