René Troin
Angers — Éditions Deleatur, 1998
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages, dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en novembre 1998 sur les presses de Deleatur pour le compte de quelques amateurs
Le
Tenancier : On reconnaît chez l’éditeur l’amour du
jeu autour des mots. Mais je crois qu’il est important ici de revenir
sur René
Troin, qui semble avoir occupé une place intéressante dans le réseau
des
amitiés autour de Deleatur et d’ailleurs.
Pierre Laurendeau : Tu as visé juste, comme toujours, ô Tenancier. René Troin fut un « deleaturien » de la première heure. Il semble me souvenir qu’il avait découvert un article sur Alice-Crime* dans une revue improbable du genre Rock Star – où un ami journaliste, Patrick Le Fur, arrivait à placer des piges très nettement hors contexte ! À moins que ce ne soit dans Fascination, dont la rubrique livres faisait la part belle aux productions du Fourneau, Deleatur et consorts (merci Jean-Pierre !).
Toujours est-il que René répondait présent à chaque envoi d’un vient-de-paraître de Deleatur. Je connaissais son appétit pour les plaquettes improbables et les auteurs clandestins, mais j’ignorais qu’il écrivît [pour une fois qu’on peut placer un imparfait du subjonctif à bon escient !] lui-même. Aussi fus-je très étonné de recevoir en 1998 ce recueil de palindromes, écrits tout exprès pour les minilivres – collection que René appréciait particulièrement ! Parmi les vingt, j’aime beaucoup « Ni rupin ni purin » ou « Et navet elle te vante », qui définit très bien les collusions entre Saint-Germain-des-Prés et la presse spécialisée dans les renvois d’ascenseur.
Ce sera le début d’une collaboration soutenue : encore quatre minilivres, les 35, 41, 52 et 55, et trois ouvrages : La Crau, Arizona (Deleatur), magnifique récit d’une jeunesse réinventée dans une petite ville du Var ; Georges écrit (Ginkgo), faux polar à tiroirs ; Chantier Schéhérazade (Sous la Cape), de l’art de raconter des histoires à la manière des Mille et Une Nuits (un récit inoubliable du passage rêvé des Beatles à La Crau). Plus, après sa disparition, un recueil hommage d’articles sur la chanson française, dont René était un fin connaisseur : Teppaz, SLC & Co.
Je reviendrai sur son vrai talent de joueur de mots à l’occasion de On se fait à l’idée, et c’est moi qu’on assassine ou de Douze aventures de Câline et ses amis.
Même si j’entretiens des relations amicales avec certains membres ou apparentés de plusieurs OuXpo, j’ai parfois du mal avec les productions à contrainte qui peuvent être laborieuses. De plus, il me semble qu’il y a une sorte d’OPA sur les jeux de langage – peut-être d’ailleurs à leur corps défendant – qui rend difficile de promouvoir, notamment auprès des libraires, des textes construits sur des contraintes narratives non estampillés par l’Ouvroir. Or le champ des possibles est très ouvert et je connais de nombreux écrivains qui s’y livrent avec délices et réussite : si on laisse de côté les précurseurs (Alphonse Allais ou Raymond Roussel), je citerai volontiers Yak Rivais, avec son roman Les Demoiselles d’A. paru chez Belfond en 1979, constitué d’un collage de 750 citations, empruntées à 408 auteurs ! Ou Jean Lahougue, dont Le Domaine d’Ana (Champ Vallon, 1998), construction vertigineuse d’une exploration du langage autant que roman d’aventures à la Jules Verne. Je citerais volontiers Patrick Boman, dont on a évoqué ici A Naïve Romance (numéro 19), ou Jean-Paul Plantive (qu’on découvrira avec Le Mystère de la chaise enfin percé, numéro 48), auteur de brillants distiques holorimes.
René Troin a exploré en profondeur les structures narratives, mais plus pour s’en affranchir avec élégance que pour respecter scolairement des codes. Dans Georges écrit, les strates du récit s’enchevêtrent subtilement, sans que le lecteur ait nécessairement conscience de la rigueur de la construction.
Voici la notice que j’avais rédigée pour sa fiche « Sous la Cape » : « René Troin (1952-2016), tour à tour instituteur, animateur de radio associative, puis journaliste et écrivain, était un passionné de chanson, notamment celles des sixties. Se définissant comme un “expert sans assurance”, il a écrit sur ce sujet, dans une langue très élégante, de nombreux articles extrêmement documentés, aussi drôles qu’érudits. »
* Le premier polar potentiel, paru en 1979 à l’enseigne de Deleatur.
Pierre Laurendeau : Tu as visé juste, comme toujours, ô Tenancier. René Troin fut un « deleaturien » de la première heure. Il semble me souvenir qu’il avait découvert un article sur Alice-Crime* dans une revue improbable du genre Rock Star – où un ami journaliste, Patrick Le Fur, arrivait à placer des piges très nettement hors contexte ! À moins que ce ne soit dans Fascination, dont la rubrique livres faisait la part belle aux productions du Fourneau, Deleatur et consorts (merci Jean-Pierre !).
Toujours est-il que René répondait présent à chaque envoi d’un vient-de-paraître de Deleatur. Je connaissais son appétit pour les plaquettes improbables et les auteurs clandestins, mais j’ignorais qu’il écrivît [pour une fois qu’on peut placer un imparfait du subjonctif à bon escient !] lui-même. Aussi fus-je très étonné de recevoir en 1998 ce recueil de palindromes, écrits tout exprès pour les minilivres – collection que René appréciait particulièrement ! Parmi les vingt, j’aime beaucoup « Ni rupin ni purin » ou « Et navet elle te vante », qui définit très bien les collusions entre Saint-Germain-des-Prés et la presse spécialisée dans les renvois d’ascenseur.
Ce sera le début d’une collaboration soutenue : encore quatre minilivres, les 35, 41, 52 et 55, et trois ouvrages : La Crau, Arizona (Deleatur), magnifique récit d’une jeunesse réinventée dans une petite ville du Var ; Georges écrit (Ginkgo), faux polar à tiroirs ; Chantier Schéhérazade (Sous la Cape), de l’art de raconter des histoires à la manière des Mille et Une Nuits (un récit inoubliable du passage rêvé des Beatles à La Crau). Plus, après sa disparition, un recueil hommage d’articles sur la chanson française, dont René était un fin connaisseur : Teppaz, SLC & Co.
Je reviendrai sur son vrai talent de joueur de mots à l’occasion de On se fait à l’idée, et c’est moi qu’on assassine ou de Douze aventures de Câline et ses amis.
Même si j’entretiens des relations amicales avec certains membres ou apparentés de plusieurs OuXpo, j’ai parfois du mal avec les productions à contrainte qui peuvent être laborieuses. De plus, il me semble qu’il y a une sorte d’OPA sur les jeux de langage – peut-être d’ailleurs à leur corps défendant – qui rend difficile de promouvoir, notamment auprès des libraires, des textes construits sur des contraintes narratives non estampillés par l’Ouvroir. Or le champ des possibles est très ouvert et je connais de nombreux écrivains qui s’y livrent avec délices et réussite : si on laisse de côté les précurseurs (Alphonse Allais ou Raymond Roussel), je citerai volontiers Yak Rivais, avec son roman Les Demoiselles d’A. paru chez Belfond en 1979, constitué d’un collage de 750 citations, empruntées à 408 auteurs ! Ou Jean Lahougue, dont Le Domaine d’Ana (Champ Vallon, 1998), construction vertigineuse d’une exploration du langage autant que roman d’aventures à la Jules Verne. Je citerais volontiers Patrick Boman, dont on a évoqué ici A Naïve Romance (numéro 19), ou Jean-Paul Plantive (qu’on découvrira avec Le Mystère de la chaise enfin percé, numéro 48), auteur de brillants distiques holorimes.
René Troin a exploré en profondeur les structures narratives, mais plus pour s’en affranchir avec élégance que pour respecter scolairement des codes. Dans Georges écrit, les strates du récit s’enchevêtrent subtilement, sans que le lecteur ait nécessairement conscience de la rigueur de la construction.
Voici la notice que j’avais rédigée pour sa fiche « Sous la Cape » : « René Troin (1952-2016), tour à tour instituteur, animateur de radio associative, puis journaliste et écrivain, était un passionné de chanson, notamment celles des sixties. Se définissant comme un “expert sans assurance”, il a écrit sur ce sujet, dans une langue très élégante, de nombreux articles extrêmement documentés, aussi drôles qu’érudits. »
* Le premier polar potentiel, paru en 1979 à l’enseigne de Deleatur.
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